Le ministère de l’Environnement a lancé un appel d’offres pour recruter des consultants afin de lutter contre l’érosion des plages. Cette initiative met toutefois en lumière une contradiction dans la stratégie gouvernementale. Malgré les efforts de réhabilitation côtière, 19 nouveaux projets hôteliers ont été annoncés. Une incohérence que des experts environnementaux critiquent sévèrement.
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Le ministère de l’Environnement a lancé un appel d’offres pour recruter des consultants spécialisés qui seront chargés d’élaborer des directives urgentes pour faire face à l’érosion des plages. Cette initiative a été prise à cause de la détérioration accélérée du littoral. Mais cela met en lumière des contradictions dans la stratégie du gouvernement dans le cadre de la réhabilitation côtière.
Dans les documents annexés à l’appel d’offres, le ministère de l’Environnement exprime ses inquiétudes face à la perte croissante du littoral et aux dommages infligés aux infrastructures côtières : « Les plages mauriciennes sont de plus en plus menacées par l’érosion, un phénomène exacerbé par la montée du niveau de la mer et la dégradation des récifs coralliens due au blanchissement des coraux. »
Ce qui signifie que ces problèmes, s’ils ne sont pas traités urgemment, pourraient gravement nuire à l’attrait touristique de l’île ainsi qu’à son économie. L’heure est donc grave. Mais paradoxalement, les actions du gouvernement sont contradictoires. D’un côté, plusieurs rapports du ministère de l’Environnement ainsi que du ministère du Logement et des terres soulignent la détérioration des plages et les pressions de constructions croissantes sur les zones côtières. De l’autre, le gouvernement, par l’intermédiaire de son n° 2 Steven Obeegadoo, a annoncé, l’an dernier, la mise en chantier de 19 projets hôteliers.
La décision d’autoriser de nouveaux projets de bétonnisation sur les côtes sont en contradiction directe avec les efforts de réhabilitation annoncés. Le ministère de l’Environnement tire la sonnette d’alarme sur la dégradation des plages, tandis qu’un autre prévoit des développements qui aggraveront la situation.
Les consultants recrutés auront pour mission de préparer des directives pour l’application des mesures de réhabilitation, en privilégiant des solutions basées sur la nature. « Elles doivent s’attaquer à l’érosion des plages après des conditions météorologiques défavorables dans les complexes hôteliers touchés », peut-on lire dans les documents.
Environ 20 complexes hôteliers, qui subissent une érosion récurrente des plages depuis ces cinq dernières années, sont ciblés par cette initiative. « La sélection des complexes à étudier se fera en consultation avec le ministère du Tourisme, l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice et d’autres parties prenantes. »
« Cercle infernal »
Or, cette stratégie du gouvernement par rapport à la réhabilitation des zones côtières face aux nouveaux projets de développement annoncés suscite de vives critiques. Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement, qualifie cette approche de « cercle infernal ».
« Il y a, d’une part, le ministère du Tourisme qui annonce 19 projets hôteliers et d’autre part, le ministère de l’Environnement qui dit vouloir s’attaquer au problème d’érosion dans les régions côtières », fait-il ressortir. « Cette contradiction met en lumière une gestion incohérente des ressources côtières. Alors que l’érosion des plages et la dégradation des écosystèmes marins nécessitent des mesures de réhabilitation urgentes, le gouvernement, lui, continue d’encourager de nouveaux projets hôteliers », ajoute-t-il.
Pour Vassen Kauppaymuthoo, le simple fait d’autoriser davantage de projets hôteliers à Maurice met en péril l’intégrité même des zones côtières. « Chaque développement en béton sur les régions côtières provoquera davantage de phénomènes d’érosion », prévient-il. Il explique que la construction accrue dans ces zones sensibles accélère la dégradation environnementale, « créant un cycle destructeur difficile à rompre ».
L’océanographe souligne la situation critique des plages et des lagons mauriciens. La disparition des coraux et l’érosion des plages ont, dit-il, sérieusement compromis l’environnement côtier. « Ces signes sont aujourd’hui tellement visibles. » Il ajoute que les touristes sont de plus en plus conscients de la dégradation environnementale du pays.
Selon lui, la réputation de l’île en tant que destination de rêve pour ses plages et sa nature est en déclin. « Il faut se rendre à l’évidence que Maurice ne jouit plus d’une réputation solide au niveau de l’attrait de ses plages et de sa nature » avertit Vassen Kauppaymuthoo.
Il estime qu’il est temps pour le gouvernement de lancer une étude afin de déterminer combien de touristes séjournent réellement dans les hôtels. « Le touriste de 2024 ne se contente pas seulement des hôtels », observe-t-il. Beaucoup d’entre eux, après plusieurs visites à Maurice, ont noué des liens avec la communauté locale et préfèrent des séjours plus authentiques en dehors des structures hôtelières traditionnelles.
« Avant de s’engager dans des projets hôteliers, il faut aussi se demander quel sera le taux de remplissage de ces établissements », souligne l’océanographe. Il met en garde contre le risque de voir émerger des « éléphants blancs » sur les côtes, des projets coûteux et sous-utilisés qui pourraient s’avérer inutiles et néfastes pour l’environnement. « Ne sommes-nous pas en train de construire des infrastructures qui resteront vides et qui détruiront nos plages ? » s’interroge-t-il.
Mission des consultants
Dans les documents annexés à l’appel d’offres, il est indiqué que les consultants devront conseiller le gouvernement sur les exigences politiques, légales et institutionnelles nécessaires à la mise en œuvre des mesures de réhabilitation urgentes identifiées. Ils seront tenus d’organiser des réunions consultatives.
Parmi leurs responsabilités, ils devront rencontrer les responsables des complexes hôteliers sélectionnés afin de faire le point sur leurs problèmes d’érosion existants. Ils devront aussi faire une analyse historique détaillée. Cela consistera à examiner les informations disponibles sur l’érosion des plages et les travaux de réhabilitation réalisés antérieurement.
Ils auront aussi à réaliser une évaluation complète des sites. Pour ce faire, il faudra qu’ils identifient les causes de l’érosion dans les complexes hôteliers touchés en tenant compte des écosystèmes lagunaires existants, de l’hydrodynamique, des menaces de dégradation naturelle et humaine, ainsi que des risques liés au changement climatique et à la montée du niveau de la mer.
26 km de littoral à réhabiliter
Dans le Budget 2024-25 qu’il a présenté, le ministre des Finances a indiqué que plus de 37 km du littoral ont été affectés par l’érosion. Au cours des cinq prochaines années, le gouvernement prévoit de restaurer plus de 26 km de rivage et de réhabiliter une trentaine de sites dégradés à travers l’île. Voici ci-dessous une liste des régions côtières concernées.
- Nord : Trou-aux-Biches, Pointe-des-Lascars, Grand-Baie, Mon-Choisy, Bain-Bœuf et Bras-d’Eau
- Sud : Bel-Ombre, Riambel, Rivière-des-Galets, Saint-Félix, Blue-Bay, Pointe d’Esny, Pointe-des-Régates, Bois-des-Amourettes et Rivière-des-Créoles
- Est : Poste-de-Flacq, Belle-Mare, Grande-Rivière-Sud-Est et Palmar
- Ouest : Albion, La Preneuse, La Mivoie Rivière-Noire, Le Morne Trou Chenille, La Prairie, Flic-en-Flac, Wolmar, Le Morne Village et Petit-Verger.
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