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Judicial and Legal Provisions Act : des légistes condamnent une loi liberticide

Facebook Certains messages sur les réseaux sociaux peuvent mener à une lourde condamnation.

La possibilité d’une peine de 10 ans pour avoir « agacé » autrui par ses commentaires sur les réseaux sociaux inquiète des spécialistes de la loi des télécommunications. Cela porte atteinte à la liberté d’expression.

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Les légistes spécialisés dans l’Information and Communication Technologies (ICT) Act sont unanimes : les amendements apportés par le Judicial and Legal Provisions Act, votés au Parlement le mardi 30 octobre dernier, portent atteinte à la liberté d’expression. Les amendements prévoient une peine d’emprisonnement de 10 ans pour la diffusion d’un message « which is likely to cause or cause annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person ». Or, le texte de loi ne donne aucune définition à ces termes et cela peut ouvrir la voie à des abus.

L’avocat Neil Pillay explique le danger quand il existe de tels flous dans un texte de loi. « Normalement, une loi doit être claire et précise. Plus une définition est vague, plus il y a un potentiel d’abus. » Ce qui l’inquiète davantage, c’est qu’il décèle « un motif récurrent depuis quelques temps ». « Toute loi est utile à la société, explique Neil Pillay, mais malheureusement, certains en font une mauvaise utilisation. Depuis quelques temps, il y a des lois motivées par d’autres raisons. Cela comprend un fort potentiel de dérive. »

Si l’homme de loi estime qu’il était temps de légiférer pour mettre un peu d’ordre dans ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Cependant, il estime qu’il fallait avant tout faire preuve de « discernement » pour ne pas empiéter sur la liberté d’expression. «  Potentiellement, cette loi peut porter atteinte à la liberté d’expression, regrette-t-il, j’aurais préféré une loi plus restreinte. »

L’avocat et ancien président de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), Ashok Radhakissoon, pousse les choses plus loin. «  Je ne dirai pas que cette loi menace la liberté d’expression, mais qu’elle y porte directement atteinte », soutient-il. Pour l’homme de loi, cette nouvelle législation réduit le champ des libertés du citoyen Mauricien.

Pour Ashok Radhakissoon, c’est l’élargissement du champ que couvre l’ICT Act qui est le plus inquiétant. « Des termes comme ‘distress’ ou ‘likely’ ouvrent des possibilités, explique-t-il, et même une tierce personne qui ne fait pas partie d’une conversation sur les réseaux sociaux peut dire qu’elle a été ‘agacée’ (NdLR : ‘annoyed’) par les propos tenus. » Pour l’homme de loi, pas de doute : « Il s’agit d’un amalgame qui limite la liberté d’expression ».

Cette possibilité d’interférence d’une tierce partie dans une conversation à laquelle elle ne participe pas soulève des questions : « Nous avions déjà tout l’arsenal juridique nécessaire pour faire ce qu’ils veulent faire. Pourquoi avoir élargi l’éventail ? Pourquoi donner à une tierce personne la possibilité de s’en mêler ? »

Même son de cloche du côté d’un autre ancien de l’ICTA, Nawaz Dookhee. « J’ai suivi les débats lors des travaux parlementaires, je crois qu’effectivement, cette loi porte atteinte à la liberté d’expression », intervient-il. Il souligne aussi qu’il existe déjà des lois sur la diffamation pour les critiques qui dépassent les bornes. L’inclure dans le droit pénal bafoue la liberté d’expression, selon lui. Le flou entourant certains termes inquiète également Nawaz Dookhee. « Le fait d’agacer quelqu’un est devenu un délit. Une personne peut être affectée par un commentaire alors qu’une autre non. » Une loi, estime-t-il, se doit d’être objective. « Quand on ajoute tout cela aux charges provisoires qui peuvent peser sur un accusé et limiter sa liberté, les conséquences peuvent être graves », prévient Nawaz Dookhee.


L’article qui fâche

C’est l’amendement de l’article 46 de l’ICT Act qui est au centre des controverses. Voici l’extrait du texte de loi concerné :

(i) in paragraph (ga), by deleting the words “or is likely to cause distress or anxiety” and replacing them by the words “which is likely to cause or cause annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person”;
(ii) in paragraph (h), by repealing subparagraph (ii) and replacing it by the following subparagraph
(ii) which is likely to cause or causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to that person;
(iii) by inserting, after paragraph (h), the following new paragraph (ha) uses an information and communication service, including telecommunication service, to impersonate, or by any other means impersonates, another person which is likely to cause or causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to that person;
(c) in section 47(1), by deleting the words “imprisonment for a term not exceeding 5 years” and replacing them by the words “penal servitude for a term not exceeding 10 years”.


Une ONG internationale critique le gouvernement

L’Organisation non-gouvernementale Centre for Law and Democracy (CLD), basée au Canada et active dans la promotion des droits fondamentaux, tels la liberté d’expression et le droit de vote, a émis un communiqué mercredi pour critiquer la Judicial and Legal Provisions Act. Ce texte de loi commet la faute de « restrict freedom of expression », selon cette organisation. Selon ce communiqué, les articles du texte de loi sur l’interdiction du blasphème et de critique envers le judiciaire « do not respect international guarantees of freedom of expression ». Le même communiqué indique que la tendance est que les membres du judiciaire « like other officials, should be required to tolerate a greater degree of criticism than ordinary officials ».

CLD estime également que la liberté d’expression a pour principe d’autoriser les discours qui sont « unpopular and even offensive speech ».

 

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