Après la sècheresse, les récentes pluies torrentielles n’ont donné aucun répit aux planteurs. Champs inondés, cultures détruites ou encore légumes abîmés… Tel est le triste spectacle qui s’offre aux yeux des cultivateurs. Les dégâts se chiffre à plusieurs milliers de roupies. Cependant, les planteurs qui assurent au quotidien notre sécurité alimentaire se disent prêts à retrousser leurs manches pour tout recommencer à zéro.
À La Brasserie - Dayanand Roopchand : « Ek sa la pli la, tou legim pe fonn dan karo »
Le mercredi 1er février, nous avons mis le cap sur les champs agricoles, histoire de voir les dégâts causés par les récentes pluies torrentielles qui se sont abattues sur le pays. Notre première escale : les champs agricoles de la famille Roopchand à La Brasserie, Curepipe.
Vijesh écourte sa pause de déjeuner et vient à notre rencontre. Le jeune planteur est ensuite rejoint par sa mère et son père. Ces derniers expliquent que leurs champs agricoles ont subi des dégâts très importants suite aux pluies torrentielles. Ils confient que ce sont des milliers de roupies qui tombent à l’eau, avant d’ajouter qu’ils doivent tout recommencer. Ainsi, si le soleil brille dans les prochains jours, ils remettront en terre des graines et des semis pour récolter d’autres légumes saisonniers. Toutefois, ils se disent conscients que ces nouveaux efforts pourront être vains, vu que c’est la saison des pluies. « Ce sont les risques associés à ce métier. Nous, les planteurs, nous devons être résilients pour gagner notre vie au quotidien. Pour faire face aux caprices de la nature, la patience et la persévérance sont plus que nécessaires. », poursuivent-ils.
Dayanand, le père de Vijesh, nous invite à traverser un ruisseau pour voir sa plantation de chouchoux. Âgé de 66 ans, il travaillait autrefois comme chauffeur. Cela fait 27 ans qu’il est dans le domaine de la plantation. Après Midlands et Plaine-Sophie, ses trois fils, sa femme et lui cultivent désormais dans des champs agricoles à La Brasserie, sur 7 à 8 arpents de terre. Dans les plantations, ils font pousser en temps normal, des carottes, des choux, des chouchous et de la coriandre, etc. Les légumes sont ensuite mis en vente aux encans de Vacoas et de Port-Louis.
Dayanand soulève quelques plantes de chouchoux et désigne du doigt les feuilles jaunies. « Dan sa la pli kinn gagne la, ena disel. Saem ki touy ban plantes la ek fer zot vinn nwar. La bizin atan enn de zour soley pou guet sityasyon apre pou bisin rass tou ek replante », explique-t-il. Ces plantes ont été mises en terre il y a huit mois et la famille a pu faire deux récoltes. Les récentes pluies ont détruit 50 % de leur plantation de chouchoux. Dayanand fait le même constat pour les plantations de carottes, de choux et de coriandre qui ont été également envahies par les eaux. « Kan guet sa ban degat la, gagn malad la tet », confie-t-il.
Il nous propose d’aller dans ses autres champs. Dans les allées, nous tombons sur des carottes en train de pourrir. Il en arrache quelques-unes et explique : « Avek delo dan la ter, zot pe fonn. La bisin rass tout ek replante ». Par rapport aux investissements, le sexagénaire affirme qu’ils sont énormes en termes d’argent, de fertilisants, de main-d’œuvre, de graines, entre autres. « Nous avions espoir de faire de bonnes récoltes, mais aujourd’hui tout est détruit. Pour les nouvelles cultures, nous devons puiser dans nos économies et réinvestir dans nos plantations. Le coût de production des légumes devient de plus en plus onéreux avec la hausse des prix des intrants », affirme-t-il. Pour la vente des légumes, les stocks se sont écoulés à petits prix.
Dayanand fait comprendre que le prix de légumes va continuer à grimper de par leur rareté sur le marché. Il tient à faire remarquer que ce ne sont pas les planteurs qui fixent les prix, mais les marchands. « Les planteurs sont les plus grands perdants lorsqu’il y a des intempéries, car ils doivent écouler un maximum de légumes de leurs récoltes », avance Dayanand. Par la suite, nous prenons la direction de la plantation des pommes d’amour. Sur place, une scène de désolation. « Nous avons pu faire trois récoltes. Les récentes pluies ont détruit 60 % des cultures. Nous devons maintenant tout arracher et en planter d’autres », conclut-il.
Vijesh : « Leker fermal kan guet tou sa sakrifis la, al dan dilo »
Vijesh travaille dans la plantation familiale depuis une dizaine d’années. Il explique qu’avant les pluies torrentielles, il a mis en terre des graines de carottes, mais les averses ont tout lavé. De ce fait, il a dû faire le rebinage de la terre pour refaire une nouvelle culture de carottes. Pour les choux, ceux qui ont survécu aux grosses pluies commencent à noircir en raison des bactéries. « Avant la pluie, nous avons pu faire quelques récoltes de choux, mais là, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Il faut attendre un peu plus de soleil pour voir ce que nous pouvons sauver ou pas et ensuite, tout recommencer », se désole-t-il.
