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Forum-débat à Pierrefonds - Éducation et économie de la connaissance : enjeux et défis de demain

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Le 5e forum-débat mensuel organisé par Radio Plus et Malenn Oodiah s’est déroulé le mercredi 31 octobre sur le thème ‘Éducation et économie de la connaissance’ à l’Uniciti Education Hub du groupe Medine à Pierrefonds. Quatre panelistes étaient invités pour débattre des enjeux et défis dans le secteur éducatif mauricien : Steena Kistnen, General Manager de l’Uniciti Education Hub, Jimmy Harmon, directeur-adjoint au Service diocésain de l’éducation catholique, Carole Thomas, Project Executive chez Projet employabilité jeunes, et Sébastien Roussette, membre fondateur d’Odyssée du savoir, première école alternative de Maurice.

Comment négocier ce grand tournant qui s’accompagne de défis dans un système éducatif souvent critiqué de tous cotés ? Le nombre grandissant d’institutions privées payantes est-il le reflet de l’échec des écoles et collèges d’État ? Comment résoudre l’inadéquation entre la formation pédagogique et les attentes dans les entreprises ? Les questions n’ont pas manqué et les panelistes ont essayé de cerner les causes et effets de ces problématiques, parfois en mettant en cause les dysfonctionnements de notre système éducatif, parfois en cherchant ailleurs des modèles inspirants, aussi loin qu’en Scandinavie, un endroit souvent cité en exemple, ou en Corée du Sud pour ses prouesses en robotique.

Interventions fécondes et plurielles, galvanisées par un Malenn Oodiah progressif, alors que Nawaz Noorbuz s’est évertué de ramener les débats sur terre. Malenn Oodiah a résumé de prime abord les deux mots qui seront en filigrane de l’émission : l’esprit critique. « Il n’est plus possible de continuer à apprendre par cœur à l’école, il faut avoir l’esprit critique et être capable d’innover pour négocier l’avenir. » Et c’est le Singapour, notre eternel modèle, qui lui vient à l’esprit pour expliquer que dans ce pays les examens et le ranking ont été abolis.

Le vivre-ensemble

Mais comment d’abord définir l’éducation, quel rôle lui assigner ? Les définitions sont nombreuses pour Jimmy Harmon, mais celle qu’il choisit de citer est contenue dans la Déclaration des droits humains qui fait valoir que tout individu a droit à l’éducation. Pour Carole Thomas, « l’éducation ressemble à la fondation d’une maison, en ce qu’elle favorise l’épanouissement de toutes ses aptitudes et lui offre les outils pour le vivre-ensemble. »

C’est du coté du philosophe Emmanuel Kant que Steena Kistnen cherche le sens de l’éducation, en expliquant que « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation ». Sébastien Roussette fait lui valoir que « l’éducation consiste à aider le jeune à découvrir ses potentiels, le professeur le guidant mais sans décider à sa place. »

Le rendez-vous aura aussi permis de mieux recadrer le rôle des enseignants, la responsabilité des parents et l’espace de l’apprentissage que sont les écoles, collèges et universités, en les confrontant aux défis qu’impose déjà un monde en profonde mutation technologique.

Jimmy Harmon et la faillite du système

Ce ne sont pas les réformes qui ont manqué à Maurice afin d’améliorer le système éducatif. Il y a eu des projets et des tentatives de réformes avortées, chaque ministre souhaitant apporter son changement, explique Jimmy Harmon, avant d’indiquer que « tout type de société émane de la vision qu’on a de l’éducation ». Et il en arrive à un constat d’échec lorsqu’il fait ressortir qu’au terme de six ans d’études primaires, il existe encore des enfants incapables de lire et d’écrire leurs noms. À qui la faute ? Citant un rapport de la Banque mondiale, il explique que celle-ci demande à tout le monde de se remettre en question. Puis, il existe une véritable obsession de terminer le programme d’études que certains enseignants ne font aucun cas du critical thinking. « L’incapacité de penser tue la création », dit Jimmy Harmon. L’échec a aussi d’autres origines, selon Steena Kistnen, qui montre du doigt le travail en solitaire aux dépens du travail d’équipe. Elle cite en exemple « l’incapacité du jeune de s’intégrer en milieu tertiaire car au collège, il a appris de manière solitaire, voire égoïste. »

Les arts exclus du système

Chanter, danser, ou peindre vaudrait à un jeune d’être exclu du système, explique Carole Thomas, car l’enseignement à Maurice ne glorifie que celles et ceux qui rapportent les meilleures notes dans la filière académique. « J’ai des jeunes doués dans d’autres formes d’intelligence, on a formé des danseurs qui jouent au niveau international », indique-t-elle. En réponse à cette forme d’exclusion, Sébastien Roussette propose « une pédagogie qui prend en compte tous les besoins de l’enfant dont le trait principal repose sur les neurosciences. » Plutôt suspect à l’égard du seul développement de l’intellect, il fait appel à l’émotionnel, l’humain inspiré de la pédagogie Montessori où on part du principe que chaque enfant est différent. Mais comme d’autres pays, cette première expérience alternative à Maurice a aussi un coût – Rs 10 000 le mois –, qui exclut les familles au bas de l’échelle, même si Sébastien Roussette explique que son école accueille aussi les enfants issus des milieux modestes de Rivière Noire et Tamarin.

Valoriser le corps enseignant

Comment arriver à valoriser le travail de l’enseignant si ce dernier continue la pratique des leçons particulières, devenues un passage obligé pour réussir aux examens ? L’enfant, fait observer Steena Kistnen, passe des heures entières en classe et aux leçons alors qu’il pourrait pratiquer le sport. Peut-il devenir employable à la fin de l’université, afin de mettre fin au fameux mismatch souvent décrié par les chefs d’entreprise ? À cette problématique, la paneliste avance l’idée que les études doivent avant tout correspondre aux aptitudes du jeune et pas aux préoccupations économiques.

L’école, dira plus loin Malenn Oodiah, est plus qu’un espace de transmission du savoir, elle est aussi le lieu où se réalise le citoyen de demain, le vivre-ensemble et ses valeurs, des notions qu’il faut intérioriser très tôt. « Il y a une réelle crise dans le monde, on a oublié le sens du bonheur. Si on veut changer le système c’est parce qu’une bonne partie est en faillite ». À ce constat sombre, il ajoute les mutations qui refaçonneront les rapports de l’être humain avec son outil de travail à travers la robotisation. C’est là où l’économie des connaissances incarnera une transition de fond, passant du matériel à celui de l’immatériel que reflètent le LCD, les tablettes, les smartphones, dira Steena Kistnen, en rajoutant la création des hubs mauriciens à Médine, Telfair et Terra, entre autres, et dédiés à ces connaissances. Doit-on conclure qu’à ce rythme et ces ambitions placées si haut, l’enseignement supérieur serait devenu un business ? « Plutôt un investissement », préfère répondre Malenn Oodiah.

Les dix piliers indispensables

  • La responsabilisation de l’État dans l’éducation
  • Une société d’apprentissage continu
  • Le savoir-vivre
  • L’ouverture sur le monde de l’esprit et le refus du repli sur soi
  • Une pédagogie créative
  • Le numérique
  • L’humain au centre de tout projet éducatif
  • Investir dans la petite enfance
  • L’intelligence multiple dont la prise en compte de l’intelligence émotionnelle comme partie prenante du système éducatif
  • L’éducation comme pivot de la guerre contre les inégalités et les discriminations
 

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