Quand on évoque les émeutes de février 1999, un événement particulièrement pénible revient à l’esprit de la syndicaliste Jane Ragoo. Ce souvenir est gravé dans sa mémoire.
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Jane Ragoo est née et a grandi à Résidences Kennedy, Candos. Elle s’est mariée avec un habitant de la même localité. Certes, il y a dix ans, elle s’est s’installée à Flic-en-Flac. N’empêche qu’elle continue de chérir « son » quartier. Et gare à ceux qui osent lui dire que « ce enn kartie so kot ena boukou droge » ! Elle sort les griffes. « Ce sont des stéréotypes. Je garde de beaux souvenirs de cet endroit », dit-elle. Mais aussi d’autres plus tristes. Comme par exemple celui survenu durant les émeutes de février 1999. « Il faut d’abord dire que ces événements n’ont rien à voir avec les habitants de la localité. Je sais ce que je dis. Je suis marquée à vie par les émeutes de 1999 », confie-t-elle. Son fils a alors neuf ans et sa fille trois ans. Cela fait deux ou trois jours que le pays est paralysé. Vers 22 heures, un vent de panique souffle sur ce qui est encore appelé Cité-Kennedy. Les rumeurs disent que des habitants d’autres régions « vont venir incendier » la cité. « Mamans, enfants, personnes âgées et adolescents s’agitaient dans tous les sens. Beaucoup étaient persuadés qu’ils vivaient leurs derniers instants. Je m’en souviens parfaitement. Mon époux s’était joint aux hommes de la localité pour tenter de venir en aide aux autres. J’avais mes enfants avec moi et ma sœur était avec les siens. Les membres de la Special Mobile Force avaient installé une échelle contre le mur d’enceinte de l’hôpital Victoria. Les habitants l’escaladaient pour se mettre à l’abri dans la cour de l’hôpital. Nous étions en pleurs. À un certain moment, les soldats ont enlevé l’échelle, disant que la cour de l’hôpital ne pouvait accueillir plus de personnes », explique Jane Ragoo. [blockquote] «Les cris et les hurlements de détresse résonnent encore dans ma tête. Les soldats ne voulaient rien entendre. L’accès à la cour de l’hôpital nous était refusé. Ma sœur était si désemparée qu’elle n’arrêtait pas de pleurer.» [/blockquote] La panique était à son comble. « Les cris et les hurlements de détresse résonnent encore dans ma tête. Les soldats ne voulaient rien entendre. L’accès à la cour de l’hôpital nous était refusé. Ma sœur était si désemparée qu’elle n’arrêtait pas de pleurer. La peur au ventre, nous sommes rentrés chez nous et avons tenté de nous organiser pour nous protéger. Certains avaient installé des fils électriques à l’entrée de leur maison ! Des hommes montaient la garde pour nous prévenir d’une éventuelle invasion de notre cité. Ils tapaient sur les colonnes pour nous avertir que le danger rôdait. J’entends encore ce bruit. Heureusement que ce que l’on craignait ne s’est jamais produit », dit-elle.
Perso
- Jane Ragoo milite depuis 30 ans. Mariée à Harry, Principal Engineer, elle est la mère de deux enfants : Gary, un dentiste de 25 ans et Deeana, 18 ans, étudiante en Graphic Design.
- Ellle est de foi bahaïe. « Je prie avant de me coucher et je prie à mon réveil », dit celle qui se décrit comme très pieuse. Ses passe-temps favoris : la lecture et la natation.
- Ses forces : son humilité et sa persévérance.
- Sa faiblesse : son impatience.
- Son menu préféré : riz, curry de poulet, salade de margoze, bouillon de brède, agrémentés de piment vert.
- Son plus grand accomplissement : avoir obtenu, après plusieurs années, une révision du salaire (de Rs 1 500 à Rs 8 000) des femmes cleaners travaillant dans les écoles primaires.
La maman de Jane Ragoo faisait partie des élèves. « C’était touchant quand ma maman, aujourd’hui décédée, m’appelait pour me dire qu’elle avait lu un article sur moi dans les journaux. Pour elle, qui était analphabète pendant longtemps, c’était quelque chose de formidable », soutient-elle. La syndicaliste dit avoir aussi été marquée par le témoignage d’un autre participant à ces cours : un cordonnier de 80 ans. « Il se réjouissait à l’idée qu’il pouvait désormais aller acheter ses matériaux pour son travail en faisant lui-même sa liste. Son témoignage était très touchant. Il disait que cela lui arrivait presque à chaque fois de rentrer chez lui sans avoir pu acheter tous ses matériaux. En cours de route, il en avait oublié la moitié, vu qu’il était contraint de tout garder en tête, puisqu’il ne savait pas écrire », relate Jane Ragoo. Pour elle, c’est « une fierté » d’avoir grandi et vécu à Cité-Kennedy pendant plus de 30 ans. « Il y a des gens formidables qui vivent dans ce quartier. À bas les préjugés ! » lance-t-elle.
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