L’affaire de la saisie des 135 kilos d’héroïne va faire des vagues dans l’univers hippique. L’Independent Commission against Corruption s’intéresse aux nouveaux riches louches devenus propriétaires de chevaux.
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La Commission anti-corruption (Icac) est déterminée à dénicher les nouveaux riches, qui se servent du circuit hippique pour blanchir l’argent sale provenant de la drogue. Une enquête, baptisée Financement des écuries à travers l’argent de la drogue, a été initiée depuis deux semaines. Déjà, le Stable Manager d’une écurie a été entendu. Les interrogatoires vont se succéder, la semaine prochaine, au quartier général de l’Icac, à Moka. Cette commission se tournera vers le Mauritius Turf Club (MTC) et la Mauritius Revenue Authority (MRA) pour avoir la liste des propriétaires de chevaux de ces dernières années.
Selon un haut cadre de l’Icac, cette enquête permettra de purger les écuries en épinglant tous ceux qui y injectent de l’argent mal gagné. « C’est clair que nous ne soupçonnons pas toutes les écuries et tous les propriétaires de chevaux. Selon nos renseignements, il n’y en a qu’une poignée. Nous avons tout mis en œuvre afin d’identifier les brebis galeuses », explique-t-il.
Provenance des biens
Les propriétaires suspects devront prouver la provenance de leurs biens. « L’Icac ne va pas faire de cadeaux à ces individus qui se sont enrichis à une vitesse vertigineuse par des moyens illégaux, surtout par le trafic de la drogue », poursuit-il. L’Icac, ajoute ce haut cadre, est en présence d’informations compromettantes sur certaines personnes qui agissent comme prête-noms. « À coup sûr, ces gens qui s’enorgueillissent que des chevaux courent sur leur noms vont être soumis à une batterie de questions pour qu’ils dévoilent les noms des vrais propriétaires », précise notre interlocuteur. Un cheval coûte entre 40 000 et 1,5 million de rands, soit entre Rs 120 000 et Rs 4,5 millions. Sans compter les frais mensuels pour son entretien (keep).
Selon nos recoupements, c’est durant la première moitié des années 80 que ces « personnes louches » se sont incrustés au sein des écuries. à cette époque, l’importation de chevaux a été libéralisée. Avant, c’est le MTC qui s’en chargeait et les nouvelles acquisitions étaient réparties entre les écuries à travers un tirage au sort avant le début de la saison hippique.
« Le MTC récupérait ensuite son argent en déduisant une certaine somme du stakes money engrangé par une écurie en cas de victoire de son cheval ou si ce dernier finissait dans les accessits. Un tel système était moins contraignant pour les écuries. Il n’y avait pas lieu de chercher des revenus par n’importe quel moyen », nous explique un vieux propriétaire de chevaux. Et de poursuivre : « Vu que les chevaux lui appartenaient, le MTC exerçait un contrôle très strict. Il y a des cas où le MTC a repris des chevaux des écuries ou encore licencié des palefreniers pour mauvaise conduite. »
Dégradation
Notre interlocuteur constate avec impuissance la dégradation de la situation depuis que chaque écurie importe ses propres chevaux. Chaque yard doit trouver les moyens nécessaires pour acquérir des coursiers. « Les données ne sont plus les mêmes. Il faut des moyens. Les écuries riches et bien établies, avec une gerbe de propriétaires aisés, n’ont aucun problème. Elles s’offrent beaucoup de petits champions. Le problème est aigu pour les autres écuries, celles qui n’ont pas suffisamment de membres ‘friqués’ pour avoir, au moins, un effectif moyen. Elles sont contraintes d’ouvrir leurs portes à des gens qui n’ont pas forcément pignon sur rue », fait-il ressortir.
Cette recherche aveugle de propriétaires de chevaux risque, selon lui, de ternir la réputation de certaines écuries. « En prenant n’importe qui comme membre, certaines écuries s’exposent au risque d’être transformées en blanchisseuses d’argent sale. Ce n’est un secret pour personne que la mafia ne laissera pas passer une telle occasion », fait-il ressortir.
Le pari est le seul moyen pour écuries et propriétaires de chevaux de recouvrer leurs investissements. « De grosses sommes sont investies dans l’achat et l’entretien d’un cheval. Propriétaires d’écurie et propriétaires de chevaux ne font pas ces investissements que pour le plaisir ou l’honneur. Il leur faut un retour sur investissement, qui ne passe qu’à travers le pari », dit-il.
Une tâche herculéenne attend les enquêteurs de l’Icac pour séparer le bon grain de l’ivraie au Champ-de-Mars.
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