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Emergency Procurement - Mare-Chicose : un contrat de Rs 70 M alloué… pour deux mois 

Le centre d’enfouissement de Mare-Chicose, déjà saturé, est continuellement menacé par des désastres écologiques, dont des incendies fréquents.
  • Un mauvais signal pour l’environnement, disent des spécialistes 

Le ministère de l’Environnement a confié un contrat de Rs 70 023 534,80 au consortium JV Sotravic/Eneotech lors d’une Emergency Procurement afin qu’il crée un espace vide à Mare-Chicose. Ce contrat est d’une durée de deux mois, soit de mai à fin juin 2024. À l’approche de la Journée internationale de l’environnement le 5 juin, cette décision soulève des problématiques.

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Problématiques autour de l’appel d’offres et de l’exercice d’allocation 

Les premières interrogations émergent au niveau de la procédure d’appel d’offres. Ce sont les conditions entourant cet exercice, ainsi que l’attribution du contrat qui intriguent dans le cadre de ce projet pesant plus de Rs 70 millions. 

Déjà, le simple fait que le ministère de l’Environnement ait décidé de recourir à une Emergency Procurement suscite des interrogations. Cette méthode est généralement associée à des risques de favoritisme et de corruption. Un phénomène qui a été particulièrement observé durant la pandémie de COVID-19, où des contrats octroyés dans le cadre de l’approvisionnement d’urgence ont fait l’objet d’enquêtes de la part de l’Independent Commission against Corruption.

En deuxième lieu, l’exécution du contrat a débuté officiellement le 1er mai 2024 pour prendre fin le 30 juin 2024. La période relativement courte de ce contrat, malgré son coût élevé de Rs 70 millions, soulève inévitablement des préoccupations quant à l’utilisation judicieuse des fonds publics.

En troisième lieu, la nature même du projet soulève d’autres préoccupations. Le centre d’enfouissement de Mare-Chicose, déjà saturé, est continuellement menacé par des désastres écologiques, notamment des incendies fréquents qui représentent un grave danger pour l’environnement et la santé des habitants environnants. Ces incendies, souvent difficiles à maîtriser, exigent plusieurs jours d’efforts intenses pour être éteints.

Il convient également de noter que le ministère de l’Environnement avait initialement envisagé une expansion verticale du centre d’enfouissement. Un contrat de Rs 3 milliards était sur le point d’être attribué en novembre 2023 dans le cadre de ce projet ayant fait l’objet d’un appel d’offres. 

Deux entreprises, Sotravic Limitée et Serveng Ltd, avaient été présélectionnées, présentant respectivement des offres de Rs 3 398 481 539 et de Rs 3 431 875 856,05. Cependant, jusqu’à présent, les autorités n’ont pas communiqué sur le devenir de ce projet d’extension verticale. 

Situation écologique préoccupante

En 2023, le bureau de l’Audit a rendu public un rapport intitulé « IMPLEMENTATION OF MEASURES FOR SUSTAINABLE SOLID WASTE MANAGEMENT ». Celui-ci a mis en lumière la situation désastreuse de la politique de gestion des déchets à Maurice, ainsi que la problématique grandissante à Mare-Chicose. 

Selon les statistiques environnementales, le volume total de déchets solides enfouis sur le site est passé de 388 000 tonnes en 2012 à 501 000 tonnes en 2021, soit une augmentation de 30 %. Il est projeté d’atteindre environ 650 000 tonnes d’ici 2030, ce qui représenterait alors une hausse supplémentaire de 30 %. 

Les meilleures pratiques en matière de gestion des déchets solides recommandent la prévention comme option privilégiée, tandis que l’enfouissement est considéré comme le dernier recours. En termes de coûts, il a été constaté que les dépenses totales pour la gestion des déchets, de la collecte à l’élimination, ont augmenté pour atteindre Rs 1,8 milliard en 2021, contre Rs 1,1 milliard en 2012. En 2021, le coût moyen de la gestion des déchets solides était estimé à Rs 3 500 par tonne. 

La situation de Mare-Chicose préoccupe grandement la députée du Mouvement militant mauricien (MMM), Joanna Bérenger. Le dernier contrat alloué pour le site reflète, selon elle, le manque de planification et de vision de ce gouvernement. « C’est un exemple de son incapacité ou de son manque total d’intérêt pour exécuter des réformes ou des projets d’une importance capitale afin que Maurice puisse relever les défis écologiques auxquels il est confronté », dit-elle. 

Elle fait ressortir qu’initialement, le site de Mare-Chicose a été conçu pour accueillir 2 millions de tonnes de déchets sur une période de 19 ans. Or, elle fait remarquer qu’aujourd’hui, plus de 10 millions de tonnes de déchets ont été enfouies sur ce site. 

« Rien qu’en 2020, nous avons envoyé plus de 500 000 tonnes de déchets à Mare-Chicose. En 1997, la décharge a été établie sur une superficie de 32 hectares. Aujourd’hui, le site couvre plus de 50 hectares. Cela fait plus de trois ans que Mare-Chicose est saturé ! Maintenant, on parle de créer des espaces vides ? » s’indigne la députée du MMM. 

En parallèle, elle rappelle que le gouvernement avait envisagé une extension verticale de Mare-Chicose. « Ne pouvant plus élargir le site, ils veulent l’agrandir en hauteur. Mais où en est-on arrivé ? Plus de nouvelles ? Même si nous avions dit qu’une extension verticale n’est pas sans danger ! D’ailleurs, le ministre Ramano lui-même l’a admis dans sa réponse à une question parlementaire que j’avais posée sur ce sujet. Il a également souligné que cette extension verticale permettrait au site de fonctionner pendant encore 10 ans ou plus. » 

Économie circulaire

Le ministère de l’Environnement avait reconnu dans l’un de ses derniers rapports que la situation à Mare-Chicose expose Maurice à une « waste disposal crisis ». Afin de répondre à ces défis, il s’est lancé, il y a quelques années, dans l’ambitieux défi de mettre en oeuvre le concept d’économie circulaire à Maurice d’ici 2050. Dans cette optique, une feuille de route intitulée « The vision of the roadmap is that, by 2050 » a été préparée.

Selon cette feuille de route, le concept est conçu pour être profondément enraciné dans la culture du pays, favorisant des modes de production et de consommation durables à tous les niveaux de la société. Elle vise à promouvoir la régénération de la nature, ayant un impact positif sur la vie des citoyens et sur l’environnement, tout en créant des emplois verts ainsi que des opportunités pour les individus et les organisations. Maurice aspire ainsi à devenir un modèle pour l’économie circulaire dans la région, ainsi que parmi les petits États insulaires en développement (PEID).

Cependant, étant donné que ce projet est à long terme et que la situation est pressante, plusieurs observateurs de la situation écologique remettent en question l’efficacité des mesures prises jusqu’à présent. Ils avancent que les rapports préparés et le recours à des consultants pour le projet d’économie circulaire ne constituent pas une réponse adéquate à ce problème pressant. 

Selon l’ancien député Sunil Dowarkasing, également ancien stratège pour l’organisation non gouvernementale internationale Greenpeace, l’économie circulaire représente bien plus qu’un simple concept : c’est un véritable mode de vie à adopter. Il estime qu’aucun effort significatif n’a encore été entrepris par les autorités mauriciennes pour sensibiliser la population à ce programme. 

Considérant qu’il faudra entre 20 et 25 ans pour que ce projet devienne une réalité, l’ancien député conseille au gouvernement d’envisager d’autres options pour soulager le pays en matière de gestion des déchets. Il met en avant l’importance de prendre au sérieux la technique de transformation des déchets en énergie (waste-to-energy). Avec les avancées technologiques, cette méthode est désormais hautement efficace et peut être une solution viable pour de nombreux pays. 

« Aujourd’hui, grâce au soutien technologique, il existe des moyens pour transformer les déchets en énergie de manière efficace », souligne-t-il. Selon lui, cette approche est plus appropriée, car le pays ne peut pas se permettre d’avoir un second centre d’enfouissement. Il insiste sur l’importance pour le gouvernement de considérer sérieusement la transformation des déchets en énergie, notant que dans d’autres parties du monde, comme à Paris, cette technique est déjà mise en œuvre avec succès, contribuant ainsi à soulager la gestion des déchets.

La solution à ce problème, selon Joanna Bérenger, réside uniquement dans des approches telles que la séparation des déchets à la source et le compostage. « Nous ne réinventons pas la roue en disant cela. D’ailleurs, certaines de ces solutions figurent dans le master plan environnemental », souligne-t-elle, avant d’ajouter : « Mais qu’ont-ils fait ? » 

La députée mauve critique le manque d’action concrète de la part des autorités. Elle rappelle que la construction de centres de tri et de centres de compostage pour les déchets faisait partie des « objectifs à court terme » du ministère de l’Environnement selon son Master Plan 2019. « Un appel à propositions a été lancé en novembre 2022, et en décembre 2023, le ministre a déclaré : ‘Nous sommes en train de commencer les négociations avec les soumissionnaires potentiels concernant l’installation des usines de compostage et aussi des centres de tri.’ Ils ont laissé dormir ce projet tout ce temps. Maintenant, ils reviennent avec une solution ‘elastoplast’ », s’insurge-t-elle.

  • LDMG

 

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