Ces derniers temps, Maurice a été secoué par des crimes avec violence. C’est un fait : l’alcool est malheureusement responsable de nombreux délits dont des accidents de la route et autres drames. Les travailleurs sociaux s’inquiètent de son impact sur la société et les familles mauriciennes.
Dimanche 21 octobre : notre île se réveille avec stupeur ! Un garçonnet de 11 ans, Ritesh Goorbin, est mort dans la nuit de samedi. Egorgé par son voisin qui n’est autre que le compagnon de beuverie de son père. Quelques jours plus tard, la compagne du présumé suspect révèle qu’elle est une femme battue et qu’il n’hésitait pas à la martyriser surtout quand il avait bu. « Li bat mwa kouma enn zanimo. Li menas mwa. Li trenn mwa lor sime, li bate. Li met mwa deor ek anpes mwa rant dan lakaz. » Aujourd’hui, le meurtrier de Ritesh Goorbin semble être la personne la plus détestée du pays. Plusieurs citoyens ont réclamé des peines sévères contre cet individu. D’autres réclament carrément la peine de mort, tandis que certains travailleurs sociaux estiment qu’il est important de s’attarder sur les sources de ce problème.
Certes, il y en a plusieurs. Pour Rajen Suntoo, sociologue, l’impact de l’alcool sur la société dépend des circonstances. « Tout dépend de la façon dont l’alcool est consommé. L’alcool a beaucoup plus d’impacts négatifs. Boire de manière responsable n’est pas une mince affaire. On ne peut empêcher les gens de prendre l’apéro mais quand on boit trop souvent, on devient violent. Il faudrait des changements dans la loi. Nombreux sont ceux qui ne respectent pas suffisamment la loi et surtout concernant des endroits où l’alcool peut être acheté et consommé. Ils ne s’en rendent pas compte mais ils ne peuvent penser uniquement à leur plaisir personnel et détruire la vie de leur famille et celles des autres. Il faut des peines plus sévères pour eux. Il faut aussi davantage de campagnes de sensibilisation. »
La police à l’écoute
C’est justement ce que préconise la police. Le Deputy Commissioner of Police Mukhtar Din Toojoo indique qu’il y a de nombreuses campagnes de sensibilisation, de l’écoute et de l’accompagnement, effectuées par la police. « Au niveau de la Police Family Protection Unit (PFPU), nous constatons que de nombreux cas de violence domestique sont désormais liés à l’alcool et à la drogue synthétique. De plus en plus, les victimes osent venir porter plainte et chercher de l’aide. Nous offrons des services de proximité et nous les accompagnons dans leurs démarches. Nous commençons par la médiation mais si besoin est, nous les accompagnons pour obtenir un Protection Order. Nous leur offrons d’autres services avec la collaboration du ministère de l’Égalité des genres, du Bien-être de la famille et du Développement de l’enfant. »
Témoignage
Roseline : «Ma fille de 24 ans est alcoolique»
Roseline, 53 ans séparée de son mari, est désespérée. Cette habitante de La Tour Koenig ne sait plus à quelle porte frapper. Sa fille, Annabelle (prénom modifié), 24 ans, est accro aux boissons alcoolisées. Cette mère célibataire ne peut y résister au point de délaisser sa famille. « Li bwar bokou et an tan ki mama mo gayn traka pou li et sirtou pou so bann zanfan », témoigne cette mère et grand-mère en détresse. Depuis quatre ans, Roseline dit subir les sautes d’humeur de sa fille.
