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Jasmine Toulouse, déléguée permanente-désignée de Maurice à l’Unesco : «Notre riche patrimoine culturel peut attirer un tourisme durable»

La déléguée permanente-désignée de Maurice à l’Unesco, Jasmine Toulouse, affirme sa volonté d’engager le pays dans des projets conjoints avec d’autres États membres de l’organisation. Une démarche qu’elle considère essentielle pour renforcer la position de Maurice sur la scène internationale tout en contribuant activement à la communauté mondiale.

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Quels mécanismes envisagez-vous d’optimiser concernant la coordination entre les institutions éducatives et culturelles mauriciennes afin de répondre efficacement aux exigences des programmes de l’Unesco ?
Tout d’abord, je voudrais spécifier le rôle de l’Unesco. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) travaille à renforcer les liens entre les peuples par l’éducation, la science, la culture et la communication. L’île Maurice en est membre depuis 1968, et le Mauritius NatCOM (National Commission for Unesco) est sous l’égide du ministère de l’Éducation. Sa mission est d’aider à réaliser les objectifs de l’Unesco à travers la mise en œuvre de programmes au niveau national.

Les normes, les outils et les connaissances sont développés par l’organisme international, et un de ses domaines d’expertise est d’améliorer des vies grâce à l’éducation et en incitant plus de filles à intégrer les filières STEM (Science-Technologie-Engineering-Mathématiques).

Par ailleurs, les Mauriciens n’associent pas forcément l’Unesco à sa mission éducative car ils sont plus habitués à entendre ce sigle dans le domaine culturel, notamment à travers les sites qui sont classés au patrimoine mondial (Aapravasi Ghat et le paysage culturel du Morne) ou encore les éléments qui sont classés au patrimoine immatériel de l’humanité (Geet Gawai, séga tipik, séga tambour Chagos, séga tambour Rodrigues).

Il y a des mécanismes à optimiser concernant la coordination entre ces deux univers qui ne sont pas toujours alignés et qui travaillent surtout en silos. Mon rôle est d’assurer cette cohérence dans les actions et aussi de privilégier les sujets où les ponts peuvent être bâtis. Par exemple, serait-il possible que les étudiants de l’Université de Maurice (filières scientifique et technologique) produisent des cartographies ou des visites guidées numériques des sites mauriciens classés au patrimoine mondial ? Un des défis de notre époque est bien le développement de la créativité au service de notre société. L’Unesco a des programmes déjà prêts pour cela. Aujourd’hui, mon rôle est de rassembler tous ces éléments et de les mettre en œuvre.

Comment comptez-vous articuler votre action diplomatique depuis Maurice, alors que vos prédécesseurs étaient basés à Paris ?
Nous avons besoin d’une cohérence dans les actions. Étant basée à Maurice, je serai plus à même d’enclencher en priorité le travail de coordination entre les différentes institutions locales. Vous savez certainement que Port-Louis a rejoint depuis 2021 le « Unesco Creative Cities Network » (UCCN). Il y a actuellement 350 villes qui font partie de ce réseau. Une ville labellisée UCCN s’engage à placer les industries culturelles et créatives au cœur de son plan de développement. Or, existe-t-il aujourd’hui une carte des lieux culturels de Port-Louis ?

Je suis consciente que je fais mes débuts en diplomatie internationale, mais j’ai le soutien de nombreux experts qui ont fait carrière dans ce domaine et que je consulterai. Permettez-moi de souligner que Shirin Cziffra a été nommée représentante de l’Unesco basée à Maurice en 1995. Et avant, Vijay Makhan occupait le même poste.

Quelles stratégies concrètes seront déployées pour inscrire les priorités environnementales et climatiques de Maurice dans l’agenda de l’Unesco  ?
Il est important de souligner la vulnérabilité de l’île Maurice face au changement climatique, ainsi que la richesse de sa biodiversité. Le pays a aussi pris des engagements envers les Objectifs de développement durable et a signé l’Accord de Paris. En tenant compte de cela, il y a des stratégies potentielles pour inscrire nos priorités à l’Unesco. 

Quelques exemples : la participation active aux instances de l’Unesco, l’implication dans les discussions, la proposition de projets, l’établissement de partenariats avec d’autres États ; renforcer la protection des sites classés existants, documenter et valoriser les pratiques ancestrales liées à l’environnement comme l’agriculture durable et la médecine traditionnelle ; collaborer avec les ONG en impliquant les acteurs locaux dans la définition et la mise en œuvre des projets ; mener des campagnes de sensibilisation auprès du public et intégrer les enjeux environnementaux dans les programmes scolaires. C’est tout un programme !

Quid des leviers de financement et de coopération internationale que vous comptez activer pour renforcer l’impact des projets de l’Unesco à Maurice, en particulier sur les volets scientifique et communautaire ?
Je découvre petit à petit l’ampleur de mon rôle, notamment en ce qui concerne la mobilisation des financements. Il existe plusieurs sources de financement, dont le budget ordinaire de l’Unesco (bien que limité), qui pourrait être utilisé pour soutenir des projets alignés sur les priorités de l’organisation, ainsi que les fonds de dépôt de l’Unesco, ainsi que des programmes spéciaux (programme hydrologique intergouvernemental, programme sur l’Homme et la biosphère.

Étant donné l’importance des enjeux climatiques, le Green Climate Fund peut être sollicité pour financer des projets de l’Unesco à Maurice qui contribuent à l’adaptation au changement climatique. Enfin, Maurice peut rechercher des financements auprès de partenaires bilatéraux ou multilatéraux pour soutenir des projets de l’Unesco.

Pour la coopération internationale, nous pouvons établir des partenariats avec d’autres États membres, en particulier ceux qui ont une expertise dans les domaines scientifiques et communautaires concernés, pour mettre en œuvre des projets conjoints. Nous pouvons aussi renforcer la coopération avec des organisations internationales, telles que le Programme des Nations unies pour l’environnement, le Programme des Nations unies pour le développement, l’Organisation mondiale de la santé. Aussi, la collaboration avec des institutions de recherche et des universités de renommée internationale peut renforcer la qualité scientifique des projets et favoriser l’échange de connaissances et de technologies.

Le plus important pour moi reste l’engagement des communautés locales, car il est nécessaire de les impliquer dans la conception et la mise en œuvre des projets de l’Unesco. Ayant longtemps travaillé dans le domaine associatif, je sais que leur implication garantit que les projets répondent à leurs besoins et priorités.

Dans quelle mesure votre ancrage local pourrait-il influencer la diplomatie culturelle mauricienne et favoriser une meilleure intégration des initiatives de l’Unesco dans les politiques publiques du pays ?
Quand on me parle de diplomatie culturelle, je pense surtout à celle qui s’appuie sur les expressions culturelles locales (musique, danse, artisanat, traditions orales), qui résonneraient plus profondément auprès du public international. Cet ancrage local, comme vous dites, permet à Maurice de raconter une histoire unique au monde, celle d’un carrefour de cultures et de traditions. La richesse de notre patrimoine culturel peut attirer un tourisme durable tout en facilitant les échanges entre les communautés locales et les acteurs culturels étrangers, favorisant le partage de connaissances.

Maintenant, comment intégrer les initiatives de l’Unesco dans les politiques publiques ? Cela passe par l’adaptation des initiatives aux besoins des communautés locales ; l’implication de ces communautés afin qu’elles s’approprient les projets ; une meilleure compréhension des réalités locales pour une plus grande synergie entre les initiatives de l’Unesco et les politiques publiques, surtout dans les domaines de l’éducation, de la culture, du tourisme et de l’environnement.

 

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