Législatives 2019

Législatives 2019 : quand les sondages politiques affolent 

Les réseaux sociaux affichent quotidiennement des sondages réalisés par des individus. Certains y croient et d’autres non. À deux jours des élections, quel rôle les sondages jouent-ils dans la campagne ? 

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« Ki sondaz ? » C’est la grande question sur toutes les lèvres depuis le début de la semaine. Les sondages affolent les réseaux sociaux depuis le début de la campagne et les résultats penchent dans tous les sens dépendant des sensibilités. Pourtant, les sondages politiques ont une place dans la campagne diront les observateurs. Certains plébiscitent ces données et d’autres mettent en garde contre la mauvaise utilisation de cet outil. 

Les professionnels soulignent que les sondages sont effectués de façon systématique et scientifique. C’est ce qu’explique Girish Noonaran, directeur de la firme VERDE. Il indique que lors d’un sondage, le consultant prend en compte trois facteurs : les interrogatoires sur le terrain, les médias et les réseaux sociaux. Les interrogatoires se font sur un échantillon de la population en prenant en compte les mêmes pourcentages des différents segments : âge, sexe, situation sociologique, appartenance ethnique, régions, entre autres. « Normalement, nous interrogeons un minimum de 3 000 à 3 500 personnes », souligne Girish Noonaran. Il ajoute que ces trois éléments permettent de mieux cerner l’opinion publique tout en faisant attention aux « fakes » sur les réseaux sociaux. C’est pour cela que les médias en ligne sont considérés tout en prenant en compte les réactions des internautes sur chaque sujet traité et sur les partis politiques. 

« Un sondage, c’est une photographie d’un moment, et au fait, dès la publication d’un sondage, la situation peut évoluer. » C’est ce que pense l’ancien rédacteur en chef et observateur politique, Jean-Claude de l’Estrac. Il estime que les électeurs devraient prendre en compte les sondages sérieux réalisés par des professionnels. Dans ces cas, le sondage est un outil scientifique, il est basé sur un échantillonnage construit méthodiquement, il peut alors être utilisé à bon escient par les stratèges de campagne politique et par la presse. Toutefois, il estime qu’un sondage politique sur les intentions de vote peut difficilement se faire sur une base nationale, l’élection se gagnant par circonscription. 

Fiabilité

« Si j’étais  Campaign Manager, j’aurais effectué des sondages dans les trois ou quatre circonscriptions dont la composition sociologique se rapproche le plus de celle de la population nationale. Cela m’aurait donné une indication plus fiable sur les tendances. De là, on peut extrapoler sur les autres circonscriptions. » 

Toutefois, il souligne que les sondages ne servent à rien à deux jours des élections et c’est le cas, aussi, pour les pseudo-sondages réalisés par des internautes sur les réseaux sociaux. 

Pour Catherine Boudet, politologue, pendant cette campagne électorale, des sondages circulent sur les réseaux sociaux tout comme les pronostics sur le résultat des élections. Certains se prétendent être des rapports de la National Security Service. 

« Cette prolifération d’interprétations personnelles est due au fait qu’en réalité, nous ne disposons d’aucune méthode scientifique pour prévoir le résultat d’un choix collectif aussi mouvant que le résultat des urnes », affirme-t-elle. 

Il y a très peu d’outils pour effectuer une sociologie électorale fiable ou une analyse prospective. La méthode la plus précise serait le sondage réalisé par les instituts spécialisés, affirme-t-elle. 

Selon la politologue, la fiabilité du sondage repose en premier lieu sur la représentativité de l’échantillonnage, « mais, à Maurice, il est très difficile de garantir cette représentativité, ne serait-ce que par exemple, en termes de communautés, faut-il retenir les communautés officielles de la Constitution ou celles de la perception populaire ? » 

Elle ajoute que le vacuum méthodologique est alors comblé par des pronostics individuels, sur lesquels se greffent une tendance récente à la prolifération de faux rapports. 

« Surtout que nous sommes dans une culture du jeu, c’est donc ce goût du pronostic hippique ou sportif qui s’exprime pendant la campagne électorale. Le pronostic a remplacé la prévision. » 

Selon elle, chacun établit ses propres critères d’évaluation, en termes d’expérience personnelle, d’observation sur le terrain, de croisement avec les opinions des autres, entre autres. Pour elle, les seules sources chiffrées de prévisions électorales relèvent soit des bookmakers, soit des estimations de la National Security Services (NSS). Les premiers sont illégaux tandis que les seconds sont secrets donc inaccessibles au public, « ce qui ouvre donc la porte à tous les fantasmes », avance-t-elle.

Catherine Boudet souligne que le pays est passé à une étape supérieure et bien dangereuse, celle de la manipulation de l’opinion publique, voire de la déstabilisation politique, au moyen de la propagation de faux rapports NSS, fabriqués avec plus ou moins d’ingéniosité et de crédibilité. 

« Là où les pronostics personnels relèvent d’une démarche assez saine d’observation participante et citoyenne, cette prolifération de faux rapports fabriqués relève d’une véritable démarche pyromane qui alimente le côté inflammable du débat public », poursuit-elle. Pour elle, dans bien des cas, les faux rapports sont une guerre de déstabilisation qui est à l’œuvre pour tenter de démobiliser l’adversaire.

 

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