Ce n’est pas une mais deux empreintes génétiques qui ont été trouvées sur la dépouille de Nadine Dantier. Le dossier a été confié à une nouvelle équipe du CCID constituée il y a quelques semaines. L’une des deux traces ADN a déjà été identifiée sur la scène d’un crime commis dans le Sud il y a quelques années.
C’est l’un des secrets les mieux gardés au Central Criminal Investigation Department (CCID). Ce n’est pas une mais deux empreintes génétiques qui se trouvaient sur la dépouille de Nadine Dantier. L’habitante d’Albion de 20 ans avait été abusée avant d’être assassinée dans un terrain boisé de la localité le mercredi 25 juin 2003. Ce second ADN avait été découvert dans l’échantillon de la trace de sperme prélevé sur le corps de l’étudiante, à travers de nouvelles techniques de recherche adoptées par le Forensic Science Laboratory (FSL) il y a cinq ans.
À l’époque, le dossier avait été rouvert vu que l’ADN d’un des deux suspects avait été identifié sur un objet retrouvé sur le lieu d’un crime commis dans le Sud de Maurice, tel que révélé par Le Défi Plus dans son édition du 23 janvier 2016. Nous n’avions alors pas évoqué la présence du second ADN.
Le CCID avait constitué une équipe de limiers triés sur le volet afin d’avoir un regard neuf sur ce dossier en vue de retracer le meurtrier. Malheureusement, les tests sur les suspects du second crime, incluant celui de la victime, s’étaient révélés négatifs.
Une liste de personnes ayant évolué dans la région d’Albion, voire de Rose-Hill, les jours précédant le crime avait même été dressée. Aucun détail n’avait été épargné, tel que le fait que la victime ait confié, peu avant sa disparition, qu’elle avait été suivie par un homme de forte corpulence à Rose-Hill, localité où elle prenait l’autobus pour rentrer à Albion.
Le dossier, qui a « dormi » dans un tiroir, a été rouvert il y a quelques semaines par le CCID. Une nouvelle équipe a été mise sur pied. Elle est dirigée par un enquêteur chevronné.
D’anciens témoins seront de nouveau entendus. Une nouvelle liste de suspects pourrait donner des résultats probants si l’équipe procède de manière assidue et si elle n’est pas démantelée comme la précédente. Un homme a déjà été interrogé la semaine dernière. Il a aussi été invité à remettre un échantillon de son ADN.
Moult rebondissements
Durant ces 18 dernières années, le dossier Dantier a connu moult rebondissements. Quelques jours à peine après la découverte du cadavre, Marcelin Azie avait été interpellé pour une série de faits jouant contre lui. D’un, il avait participé à la construction du mur d’enceinte de l’église située à côté de l’arrêt d’autobus où Nadine Dantier était descendue. De deux, il s’était fait teindre les cheveux, mais c’était en fait une plaisanterie de la fille d’un travailleur social de Camp-Créole. De trois, il était allé habiter chez un oncle aux Salines, à Port-Louis, pour trouver un emploi.
Marcelin Azie avait avoué le crime mais sous la contrainte. Un test ADN mené en Afrique du Sud – le FSL n’ayant alors pas encore adopté cette technologie – l’avait disculpé. Il y avait eu les « fausses révélations » de Nadine Chaton qui disait avoir été témoin du crime aux côtés d’un agent de la brigade antidrogue.
Le dernier gros rebondissement avait été l’exhumation du corps de la victime pour décrypter la lettre d’amour de son petit ami, mais elle n’avait rien révélé. Il faut y ajouter les lettres anonymes qui ont surgi et les conseils des experts français spécialisés en « cold cases » dépêchés à Maurice à l’époque.
Le dossier était tombé dans l’escarcelle du CCID à la fin des années 2000, après la réception du rapport des experts français qui avaient suggéré que de nouvelles pistes soient considérées. L’ex-assistant commissaire de police Clifford Parsad et feu Clency Meeterjoye, alors ex-assistant surintendant de police – qui avaient fait partie de la Major Crimes Investigation Team – avaient dressé une nouvelle liste de suspects, mais l’exercice n’avait pas abouti.
Ce sont surtout les avancées dans le domaine des recherches médico-légales qui ont conduit à ce développement. D’autres rebondissements sont attendus dans cette affaire grâce à l’adoption du nec plus ultra en matière de tests ADN.
Base de données
Les empreintes génétiques des suspects non identifiés dans des affaires de meurtre et de viol sont désormais intégrées dans le Combined DNA Index System (CODIS). Cette base de données permet de réaliser des tests comparatifs avec l’empreinte génétique des auteurs d’agressions violentes, d’agressions sexuelles, de viols et de meurtres, entre autres.
Elle contient déjà 43 000 profils, lesquels sont systématiquement comparés à tout nouveau cas non résolu de viol ou de meurtre.
Un nouvel appareil permettant des séquençages en 14 heures au lieu de quatre semaines permettra aux enquêteurs de travailler plus rapidement. Celui consistant à mener des tests dits « touch DNA » sera un atout additionnel pour résoudre des cas jugés « difficiles ».
Les experts de Réduit pourront également extraire de l’ADN à partir d’ossements et des dents retrouvés en mauvais état. De nouveaux appareils leur permettront de faire des dépistages quant à l’utilisation de drogue par des automobilistes. La détection de stupéfiants à travers des brins de cheveux deviendra également une réalité à Maurice.
Le calvaire des proches
Le mercredi 25 juin 2003, il fait déjà nuit lorsque Nadine Dantier descend d’un autobus de UBS en face de l’église de Notre-Dame de la Mer à Albion. Elle rentre d’un stage professionnel après avoir brièvement rencontré son petit ami. Alors qu’elle se dirige vers le domicile parental situé environ 500 mètres plus loin, elle est interceptée par ses meurtriers.
Une battue par ses proches durant toute la nuit, dans l’espoir de la retrouver, ne donnera rien. Son corps sera découvert le lendemain matin dans un terrain boisé à plus de 100 mètres de l’arrêt d’autobus, sur la route menant au domicile parental.
La première hypothèse de la police criminelle est que Nadine Dantier a été suivie et qu’elle a été traînée de force dans le terrain. L’autopsie pratiquée par le médecin légiste Abdool Khalick Mohungoo conclura que la jeune femme a été frappée et abusée avant d’être étranglée avec son pull-over.
Le seul indice retrouvé sur le lieu du crime se résume à un mince filet de sperme sur la jambe de la victime. « Il est clair que l’enquête a été mal faite dès le départ. J’espère que nous saurons la vérité avant de quitter ce monde », confie Gino Troubat, le père biologique de la victime. Même s’il se montre dubitatif, il croit fermement que les avancées technologiques permettront de mettre un nom sur le ou les meurtriers de sa fille.
Un ancien enquêteur : «Ce cas nous est resté en travers de la gorge»
Un des enquêteurs du CCID qui a travaillé sur l’affaire Dantier, mais qui est désormais à la retraite, a accepté de se confier sur ce cas. « Quand vous êtes un enquêteur spécialisé dans les homicides, ce n’est pas de gaité de cœur que vous partez à la retraite en n’ayant pas élucidé un tel crime », regrette-t-il.
Il ajoute : « Souvent, je me mets dans la peau des parents. Perdre un enfant est une épreuve douloureuse. Ce n’est pas dans l’ordre naturel des choses. »
L’ancien limier se remémore qu’à l’époque, ses collègues et lui avaient enquêté avec les moyens du bord. « Nous n’avions pas de base de données d’ADN à notre disposition. Je ne reviendrai pas sur les détails autour de la preuve scientifique vu que l’enquête est en cours. En faisant des contre-vérifications des empreintes génétiques, le FSL finira par identifier le ou les meurtriers », avance-t-il.
Qu’en est-il de la bourde entourant l’arrestation de Marcelin Azie ? « Le fait qu’il ait travaillé à proximité du lieu du crime, qu’il s’était fait teindre les cheveux et qu’il avait quitté l’endroit peu après a joué contre lui. Sa finn fer nou panse ki se li kinn fer sa », se souvient l’ancien enquêteur.
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