Annabelle a deux enfants âgés de cinq et trois ans. « Le dernier est épileptique, il avait de l’eau à la tête et il vient d’être opéré. Il reçoit une pension d’invalidité et l’aîné reçoit une aide sociale du ministère de la Sécurité sociale », explique Roseline. Annabelle et ses deux enfants habitent chez elle. « Le père est un toxicomane et cela fait longtemps qu’il n’est pas venu voir ses enfants qui se sont habitués à son absence, confie la grand-mère. Je suis séparée, j’ai la charge de mes deux enfants et de mes deux petits-enfants mais Annabelle me rend la tâche difficile. »
Selon sa mère, Annabelle était danseuse dans les hôtels mais elle a dû cesser de travailler lorsqu’elle a eu des enfants. Roseline, elle, est bonne à tout faire dans plusieurs maisons du quartier. La descente aux enfers d’Annabelle a commencé par des invitations d’amis qui devenaient fréquentes. « Ma fille répond toujours présente et quand il est tard, je m’inquiète et souvent, je dois aller la chercher car elle est trop ivre pour rentrer. Elle s’est déjà rendue à la boutique avec les enfants pour consommer de l’alcool. Elle ne s’occupe pas d’eux. Elle est incontrôlable. J’ai plusieurs fois essayé de la raisonner mais en vain. »
«Mon père nous a abandonnés pour la bouteille»
Elle a 18 ans. Et elle ne s’en remet toujours pas. Elle n’avait que neuf ans lorsque son père a décidé d’abandonner le toit conjugal. Koonjal, fille unique, explique que sa mère a alors sombré dans la dépression. « Je me sentais perdue et pendant toutes ces années, je me suis demandée pourquoi mon père n’a pas eu l’aide nécessaire. Ma mère a pu se remettre debout par la suite mais elle s’est toujours sentie coupable de ne pas avoir pu le retenir et de l’avoir bousculé à plusieurs reprises pour qu’il arrête de boire. »
Son père est aujourd’hui décédé après avoir été SDF pendant des années. « La dernière fois que je l’ai vu, il était dans un centre d’accueil. Pendant plusieurs années, il s’est caché, il avait honte et il ne voulait pas qu’on le voie dans cet état. »
L’Alcoolique Anonyme à la rescousse
Satish, un membre actif de l’Alcoolique Anonyme souhaitait rencontrer Roseline et sa fille. Ils ont donc pris rendez-vous. L’Alcoolique Anonyme est une association qui regroupe des hommes et des femmes qui ont été ou qui sont esclaves de l’alcool. « Chacun partage ses soucis et contribue à trouver les meilleures formules appropriées pour vaincre cette maladie, explique Satish. Oui, nous considérons l’alcoolisme comme une maladie qui d’ailleurs a été reconnue par l’Organisation mondiale de la santé. Il faut d’abord que la personne ait le désir de s’en sortir et l’ONG est là pour l’encadrement et l’encouragement de chaque individu. Il n’y a aucun frais d’administration ou paiement mensuel. Chacun apporte son soutien comme il peut. Notre but primordial est de venir en aide à ceux qui veulent s’abstenir de l’alcool. »
Une autre association, Alanon, encadre les familles qui vivent avec une personne alcoolique. « Il peut s’agir de parents, d’une femme dont le mari est alcoolique, ou vice-versa, etc… Nous leur expliquons comment vivre et agir avec une personne qui est accro à l’alcool, informe Satish. Il n’y a pas de restriction d’âge, les portes sont ouvertes à tous. »
Pour prendre contact avec l’association Alcoolique Anonyme ou avec Alanon, appeler sur le 5716 3355.
Formation par Étoile d’Espérance
Afin de promouvoir la sensibilisation au sujet du Syndrome d’alcoolisation fœtal (SAF) à Maurice, l’ONG Étoile d’Espérance a organisé une formation, le vendredi 26 octobre, au Domaine des Aubineaux à Forest-Side. Ainsi, 20 femmes de diverses organisations ont été formées par les Drs Thierry Maillard et Kevin Teerovengadum. Dorénavant, elles sont les ambassadrices qui sensibiliseront à leur tour leur entourage. Pour rappel, l’association Étoile d’Espérance a lancé une campagne afin de sensibiliser au SAF et prévenir les dangers y relatifs. Un projet pilote a démarré avec la collaboration de SAF océan Indien.
La CDU fait appel au public
Invité sur le plateau de Radio Plus la semaine dernière, le représentant de la Child Development Unit (CDU), a expliqué que celle-ci est souvent sollicitée pour intervenir dans les cas de parents alcooliques. « Souvent, lorsque nous arrivons sur place, nous constatons que les parents ne sont même pas à la maison ou alors ils sont ivres et les enfants sont livrés à eux-mêmes. C’est là que des incidents peuvent se produire. Nous invitons le public à dénoncer ces cas car malheureusement la CDU et la police ne peuvent être présents partout et savoir exactement ce qui se passe. Il faut donc nous avertir. Le public a le devoir de prévenir les autorités concernant ces cas afin de nous aider à éviter des drames. C’est un devoir de tout un chacun. D’ailleurs selon la Child Protection Act, c’est un délit de ne pas signaler un cas de maltraitance sur un enfant, sous toutes ses formes. » Le représentant de la CDU ajoute que l’alcool et la drogue synthétique font beaucoup de dégâts même dans les écoles primaires.
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