Cet amoureux du patrimoine mauricien s’insurge contre le peu de cas que l’État fait de la préservation de certains bâtiments classés monuments historiques. Il reconnaît cependant la volonté de restaurer des lieux chargés d’histoire.
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Qu’est-ce qui fait courir un professionnel actif pour la sauvegarde de tout ce qui touche à la protection du patrimoine local ?
Je vous précise tout de suite que je me suis toujours efforcé de garder profil bas dans les actions civiques. Depuis que je suis gamin, j’ai été attiré par l’environnement et les belles demeures en bois, bien entretenues, avec leurs haies bien taillées. Je me suis toujours évertué à améliorer l’environnement immédiat de ma demeure et de mon lieu de travail.
Quel a été votre premier geste public en faveur du patrimoine ?
Ce fut la tentative de sauvegarder la Ferme des Rhums, cette ancienne église en pierre de taille, qui jouxtait l’Aapravasi Ghat et qu’il fallait démolir, au beau milieu du tracé de la future ‘Port Louis Through Road’, alors en construction. J’ai fait le maximum, avec le soutien du regretté capitaine Yves Bétuel, pour que cet ancien élément du patrimoine soit conservé sur un rond-point, projet tout à fait réalisable, pour en faire un musée marin. Nous avons finalement dû la faire démonter et numéroter pierre par pierre, par une équipe dirigée par un expert français, pour être reconstruite auprès de La Citadelle. Par la suite, les autorités policières s’en sont approprié et ont reconstruit le bâtiment, tout près du Gymkhana à Vacoas, pour en faire un « éphémère » musée de la police.
Sans budget d’entretien, à quoi sert-il de rénover et de sauver notre patrimoine ?»
Et l’école Beaugeard dans tout ça ?
C’est un bâtiment historique, où avait résidé Robert Edward Hart, notamment après Adrien d’Épinay dans un passé lointain. Avec un groupe d’amis, qui formèrent par la suite l’Association SOS Patrimoine en péril, nous avons tout fait pour sauver cette belle construction classique des bulldozers des « démolisseurs ». Notre premier combat en 2007-08 nous avait conduits à obtenir une injonction de la Cour suprême afin de stopper net les travaux de démolition, hélas bien entamés déjà. Nous avons à nouveau combattu une deuxième phase de démolition quasi complète, alors que toutes les pièces enlevées avaient mystérieusement disparu. Nous avons quand même obtenu de la Cour suprême un ordre d’arrêt définitif des travaux. Le ministère de l’Éducation ayant récemment cédé ce terrain au ministère des Arts & de la Culture, avec le squelette restant des murs qui s’y trouve encore, nous attendons de ce ministère la formation d’un comité mixte annoncée.
Entre-temps, il y a eu l’épisode de restauration du Plaza à Rose-Hill, également classé au Patrimoine…
Ce joyau de la municipalité du patrimoine de la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill était dans un état de décrépitude avancé, alors qu’il y avait même eu un ministre qui projetait de le faire raser, pour construire un immeuble de plusieurs étages en béton.
Le théâtre du Plaza, riche de l’histoire de beaux spectacles, depuis sa construction en 1930, devait y passer. L’Amicale Ile Maurice-France commanditera en 2005 une étude approfondie. Les conclusions positives de cette brillante étude nous a menés à la création de la Fondation Plaza.
Et l’apport du gouvernement, rien de rien ?
Fort heureusement, c’est tout le contraire actuellement, Au terme des 10 années passées, l’État s’est finalement commis à fond, en complétant les budgets nécessaires à la réhabilitation complète de ces deux théâtres municipaux (Plaza et Port-Louis). Pour les phases I & II, l’État a déjà investi Rs 200 millions. Le budget de restauration du théâtre lui-même et de sa périphérie est de l’ordre de Rs 300 millions, soit Rs 500 millions au total. L’appel à l’expression d’intérêt devrait être incessamment lancé pour le recrutement d’un consultant.
Le Parlement a décidé que si la restauration d’un bâtiment historique est trop onéreuse pour le pays, il n’y aura qu’à le déclassifier. Simpliste comme politique ?
Cette décision est tout simplement irréaliste et sera systématiquement combattue par les associations dédiées, car selon le dicton : «… un pays dont le Passé et l’Histoire sont occultés et le Patrimoine vandalisé, est un pays sans âme et qui s’étiole dans le matérialisme, tout en perdant de sa valeur économique au niveau mondial…» . Il subsiste encore à Maurice de vielles constructions qui demeurent solides et qui peuvent supporter les aléas du temps, comme l’était la Boulangerie du Roi qui a été rasée et dont il ne subsiste qu’une fontaine en bronze en tête de cheval. C’est simpliste comme réflexion.
Il y a quelques jours, on a constaté, la démolition de l’ancienne School à la rue Edith Cavell dans le Ward IV. Outré ?
Oui ! Cet immeuble était dans un état parfait de conservation, favorisé par le climat sec de Port Louis. On l’a démoli subrepticement, nuit et jour, au cours d’un week-end, étant donné que cet espace libéré devra, paraît-il, être occupé par un nouvel immeuble abritant la Cour suprême.
Il est utile de souligner qu’un concours d’architecture avait occasionné, dans un récent passé, la production de maquettes, les une plus belles que les autres, pour la construction d’une nouvelle Cour suprême, sur l’emplacement actuel de la Cour commerciale, longeant la Place de la Cathédrale. Sa périphérie comprend des centaines de bureaux occupés par quasiment tous les membres de la profession légale, qui sont de toute évidence catastrophés de cette migration inutile de la Cour suprême…
Si tous les bâtiments historiques avaient bénéficié de la même sollicitude que l’Aapravasi Ghat…»
Lors d’une récente conférence internationale sur la sauvegarde du patrimoine, des ministres mauriciens ont affirmé que nous sommes presque des champions dans le domaine de la conservation du patrimoine. Votre commentaire…
Il faut reconnaître la toute bonne foi, qu’il y a certes un début de volonté politique dans ce domaine, avec des dotations budgétaires pour la restauration de certains lieux historiques. Mais, sans budget d’entretien, à quoi sert-il de rénover et de sauver notre patrimoine ?
Estimez-vous qu’il y a quelque part une dose d’hypocrisie de tous nos dirigeants politiques quant à la chose culturelle ?
La réponse à cette question délicate appartient aux intéressés eux-mêmes… Toutefois, la question que l’on peut se poser est celle-ci : existe-t-il effectivement un ministère des Arts et de la Culture à Maurice ?
Pourquoi ce questionnement ?
Le ministère de l’Éducation a offert à celui des Arts et de la Culture l’ancienne école Beaugeard située en face de l’ex-School tout juste démolie. Nous attendons toujours la formation annoncée d’un « comité mixte » pour étudier soigneusement le devenir de ce bien de l’État.
Sommes-nous un peuple inculte ?
Je dirais plutôt qu’il y a un certain culte du beau qui s’installe à Maurice, surtout motivé par le développement du tourisme vert. Tout cela cohabite hélas avec le remplacement graduel de la canne à sucre par du béton, pas toujours de bon goût. On est donc à même de comprendre que la culture du beau ne pourra pas se généraliser en l’absence d’une volonté politique affirmée.
Pourtant, il y a eu beaucoup d’efforts faits pour sauver certains lieux et bâtiments historiques, vous en conviendrez…
Si tous les bâtiments historiques avaient bénéficié de la même sollicitude que l’Aapravasi Ghat, fort heureusement d’ailleurs, on aurait conservé beaucoup de bâtiments et de lieux historiques à Maurice.
Venons-en aux profanations des caveaux et du vol systématique des pierres de taille et autre pièces en métal travaillé, qui datent de la colonie française. Ne respectons-nous plus les morts ?
Ce qui s’est passé au cimetière de l’Ouest est un vrai carnage et ne me parlez pas du respect des morts. On a volé des pierres et autres accessoires de ce cimetière. Cela me rappelle certains vestiges volés du domaine public et qui ont atterri et sont encore identifiés chez des Mauriciens, sans qu’ils ne sachent toute l’histoire qui y est attachée. L’équation est aussi simple que ça !
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