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La formation des parents, une priorité absolue

Le Dr Julien Quenette, psychologue du développement. Credit photo : Simon Fuller

D’un côté, Statistics Mauritius annonce une hausse de la délinquance juvénile. De l’autre, un récent rapport du ministère de l’Éducation évoque une augmentation de 500 % des cas d’indiscipline scolaire de 2015 à 2024. Si ces chiffres interpellent, le Dr Julien Quenette, psychologue du développement, estime qu’« ils ne reflètent pas la réalité car la majorité des violences ne sont pas signalées ».

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L’indiscipline scolaire et le harcèlement existent depuis toujours, souligne le Dr Quenette, prestataire de service dans le cadre d’un service d’écoute dans des collèges du SeDec (Service diocésain de l’éducation catholique) avec l’équipe thérapeutique de Konekte depuis 2020. « Mais beaucoup d’enseignants me disent que ce n’est pas comment avant », concède-t-il. Pour lui, « l’évolution de notre société et l’impact que cela a pu avoir sur les facteurs en lien à l’indiscipline et la délinquance juvénile serait probablement l’une des raisons derrière cette augmentation ».

Indiscipline scolaire et délinquance juvénile partagent-elles des facteurs communs ? À cette question, Julien Quenette précise que selon la définition du Larousse, « la délinquance juvénile résulte d’un ensemble de facteurs dont l’impact » varie selon les individus. Ces facteurs se regroupent en trois catégories : psychologiques (fragilité liée à l’adolescence), familiaux et socio-économiques (vie scolaire et économique), toujours selon le Larousse.

Ainsi, les jeunes qui évoluent dans un contexte familial, social et économique vulnérable, sont potentiellement plus à risque que d’autres de tomber dans la spirale de la délinquance et de l’indiscipline scolaire, « mais pas obligatoirement ». L’échec scolaire et la toxicomanie précoce peuvent engendrer des difficultés d’insertion et mener à l’indiscipline, ajoute-t-il. « L’adolescent qui est en marge du système peut chercher à s’associer à d’autres qui lui ressemblent, accentuant alors l’effet de groupe », explique-t-il.

Dès la naissance, l’enfant peut acquérir des compétences psychosociales pour gérer ses émotions. « C’est d’abord au sein de sa famille qu’il les développe », en particulier grâce à un lien d’attachement sécurisant avec sa mère et ses « caregivers ». « En revanche, si cet attachement est fragilisé, insécure, le risque de développer des comportements déviants sera plus important. »

Le parent, en tant que « role model », joue un rôle crucial, affirme le Dr Julien Quenette. « Si les parents sont violents, agressifs et commettent eux-mêmes des actes délictueux, l’adolescent en devenir n’a parfois que peu de références dans son entourage et risque alors d’adopter des comportements agressifs. » Il plaide pour un « cadre structurant et sécurisant dès la petite enfance » à l’école pour pallier les influences familiales et socio-économiques.

Les relations familiales sont souvent problématiques chez les adolescents écoutés, poursuit-il. « Il est nécessaire de toucher les parents pour mieux les outiller et comprendre leurs réalités. » Beaucoup peinent à être disponibles et ont du mal à comprendre leurs enfants, observe-t-il. « Il est primordial d’outiller qualitativement les parents et que l’État investisse dans cet aspect. » Le Dr Quenette insiste sur l’importance d’informer, de former, d’encadrer et d’accompagner les parents dès avant la naissance. « Mieux comprendre le développement de l’enfant et renforcer le lien d’attachement est primordial. »

L’école a aussi un rôle crucial à jouer dans l’accompagnement de l’enfant. Le Dr Quenette propose des ateliers pour développer les compétences psychosociales des enfants dès le pré-primaire. « Il est malheureux que le focus soit encore mis sur les compétences académiques, ajoutant du stress supplémentaire aux parents et aux enfants. » 

Des services d’écoute et de counseling dans chaque école seraient utiles, tant pour les enfants, adolescents et leurs parents ainsi que le personnel encadrant, mais le manque de professionnels formés à Maurice est un obstacle. « Les psychologues du ministère de l’Éducation ne sont pas tous aptes à porter le titre de psychologue, selon le AHPC act, et doivent donc compléter leur formation. Des interventions de qualité dans toutes les écoles ne sont donc pas possibles actuellement. »

Si des « counseling desks » existent, comme indiqué par la ministre de l’Éducation, « cela ne fonctionne pas bien ». Pour le Dr Julien Quenette, il faut davantage former les enseignants et le personnel encadrant à l’écoute « et leur donner des outils pour savoir quoi dire ou ne pas dire, et pour référer l’enfant ou l’adolescent vers un professionnel par la suite ».

Discipline positive

Avec la promulgation du Children’s Act 2020, la responsabilité pénale est désormais fixée à partir de 14 ans. Bien que l’enfant doive pouvoir être tenu responsable de ses actes, et des conséquences subséquentes, Julien Quenette est d’avis qu’aux méthodes punitives, il serait préférable de privilégier des alternatives comme la discipline positive. 

« Beaucoup d’études récentes mettent en lumière des résultats encourageants concernant des approches respectueuses et positives. Nous parlons beaucoup de discipline positive pour les parents, mais aussi à l’école pour l’enseignant. L’enfant a besoin d’un cadre et ce cadre peut être construit ensemble avec lui », explique-t-il.

Dans certains collègues, poursuit-il, des collègues enseignants et professionnels de l’écoute ont été formés à la méthode de la préoccupation partagée. Celle-ci est utilisée notamment en France, dans le cadre d’une approche centrée sur la justice restaurative. Selon la definition de Walgrave et Zinsstag (2014), la justice restaurative est « une alternative pour rendre justice qui est orientée prioritairement sur la réparation des dommages individuels, relationnels et sociaux causés par un délit ».

Il en est convaincu : il est temps de se remettre en question, d’informer et de former aussi les personnes qui encadrent ces adolescents.

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