Arvin : « Tou plants pe vin noir »
Depuis 28 ans, Arvin Fagoonee cultive des légumes sur une vingtaine d’arpents de terre à La Brasserie. Il y a deux mois et demi, l’agriculteur a mis en terre des carottes, des betteraves, des piments et des choux, etc. Ses champs agricoles remplis de légumes ont été noyés par les pluies torrentielles. Les dégâts sont énormes.
Lorsque nous l’avons rencontré dans ses champs agricoles, ses employés mettaient des plantules de choux dans la terre. « Ena inpe soley. Monn profite pou binn la ter. Aste bisin rekumans plante. Pas kone si pou ena ankor lapli. Mais nou batt enn kart kont letan, nou gete ki arrive », dit-il. Un peu plus loin, une employé est en train de planter des graines de carottes à l’aide d’un semoir (« seeder »).
L’agriculteur nous montre ensuite des légumes qui sont en train de pourrir en raison des pluies. « Tou plants pe vin noir. La bisin tire tou ek re planter », confie-t-il. Peut-il recouvrir son investissement ? A cette question, Arvin déplore le fait que les subventions de l’État ne sont pas suffisantes. Selon lui, au vu des prix des intrants et de la quantité qu’il doit utiliser pour cultiver, ce serait bien qu’il y ait un prix fixé par les autorités. « Ça soulagera grandement les planteurs », estime-t-il, avant de remonter à bord de son camion.
À Bassin - Bimal : « Dega plis ki enn demi-million »
Dans ses champs agricoles à Quatre-Bornes, Bimal Bholah cultive des haricots verts, des choux, des piments, des ‘margoze’, des endives, des pommes d’amour, de la coriandre, de la ciboulette et autres. Lors des pluies torrentielles, la crue d’un canal situé a provoqué des inondations dans ses plantations. Rien n’a été épargné. De ce fait, le planteur a perdu de nombreuses récoltes. Il estime les dégâts à plus d’un million de roupies. Lorsque nous l’avons rencontré dans les champs, un de ses employés faisait le désherbage afin de permettre à l’agriculteur de remettre les semis en terre et faire la récolte d’ici les prochains mois.
En faisant un tour dans les allées taillées dans ses champs agricoles, nous trouvons de jeunes plantes de haricots. Bimal explique qu’il a mis 3 livres de graines en terre au mois de décembre, mais il en a récolté que la moitié. En temps normal, la récolte peut s’élever jusqu’à 600 livres de haricots. « Comme les plantes ont été détruites par l’eau qui a envahi mes champs, j’ai pu sauver que 60 livres de haricots », indique le planteur. Le bilan n'est guère plus reluisant pour les pommes d’amour. En effet, Bimal a perdu presque une tonne de pommes d’amour après les pluies torrentielles.
Il a fait que deux récoltes de piments mis en terre en novembre dernier. « La fini la, fey pe frise ek kuma plante la gagn soley, li pou fini mort. Pou bisin rasse ek replanter », soutient l’agriculteur. Ce dernier indique que ses plantations de légumes filantes, de légumes fins et de choux ont été aussi abimés. « Dan 250 lisou, 100 bisin zete. La nou bisin netoy karo ek re plante. Li vraiman pas fasil mai nou metie mem kumsa », se désole le planteur.
À La Marie - le couple Saccaram : « Pa pou kav van fler pou kavedi ek Maha Shivratree »
Sur un demi-arpent de terre à La Marie, le couple Saccaram cultive des haricots, des brèdes Tom Pouce et des légumes fins, comme la coriandre, le thym, la menthe, la sauge ou encore la ciboulette. Les Saccaram cultivent aussi les fleurs de soucis, plus connues sous le nom de genda à Maurice. Elles sont grandement utilisées lors des prières hindoues. « Depuis trois mois, nous faisons la culture de ces fleurs et les pluies torrentielles ont tout détruit », confient-ils.
En temps normal, une fleur se vend à Rs 5. Cependant, cette fois-ci, le couple devra vendre les fleurs qu’il peut sauver de la plantation à Rs 2 à Rs 3. « En temps normal, des clients achètent une centaine de fleurs pour les fêtes telles que Cavadee ou Maha Shivaratri. Toutefois, les gendas ne vont pas tenir jusque-là. On va devoir tout arracher et faire de nouvelles cultures, car les plantes ont déjà commencé à noircir à cause de la grosse quantité imbibée par la terre ». Les dégâts, en termes d’argent, sont assez conséquents.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !