La région de Port-Louis et ses alentours sont souvent les plus touchés par les épidémies de dengue que le pays a connues. Parmi les raisons qui expliquent cela, il y a la densité de la population dans ces endroits.
Port-Louis et ses environs connaissent un taux élevé de cas de dengue depuis le début de l’épidémie le 11 décembre 2023. Ces régions sont à chaque fois les plus affectées par cette épidémie pour diverses raisons, explique le Dr Diana Iyaloo, responsable de la Vector Biology and Control Division (VBCD) du ministère de la Santé.
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Une des raisons est parce que les premiers cas de la présente épidémie ont été détectés dans les environs de Baie-du-Tombeau. Avec la transmission du virus par la femelle à ses œufs, cela entraîne une recrudescence de moustiques infectées qui transmettent la maladie en piquant les humains. « Il y a sans doute des œufs infectés dans la terre qui, avec les périodes de pluies, ont éclos pour devenir des larves et par la suite des moustiques », explique-t-elle. Le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé ajoute que c’est la raison pour laquelle il est important de maintenir la surveillance des moustiques en dehors des périodes d’épidémie.
Aussi, comme 50 à 90 % des personnes infectées peuvent être asymptomatiques, elles peuvent aller travailler sans savoir qu'elles sont porteuses du virus. Avec le mouvement de la population, le virus se transmet d’une personne à une autre à travers les piqûres de moustiques, qui sont le vecteur de la dengue.
« Si le foyer de l’épidémie commence à Port-Louis, c’est seulement une partie de cette population qui va aller en dehors de la zone vers d’autres régions du pays. Ainsi, l’épidémie va rester concentrée dans cette partie de l’île », explique le Dr Diana Iyaloo. Pour le Dr Gujadhur, la densité de la population habitant ces régions est aussi à prendre en considération.
En sus, avec un climat propice à la prolifération de moustiques, Port-Louis et le Nord connaissent une densité plus conséquente qu’ailleurs. Les accumulations d’eau, les berges des rivières, la proximité des montagnes et toute la végétation environnante n’arrangent pas les choses, ajoute le Dr Iyaloo. Aucune étude n’a toutefois été entreprise pour comprendre cette recrudescence de cas de dengue dans les régions mentionnées aussi régulièrement.
Cependant, les autorités, conscientes de cette situation, effectuent des exercices de démoustication ciblés lorsque les cas sont rapportés. Cela est également accompagné d’une campagne de sensibilisation. « Nous faisons cela uniquement quand il y a des cas afin de ne pas alarmer la population pour un problème qui n’existe pas », dit-elle. Mais des actions sont malgré tout entreprises en dehors des périodes de l’épidémie, comme le larviciding, de manière régulière. La fumigation est ajoutée à ces mesures lorsque des cas sont rapportés, souligne le Dr Iyaloo. Pour le Dr Gujadhur, le combat contre les moustiques doit être permanent, tout comme le nettoyage des terrains en friche. Et dès que la densité de moustiques atteint plus de cinq selon l’indice Breteau, des actions rapides doivent être menées, dit-il.
La VBCD surveille de son côté l’incidence des moustiques tout au long de l’année, affirme le Dr Iyaloo. Si la densité est élevée, d’autres mesures sont prises, comme l’installation d’ovitrappes. 500 ont été installées dans diverses régions. Jusqu’à 6 000 œufs sont ainsi collectés par 200 trappes par mois, ce qui est assez élevé, affirme notre interlocutrice. « Là où il n’y a pas d’intervention, l’indice Breteau est élevé », indique-t-elle. Raison pour laquelle les autorités multiplient les efforts et les interventions afin d’enrayer l’épidémie. Mais il faut un peu plus de temps, estime le Dr Iyaloo, qui est d’avis qu’avec le prochain hiver, la transmission de la dengue pourra être freinée. « Il est encore trop tôt pour faire des pronostics », dit-elle.
Vers la production d’un million d’insectes stériles
Afin de contrer la population de moustiques, le ministère de la Santé a lancé en octobre 2022 le projet d’insectes stériles. Ce programme consiste à lâcher dans la nature des moustiques mâles stériles. Ces derniers ne piquent pas et ne transmettent donc aucune maladie. En s’accouplant avec les moustiques femelles, ces dernières vont pondre des œufs non-fécondés qui n'écloront pas. La population de moustiques se trouvera ainsi réduite.
Pour l’heure, 100 000 mâles sont produits par semaine, ce qui n'est pas suffisant, estime le Dr Iyaloo. Elle espère que d’ici les mois à venir, la capacité de production soit augmentée pour la production d’au moins un million de moustiques mâles par semaine, afin de toucher plusieurs régions.
Le programme, qui a été lancé sur une base pilote, se déroule dans la région du Champ de Mars. Cette méthode peut aider à casser la transmission de la dengue, mais il faut aussi que le climat soit clément. La pluie est l'un des obstacles qui ne favorise pas la réussite des mesures prises.
Congés dus à la dengue déduits des congés maladies
Selon les mesures mises en place par le ministère de la Santé, toute personne atteinte de la dengue doit suivre le protocole sanitaire en se plaçant en isolement à domicile pendant 10 jours.
Les employés doivent informer leurs employeurs de leur période d’absence et soumettre un certificat médical délivré par un médecin du service public au plus tard le quatrième jour de leur congé maladie. Selon un communiqué du ministère du Travail, chaque jour de congé dû à la dengue sera déduit du solde de congés maladie de l’employé.
520 cas actifs, portant le total à 1 486 depuis décembre
Le nombre de cas de dengue ne cesse de progresser. Le pays comptait 520 cas actifs au vendredi 23 février. 1 486 cas ont officiellement été rapportés depuis le 11 décembre 2023. La maladie semble se propager un peu plus à Port-Louis et aux localités avoisinantes depuis le début de l’épidémie le 11 décembre 2023. Certaines régions ont enregistré entre 14 à 22 cas, et d'autres entre 23 à 43 cas. Le virus est un peu plus présent dans les basses Plaines Wilhems et touche aussi davantage de villages dans la région nord. Des cas isolés ont également été constatés du côté de l'ouest, de l'est et du sud-est. (Voir la carte).
Suite au passage de la forte tempête tropicale Eleanor, les autorités sanitaires seront confrontées à un nouveau défi : éliminer au maximum toutes les accumulations d'eau qui pourraient servir de gîtes larvaires aux moustiques. Et, pour la plupart, les exercices de prévention tels que la fumigation et le « larviciding » doivent être renouvelés, les produits ayant été lavés par les averses.
L’île Rodrigues connait aussi de nombreux cas de dengue également. Selon les derniers chiffres, il y avait 305 cas actifs et 527 cas rapportés depuis le 11 décembre dernier.
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