Quand on parle de barachois, on oublie parfois que l’ostréiculture fait partie de la vie quotidienne des locaux, car le métier est peu connu. Le temps d’une marée basse, nous avons rencontré Kemraj Persand, éleveur d’huîtres.
« Le travail n’est pas toujours facile. Mais comment ne pas résister à ce cadre de vie ? Quand il fait froid, j’évite de me poser des questions ! »
La route du littoral nord nous conduit à Poudre-d’Or, dans l’univers de Kemraj Persand, ostréiculteur. Ce dernier nous a demandé d’emprunter un sentier derrière l’hôpital du village. Devant une grande porte bleue, son neveu Jessan Persand nous attendait pour nous guider sur la propriété privée de huit hectares, clôturée et truffée de caméras de surveillance. Ensuite, nous trouvons cinq chiens, entraînés pour garder la propriété. Il y a aussi des ruches sur le sentier qui conduit à une petite maison blanche où habite l’homme aux huîtres. Une partie de la maison sert à abriter ses équipements. Dans un coin de la cour, des tonneaux troués sont alignés sous les filaos. Devant nous : une splendide vue du barachois.
En plus d’être un amoureux de la mer, Kemraj Persand est un passionné. Originaire de Grand-Gaube, il a mis cinq ans à construire un univers autour des huîtres.
Nous sommes accueillis avec un large sourire et une poignée de main. « Bienvenu », dit-il. Il a fondé un projet d’élevage d’huîtres en 2013. Son médaillon en forme d’ancre de bateau autour du cou attire tout de suite l’œil. La peau rougie par le soleil, c’est un mordu de la mer avec des yeux couleur noisette.
Été comme hiver
Il raconte avec fierté son métier souvent difficile, mais son amour pour la mer l’encourage à ne pas baisser les bras. Qu’il pleuve ou qu’il vente, il est dans l’eau à 6 heures tous les jours. « Les huîtres sont des mollusques très fragiles, il faut toujours en prendre soin », indique-t-il. L’huître passe par plusieurs étapes avant qu’elle ne soit prête à être dégustée. Il veille au grain à leur croissance et leur épanouissement. Il tient tout particulièrement à la qualité de ses mollusques.
Depuis qu’il a mis les pieds dans la crique, il n’en est plus sorti. D’ailleurs lors de notre rencontre, il nous raconte qu’il s’est fait une entorse au pied il y a deux semaines et avait un plâtre qu’il a enlevé, car cela l’empêche de travailler. La douleur est là, mais rien ne l’empêchera de s’occuper de ses protégés.
Amour et courage
« Le travail n’est pas toujours facile. Mais comment ne pas résister à ce cadre de vie ? Quand il fait froid, j’évite de me poser des questions ! » Car si le métier a ses bons côtés, l’ostréiculteur doit aussi composer avec la météo, les prédateurs, les vols, les marées, les maladies… Et les jours de vente.
Les mains marquées par l’eau, il puise le courage au sein de sa famille, qui travaille à ses côtés depuis quelques années. Ses yeux ne se détachent pas de ses huîtres, quand il raconte son parcours. Pour cet entrepreneur, les huîtres n’ont pas de secret. Ce métier exigeant demande beaucoup de temps, d’effort physique et mental. Il est souvent découragé et ne ferme pas l’œil la nuit.
« L’investissement de soi est primordial pour mon business. Et les huîtres mettent des années à arriver à maturité. Je n’arrête pas de réfléchir à comment trouver des moyens plus faciles à faire les cages d’huîtres qui coûtent moins cher, à comment faire pour les préserver de la pollution », explique-t-il.
« Malgré les changements climatiques qui contribuent à la destruction de beaucoup d’espèces, ma famille m’aide dans mon business et leur soutien m’est précieux pour aller de l’avant », ajoute-t-il. Les grosses pluies, depuis le début de l’année, n’ont pas contribué favorablement à l’épanouissement des huîtres, car la salinité de l’eau n’est plus le même. La température de l’eau est un critère important. Il y veille de très près.
Il a conçu son parc d’huîtres avec le soutien et l’encouragement de sa famille. Son seul regret est que son père décédé n’a pas pu voir le travail qu’il a abattu. « Il aurait été fier, c’était son vœu. J’aurais aimé qu’il soit là », confesse-t-il avec émotion. Mais il voit concrétiser son rêve avec l’aide de son épouse, de sa mère, de ses oncles et de ses neveux. Toute une famille qui se consacre aux mollusques. Ensemble, leur quotidien se résume à prendre soin de leurs coquillages.
Marié et sans enfant, cet huîtrier n’a pas froid aux yeux. Après les huîtres, les crabes sont à l’essai sur un projet pilote. Il prévoit même d’élever d’autres espèces d’huîtres et de coquillages. « J’ambitionne de faire prospérer mon petit business. Je me suis tellement sacrifié pour en arriver là. » Cet amoureux de la nature a commencé à produire du miel. « J’aime beaucoup tout ce qui sort de l’ordinaire. »
Il passe son temps à installer les naissains, à détroquer les coquillages, à les séparer de leur support, avant de les placer dans des parcs d’engraissement, à retourner les poches, à veiller à la production et surtout à être patient. Car il faut attendre presque trois bonnes années avant de pouvoir déguster les huîtres. Un travail de longue haleine.
Le développement d’une huître
En été, l’huître pond de minuscules larves, qui errent au contact du courant à la recherche d’un endroit pour se fixer. Vient ensuite le captage. L’ostréiculteur utilise des supports appelés collecteurs (en tulle romain, tubes, lamelle ou encore des coquilles) ou en écloserie. Par ailleurs, le captage sert également de support pendant la croissance des huîtres.
Une fois fixée, la larve devient naissain. Au bout de quatre mois, elles atteignent 2 à 4 cm. Commence alors le détroquage : l’ostréiculteur détache les naissains du collecteur pour les mettre en demi-élevage en parc pendant une à deux années. Enfin, pour favoriser leur pousse et leur croissance, les huîtres sont déposées dans des zones riches en plancton, le plat favori des huîtres.
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