
L’affaire Eastcoast Hotel Investment Ltd a mené à l’arrestation de l’ex-ministre des Finances, Renganaden Padayacy, l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam, et l’ex-CEO de la Mauritius Investment Corporation (MIC), Jitendra Bissessur. Pourtant Armand Apavou est un protagoniste important dans cette affaire. Car, il était le propriétaire des 70 % d’actions d’East Hotel Investment Ltd, rachetés par la MIC en juin dernier.
Armand Apavou, né en 1939 à La Réunion, incarne la trajectoire d’un entrepreneur autodidacte au destin hors norme. À la tête du groupe éponyme, l’homme d’affaires réunionnais a connu les sommets de la réussite dans l’immobilier et l’hôtellerie, mais aussi les turbulences judiciaires et financières d’un empire fragilisé par ses ambitions.
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Issu d’un milieu modeste, Armand Apavou quitte l’école après avoir obtenu un certificat d’études primaires à Saint-Denis. Il entame sa vie professionnelle très jeune aux côtés de son père, vendeur de légumes. Tour à tour marchand de letchis, chauffeur de camion et maçon, il se mue rapidement en entrepreneur, saisissant les opportunités offertes par les lois françaises d’exonération fiscale sur l’immobilier.
C’est en 1969, à 30 ans, qu’il livre son premier immeuble, le Super Camélias, à Saint-Denis. Cinq ans plus tard, il fonde la Compagnie générale de bâtiments Armand Apavou. Suivront une série d’entreprises : Batipro, SIP (Société industrielle de préfabrication), SREG, Apavou Industries, Apavou Hotels Ltd et la SEM Sempro. Il étend ensuite ses activités au secteur de l’hôtellerie, à La Réunion et à Maurice, avec notamment les hôtels Le Saint-Denis, Les Jardins de Bourbon et le Grand Hôtel des Mascareignes.
Expansion à Maurice et pari hôtelier
En 1987, Armand Apavou entame ses premières opérations hôtelières à Maurice avec la construction de l’hôtel Ambre. Rapidement, il acquiert et rénove d’autres établissements : La Plantation, Les Cocotiers, Bougainville, faisant du groupe Apavou un acteur non négligeable de l’industrie hôtelière mauricienne.
Mais la crise financière de 2009 marque un tournant. Face aux difficultés, les opérations hôtelières sont suspendues et quatre de ses établissements sont placés sous administration judiciaire. Plusieurs établissements seront alors loués à des groupes mauriciens : Ambre à Sun Resorts, Les Cocotiers et Bougainville au groupe Attitude. En 2014, il vend l’Indian Resort et La Plantation, en proie à des difficultés financières.
L’excédent généré permet au groupe de se réorienter. Il construit The Cube, une tour de bureaux de treize étages à Ébène en 2016, et lance un centre commercial de 13 240 m², le Plaisance Shopping Village, dans le sud de l’île, en 2018.
Médias, revers et restructuration
Si Armand Apavou a toujours manifesté une appétence pour la diversification, ses tentatives dans les médias se sont soldées par des échecs cuisants. En 1987, il lance Le Magazine de l’océan Indien, qui n'a survécu que cinq mois. En 1992, c’est Le Réunionnais, quotidien en couleurs, qui voit le jour. Quatre ans plus tard, la liquidation est prononcée, avec un passif de 80 millions de francs.
Cette aventure médiatique précipitera un vaste démantèlement financier. En mars 1998, deux autres hebdomadaires, Télé 7 Magazine et Star Télé, sont également liquidés. Un audit du cabinet Arthur Andersen, mandaté par le Crédit foncier de France, évoque alors une situation de quasi-insolvabilité pour dix-sept entreprises du groupe.
Un règlement est trouvé en 1997 grâce à l’intervention de l’avocat Jean-Louis Borloo : Apavou s’engage à rembourser ses dettes avant 1999. Le groupe est ainsi placé sous la supervision d’un mandataire désigné par le tribunal de commerce.
Vente des actifs et désendettement
Le coup de grâce intervient en août 2022. Le tribunal de commerce de Saint-Denis valide un protocole de désendettement permettant à Armand Apavou de rembourser plus de 160 millions d’euros de dettes en cédant une part importante de son patrimoine immobilier. Ce sont plus de 2 500 logements qui sont alors mis en vente. Parmi les créanciers : le Crédit Foncier, la CGSS et des établissements bancaires.
L’homme d’affaires poursuit néanmoins ses activités, notamment à travers Apavou Holdings Ltd, dont il reste l’unique actionnaire. Le 7 juin 2024, il cède les 70 % de parts qu’Apavou Hotels Ltd détenait dans Eastcoast Hotel Investment Ltd à la MIC, pour un montant de Rs 2,4 milliards. Un mouvement stratégique qui marque sans doute une volonté de recentrage et de liquidation d’actifs pour assainir ses comptes.
Un empire fragilisé
Derrière les façades de béton, les hôtels de standing et les centres commerciaux, le parcours d’Armand Apavou révèle celui d’un entrepreneur intuitif, déterminé, mais aussi parfois téméraire. Sa trajectoire, entre essor fulgurant et endettement massif, illustre les paradoxes d’un capitalisme ultramarin confronté aux réalités économiques locales et aux aléas du marché.
À 85 ans, celui que l’on surnommait « le bâtisseur de l’océan Indien » conserve une place singulière dans le paysage économique réunionnais et mauricien. Ni tout à fait un modèle, ni tout à fait un contre-exemple.

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