À quelle vitesse l’économie mauricienne grandira-t-elle en 2019 ? Une analyse de l’Economist Intelligence Unit prend à contrepied les récentes estimations publiques et privées en avançant une estimation moindre. Le point.
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L’euphorie d’une croissance à 4 % n’aurait pas lieu en 2019. Il faudrait patienter trois années de plus. Tel est l’avis de l’Economist Intelligence Unit (EIU). Dans un rapport sur l’économie mauricienne en date du 31 décembre, l’agence estime que l’expansion chutera à 3,6 % cette année-ci, soit 0,4 % de moins que des estimations de Statistics Mauritius, Banque de Maurice, MCB Group Limited et SBM Holdings Limited. En 2020, elle sera encore moindre, soit 2,8 %.
Comment expliquer une telle chute de la croissance au cours des deux prochaines années ? À Maurice, le secteur de la construction est en ébullition avec la concrétisation des projets publics et privés. Les industries du tourisme et des services financiers, les deux principaux piliers de l’économie mauricienne, continuent à enregistrer une hausse de leurs activités. La consommation locale maintient la même tendance. Selon l’EIU, les raisons sont ailleurs. Maurice paie le prix d’être une petite économie ouverte sur le monde. Notre économie sera impactée par les tendances mondiales d’Europe, des États-Unis et de Chine.
« En dépit des efforts de diversification, l’Europe représente pour quelque 50 % des exportations et des arrivées touristiques, et c’est une source majeure d’investissement. La croissance réelle en 2019 et 2020 du pays chutera suite à une décélération dans la dynamique de croissance des principaux partenaires commerciaux du pays – Europe, États-Unis et la Chine – pendant ces années. Menant à une chute dans les exportations », prévoient les auteurs de ce rapport. Par exemple, l’EIU cite l’impact d’un ralentissement de l’économie américaine sur les exportations des produits textiles. La hausse dans le taux directeur (voir hors-texte) et un ralentissement dans la consommation seront deux facteurs additionnels qui ralentiront l’activité économique dans le pays.
Face à de telles conditions mondiales, la marge de manœuvre locale est limitée certes, mais pourra empêcher une plus forte chute. À cet effet, l’EIU cite Les activités de l’État dont l’investissement public et la croissance dans le secteur touristique, dopée par les arrivées des marchés émergeants, viendront atténuer l’impact.
Passé le cap de ces deux années difficiles, l’embellie sera de retour, menée par la reprise économique dans le monde, les efforts pour développer l’infrastructure portuaire et un investissement public plus élevé. Ainsi, la croissance moyenne au cours de la période de 2021 à 2023 serait de 4,1 % en moyenne.
N’empêche que Maurice, petit État insulaire et importateur net de nourriture, produits pétroliers et équipements, sera toujours vulnérable face aux facteurs externes, tels qu’une faiblesse renouvelée dans la zone Europe et l’instabilité dans les marchés émergeants. Tels sont les risques aux estimations de l’EIU.
Finances publiques : la dette à 54,6 % de la richesse nationale
Maurice, faisant partie du Top 20 des destinations d’affaires dans le monde, est pris entre deux feux, selon l’Economist Intelligence Unit. D’une part, il y a l’implémentation des initiatives plus favorables à l’environnement des affaires, attirer l’investissement dans des secteurs-clés à l’exportation et la réduction des inégalités sociales et ses impacts sur l’économie. Et d’autre part, le gouvernement est engagé dans la diversification de l’économie. Qui plus est, l’État a des engagements pour réduire la dette. Elle devrait passer sous la barre des 60 % à la fin de l’année fiscale 2020/2021. Ainsi, le montant disponible pour l’investissement baissera. Et la dette publique, incluant celle des compagnies parapubliques, chutera dans le court et moyen termes, passant à 54,6 % du Produit intérieur brut à la fin de 2023.
Politique monétaire : Une hausse du taux directeur en 2019 ?
Le taux directeur est à 3,5 % depuis septembre 2017, son niveau le plus bas depuis l’introduction du concept de la politique monétaire en 2006. Privilégiant la croissance économique, la Banque de Maurice pourrait le réajuster à la hausse d’ici la fin de l’année. Cette augmentation serait motivée par la politique monétaire de la Réserve Fédérale des États-Unis.
Avec l’accélération de l’inflation dans la première économie mondiale, le taux directeur américain serait revu à la hausse, entraînant une fuite de capitaux de Maurice vers le marché américain, attirée par un meilleur retour sur leur investissement en dollar. De fait, le comité sur la politique monétaire de la Banque de Maurice se prononcera en faveur d’une majoration du taux local. La hausse serait moindre au vu de « la croissance économique molle » dans le pays. Au cours de la période 2021/2023, la Banque centrale procèderait à une hausse annuelle, en ligne avec la politique monétaire des États-Unis.
Ceci étant dit, il faudrait tenir compte de la réalité mauricienne dans toute prise de décision. Notre économie est toujours sous l’influence de la volatilité sur le marché mondiale. Une détérioration des conditions locales, couplée aux facteurs externes, pourrait pousser le régulateur bancaire vers une nouvelle baisse du taux directeur en soutien à l’activité économique.
Taux de change : Vers une appréciation de la roupie
Même si le dollar est la monnaie de référence pour l’économie mauricienne, l’EIU met en avant l’historique que la roupie suit la valeur de l’euro. Tenant compte des différentes permutations de politiques commerciales et monétaires, les rédacteurs du rapport avancent que face au dollar, la roupie déprécierait de Rs 33.90 en 2018 à Rs 34,50 cette année-ci. Par la suite, sur la période de 2020 à 2023, la roupie s’appréciera face au billet vert, moyennant Rs 33,10 par dollar. Rappelons qu’au 31 décembre dernier, le dollar s’échangeait à Rs 33,92 (transfert télégraphique entrant) et Rs 34,81 (transfert sortant).
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