
- Laura Amy Kappen : « C’est fini pour moi ! Pardonnez-moi, s’il vous plaît »
Transporter de la drogue contre paiement, c’est un peu jouer à la roulette russe. Séduits par le mirage de l’argent facile, certains sont prêts à tout risquer pour quelques milliers de livres sterling ou d’euros. Mais à l’arrivée, c’est la prison qui les attend. Les douanes et la brigade antidrogue de l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam le savent bien : chaque vol international peut cacher son lot de mules qui ont pris le risque de troquer leur liberté contre quelques valises bourrées de drogue.
Publicité
Le 22 juin dernier, sept passeurs, des Britanniques et des Roumains, en ont fait les frais. Dans leurs bagages : 161,91 kilos d’herbe de cannabis, évalués à Rs 194,2 millions, destinés à alimenter le marché mauricien. Derrière ces chiffres, il y a des visages, des histoires et aujourd’hui, beaucoup de regrets.
Tout a commencé par un profilage précis et une surveillance accrue menée par les agents de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) en collaboration avec l’Anti-Narcotics Section des douanes (Cans). Leur filet s’est refermé dès l’atterrissage : sept voyageurs, arrivés séparément mais liés par la même cargaison illicite, ont été interceptés un à un dans le hall d’arrivée de l’aéroport.
Parmi eux, cinq ressortissants britanniques : Patrick Lee Wilsdon, Lily Watson, Shannon Ellen Josie Holness, Laura Amy Kappen et Shona Campbell. À leurs côtés, un couple roumain, Natashia Arzu Artug et Cornel Florian Lisman, avait même entraîné un enfant dans cette aventure risquée : un petit garçon de sept ans, fils de Natashia.
Les contrôles se sont enchaînés méthodiquement. À mesure que les valises s’ouvraient, le scénario de vacances tombait à l’eau. Patrick Lee Wilsdon, 22 ans, maçon de profession, pensait passer inaperçu. Mais les douaniers découvrent 64 paquets de cannabis répartis dans ses deux valises. Pris de panique, le jeune homme n’a pas pu cacher son effroi : « Oh mon Dieu, c’est de la marijuana. Je suis condamné. »
À côté de lui, Lily Watson, 21 ans, avait dissimulé 32 paquets, ainsi qu’un Apple AirTag permettant de suivre la cargaison. À l’interrogatoire, elle lâche : « C’est de la marijuana. J’allais être rémunérée 2 000 livres sterling (Rs 122 000) après la livraison. »
Le même scénario se répète pour Shannon Ellen Josie Holness, interpellée avec 30 colis : « Oh, c’est de la drogue. Je suis foutue. » Dans un autre box de contrôle, Laura Amy Kappen, 29 ans, implore presque : « C’est fini pour moi, pardonnez-moi, s’il vous plaît. » Plus loin, Shona Campbell, 33 ans, qui convoyait 32 paquets, lâche dans un souffle : « Je suis malchanceuse. »
Sans antécédants lourds
Puis, le cas le plus glaçant : le couple roumain, accompagné d’un enfant. Natashia Arzu Artug, 35 ans, avait réparti 39 paquets de cannabis dans sa valise et celle de son fils, où 24 paquets supplémentaires étaient dissimulés. Confrontée à l’évidence, elle craque : « Je suis en difficulté maintenant. J’ai enregistré le second bagage contenant cette même drogue au nom de mon fils. Je le regrette. » Son compagnon, Cornel Florian Lisman, 38 ans, avoue à son tour : « C’est du cannabis. J’ai pris le risque. »
Ces passeurs, pour la plupart jeunes et sans antécédents lourds, ont mordu à l’hameçon du gain rapide, sans vraiment mesurer ce qui les attendait à l’arrivée. Derrière leurs regrets, il y a un système bien rôdé : des filières internationales, des promesses de paiements rapides, et un maillage de mules parfois naïves, parfois désespérées. Pour ceux qui organisent tout depuis l’étranger, c’est « risque zéro » pour eux : le commanditaire encaisse le profit si la marchandise passe, et si elle est saisie, ce sont les passeurs qui tombent — et qui paient le prix fort.
Depuis cette arrestation, tous restent en détention préventive. Chaque jour derrière les barreaux fait grandir le poids de leurs regrets. Leur chef d’accusation — « Importation of dangerous drugs (Cannabis) with averment of trafficking » — est sans appel : s’ils sont reconnus coupables, ils risquent de lourdes peines de prison.
Pendant ce temps, l’enquête se poursuit. Les enquêteurs de l’Adsu et les agents de la Cans multiplient les vérifications pour remonter jusqu’à l’origine de cette drogue. La piste d’un trafic orchestré depuis la Thaïlande est la plus évoquée, même si, pour l’heure, aucune autre arrestation n’a encore été confirmée. Mais la vigilance reste de mise : chaque vol est passé au crible et la moindre incohérence dans le profil des passagers peut déclencher une fouille minutieuse.Cette affaire rappelle à quel point le réseau mauricien reste une cible pour les trafiquants étrangers. Pour quelques milliers de livres, des passeurs ordinaires deviennent des criminels aux yeux de la loi. Et dans ce pari risqué, beaucoup finissent par tout perdre. Derrière le mirage de l’argent facile, il reste des regrets amers et un casier judiciaire qui les suivra pour le reste de leur vie. Quant à l’enfant, il est désormais au cœur des préoccupations des autorités, qui devront décider de son sort alors que sa mère, elle, attend son procès derrière les barreaux.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !