Fête du Travail : 1938, une année cruciale dans les relations industrielles à Maurice

ctsp Rassemblement syndical auprès du monument dédié aux travailleurs morts au travail, à Rose-Hill, le jour de la Fête du Travail.

Cette année marque les 80 ans de la célébration de la Fête du Travail à Maurice.  Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le meeting organisé par le Parti Travailliste, mené par le Dr Maurice Curé, au Champ de Mars en 1938.

Publicité

L’année 1938 marque un tournant dans l’histoire des relations industrielles. Elle coïncide avec l’introduction de plusieurs mesures visant à améliorer le sort des travailleurs à Maurice. Celles-ci résultent des recommandations de la commission d’enquête, présidée par Charles Arthur Hooper, suivant la fusillade, survenue à la propriété sucrière Union Flacq le 13 août 1937, qui fit quatre morts.

L’une des principales recommandations, explique Dev Luchmun, consultant en relations industrielles, a été la mise sur pied du Labour Department, qui devient plus tard le ministère du Travail ainsi qu’une législation favorisant la création des Industrial Associations.

L’Industrial Association Ordinance no. 7 est votée le 17 mai 1938.  Plusieurs associations défendant les droits des travailleurs sont créées. Vingt ans plus tard, elles sont connues comme des syndicats.

1938 marque aussi l’introduction du Labour Ordinance qui établit, entre autres, la semaine de travail de huit heures par jour, des règles pour le calcul des heures supplémentaires,  l’interdiction de déduire les salaires d’un employé en guise d’amende pour des erreurs et des négligences au travail, le paiement d’une allocation maternelle pour les femmes qui travaillent et qui habitent sur les propriétés sucrières et une mesure utilisée pour calculer le travail effectué par les laboureurs aux champs, soit une gaulette de 10 pieds français. Il y a aussi l’introduction d’un registre pour le nombre d’heures de travail et les salaires des laboureurs.

Dev Luchmun attire l’attention sur une autre mesure phare du Labour Ordinance, soit l’obligation de payer les salaires en cash et non en termes de rations à moins qu’un accord soit passé entre l’employeur et l’employé et qu'il soit approouvé par le Labour Department.

Un autre évènement phare de 1938 : le meeting organisé par Dr Maurice Curé, le 1er mai, qui attire près de 30 000 travailleurs au Champ-de-Mars. Le succès de ce meeting, qui a pour principaux orateurs Maurice Curé, Emmanuel Anquetil, Pandit Sahadeo, Hurryparsad Ramnarain, force aussi le gouverneur d’alors, Bede Clifford, à introduire une série de mesures en faveur de la classe laborieuse. 

Soulignons que 12 ans plus tard, soit le 29 avril 1949, Guy Rozemont, alors président du Parti travailliste et du Mauritius Engineering and Technical Workers Union, présente une motion au Conseil législatif pour que le 1er mai soit décrété jour férié. C’est ainsi que depuis 1950, les travailleurs du pays jouissent d’un jour de congé pour la Fête du Travail.

Dev Luchmun estime que l’année 1938 a marqué le monde du travail à Maurice. Les  bases pour une meilleure relation industrielle ont été jetées avec notamment la mise sur pied des institutions qui protègent les droits des travailleurs et des législations du travail et garantissant, entre autres, les négociations collectives pour le règlement des conflits industriels.

Réactions

Rashid Imrith : «Les syndicats ont évolué positivement»

Le président de la Fédération des syndicats du secteur public, Rashid Imrith, trouve que la classe syndicale a connu une évolution positive au fil des années. Il cite la mise sur pied des Benevolent Funds qui octroient des emprunts à ses membres à un faible taux d’intérêt. « Grâce à la lutte syndicale, depuis 2016, tous les fonctionnaires bénéficient de Passage benefits après cinq ans de service alors que dans le passé, c’était un privilège réservé aux hauts fonctionnaires. Le PRB aussi a amélioré les conditions de service dans la fonction publique », dit-il.

Potaya Kuppan : «Plus d’unité syndicale pour le 1er-Mai»

Ancien président de la Sugar Industry Labourers Union et de la General Workers Federation, Potaya Kuppan a été à l’avant-scène de la lutte syndicale. Il estime que les travailleurs ont vu une amélioration constante de leur niveau de vie et des conditions de travail à travers la lutte syndicale. « Dans le temps, les syndicalistes étaient prêts à tous les sacrifices pour faire aboutir leurs revendications syndicales mais malheureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. » Il parle aussi de la division qui continue de miner la classe syndicale. « Je souhaite que les dirigeants syndicaux se ressaisissent et organisent une activité commune le 1er-Mai, mais je sais que ce sera un appel en vain. »

Clency Bibi : «La lutte continue»

Le vice-président de la CEBSA et dirigeant en vue de la General Workers Federation, Clency Bibi, estime que 1938 a été une année charnière dans la lutte syndicale à Maurice.  « Cette lutte a été accentuée en 1971 avec celles menées par le MMM et la GWF, notamment dans le port, le transport et le CEB pour l’amélioration des conditions de travail », dit-il. Il parle des lois répressives qui ont suivi, dont l’Industrial Relations Act pour affaiblir la lutte syndicale mais que les syndicalistes ont choisi de continuer la répression. Finalement en 2008, cela a abouti à l’introduction de l’Employment Relations Act et de l’Employment Rights Act, certes moins répressives, mais qui contiennent toujours des clauses qui jouent contre l’intérêt des travailleurs. « Nous sommes déterminés à mener la lutte jusqu’à ce que ces deux lois soient amendées à la satisfaction des travailleurs. »

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !