
- L’abolition de la charge provisoire au programme
- Les sources journalistiques protégées
L’ébauche du Police and Criminal Justice Bill vise à unifier les procédures policières et judiciaires sous une seule loi, tout en renforçant les garanties constitutionnelles des droits humains. Elle propose même de mettre fin à la controversée charge provisoire.
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Il y a quelques jours, le Solicitor-General a transmis au Commissaire de police, Rampersad Sooroojbally, sur instruction de l’Attorney-General, Gavin Glover, la dernière version du Police and Criminal Justice Bill 2025, pour commentaires. Le draft, dont le Défi Media Group a pu se procurer une copie, circule dans un cercle restreint.
Ce projet de loi, considéré comme prioritaire pour une introduction à l’Assemblée nationale, compte 164 pages. Structuré en cinq parties principales – Préliminaire, Étapes pendant l’enquête, Arrestation et détention, Preuves et Divulgation –, ce texte consolide les dispositions éparpillées dans divers actes existants, sous réserve d’exceptions pour la caution, la piraterie et le terrorisme. Voici les principaux changements introduits.
Dans son explanatory memorandum, Gavin Glover explique que parmi les objectifs figurent de nouvelles règles concernant les pouvoirs d’arrestation, de perquisition, de fouille, de saisie, de détention et d’interrogatoire des suspects. Il propose aussi l’abolition de la charge provisoire, la fixation d’une limite de temps pour la détention des personnes en attente de jugement, et l’introduction de meilleures dispositions pour la production de preuves dans les procédures pénales. Le tout afin de « mieux garantir les droits humains et libertés fondamentales du citoyen, tels que prévus par la Constitution de Maurice ».
Le projet de loi prévoit également qu’une personne ne peut être arrêtée sur la seule base d’une allégation d’un tiers sans qu’une enquête ait été menée, sauf s’il existe une preuve admissible qu’une infraction a été commise. Le tribunal aura aussi le pouvoir statutaire général d’exclure une preuve inéquitable.
Il propose aussi l’abolition de la charge provisoire, la fixation d’une limite de temps pour la détention des personnes en attente de jugement, et l’introduction de meilleures dispositions pour la production de preuves dans les procédures pénales.»
Abolition de la « provisional information or charge »
Le projet abolit la notion obsolète de « provisional information or charge », qui permettait une détention prolongée sans charge formelle, souvent source d’arbitraire. Désormais, toute détention doit être justifiée par une enquête préalable et des éléments probants admissibles, interdisant les arrestations basées uniquement sur des allégations de tiers sans vérification. Cela aligne les pratiques sur les standards constitutionnels, évitant les abus et favorisant une justice plus rapide et proportionnée.
Le mémorandum explicatif précise explicitement : « abolir la provisional information or charge » (« abolish the provisional information or charge »). Cette mesure s’inscrit dans l’article 15 de l’Arrangement of Clauses, qui supprime cette procédure hybride, obligeant les forces de l’ordre à formuler des charges claires dès les premières étapes.
Limitation stricte de la détention en attente de jugement
Une limite temporelle est désormais imposée pour la détention des personnes en attente de jugement, remplaçant les durées indéfinies antérieures. Les articles 23 à 29 encadrent les lieux de détention, le rôle du custody officer (officier désigné par le Commissaire de police, non inférieur au rang d’inspecteur) et les restrictions sur la détention policière. Cela protège contre les détentions arbitraires, en imposant des évaluations régulières et des directives du Director of Public Prosecutions pour toute prolongation.
Le mémorandum souligne : « fixer une limite de temps pour la détention des personnes en attente de jugement » (« set a time limit for the detention of persons awaiting trial »). L’article 24 définit le custody officer comme responsable de la supervision quotidienne, avec des rapports obligatoires pour prévenir les prolongations injustifiées.
Pouvoir général des tribunaux d’exclure les preuves inéquitables
Les tribunaux obtiennent un pouvoir statutaire général pour écarter toute preuve obtenue de manière inéquitable, y compris les enregistrements audio-visuels (article 53). Cela étend les exclusions aux preuves issues d’abus lors des investigations, renforçant l’équité des procès et évitant que des violations procédurales ne contaminent les jugements.
L’article 54 traite spécifiquement des confessions de personnes handicapées ou vulnérables, exigeant des protections supplémentaires, comme la présence d’un adulte approprié pour prévenir les aveux forcés. Selon le mémorandum : « accorder à un tribunal un pouvoir statutaire général pour exclure une preuve inéquitable » (« gives to a Court a general statutory power to exclude unfair evidence »). Cette disposition s’applique à toutes les preuves, y compris celles issues de fouilles ou d’interrogatoires, et permet aux juges d’évaluer l’équité au cas par cas.
Obligation de notification pour la défense d’alibi
Lorsque la défense invoque un alibi, une notification préalable à l’accusation est requise (article 59), sous peine d’exclusion de la preuve. Cela structure l’introduction des preuves, obligeant les parties à anticiper les arguments adverses, et évite les surprises en audience, ce qui accélère les procédures.
De même, l’admissibilité des preuves d’expertise (article 61) est encadrée par des règles strictes sur la qualification des experts et la pertinence des rapports. Le texte stipule : « poser la manière dont une certaine preuve peut être introduite devant un tribunal, y compris un avis à donner au ministère public lorsque la défense souhaite s’appuyer sur une défense d’alibi » (« lays down the manner in which certain evidence may be introduced before a Court, including a requirement for notice to be given to the prosecution where the defence wishes to rely on a defence of alibi »). Cette mesure favorise une transparence accrue, alignée sur les principes d’égalité des armes.
Renforcement des droits des victimes et des témoins
Un chapitre dédié (articles 51 et 52) introduit des mesures protectrices pour les victimes et témoins, incluant un traitement spécifique lors des auditions – comme des pauses adaptées et un soutien psychologique – et des garanties contre l’intimidation, telles que des ordonnances d’éloignement.
Le traitement des témoins vulnérables, y compris les mineurs, est aligné sur les normes internationales, avec extension des liaisons vidéo en direct et télévisées dans tous les cas pénaux, permettant des témoignages à distance pour minimiser les traumatismes. Cela marque une avancée en justice restaurative, priorisant la sécurité des parties civiles et encourageant leur participation. Le mémorandum énonce : « prévoir l’exécution des droits des victimes et des témoins » (« provides for the enforcement of the rights of victims and witnesses ») et « prévoir un lien vidéo en direct et télévisé dans tous les cas pénaux » (« provides for live video and television link in all criminal cases »). L’article 51 définit explicitement ces droits, incluant le droit à l’information et à la compensation pour les frais engagés.
Effacement de certaines condamnations mineures
Pour les condamnations, un crédit statutaire est accordé aux accusés reconnaissant leur culpabilité (article 72), sous forme de réduction de peine proportionnelle au stade de la reconnaissance – jusqu’à un tiers pour une plaidoirie précoce–, encourageant les plaidoiries de culpabilité et allégeant la charge des tribunaux engorgés.
Le concept de spent convictions permet l’effacement de certaines condamnations mineures après un délai (généralement trois à cinq ans sans récidive), facilitant la réinsertion sociale en limitant leur impact sur l’emploi ou les voyages.
Le mémorandum cite : « introduire, à des fins de condamnation, une base statutaire pour accorder un crédit à ceux qui acceptent la responsabilité de leur culpabilité, et prévoir le concept de spent convictions » (« introduces, for the purpose of sentencing, a statutory basis for giving credit to those who accept responsibility for their guilt, and provides for the concept of spent convictions »). Cela s’applique aux peines inférieures à 30 mois, avec un registre centralisé pour les vérifications.
Ces dispositions visent une justice plus proportionnée, où la responsabilisation prime sur la punition systématique, tout en préservant des sanctions pour les infractions graves.
Un chapitre dédié introduit des mesures protectrices pour les victimes et témoins.»
Régime obligatoire de divulgation des preuves
Un régime de divulgation primaire et continue est instauré (articles 63 à 67), obligeant le Directeur des poursuites publiques (DPP) à communiquer les éléments du dossier à la défense dans les 28 jours suivant l’inculpation, sous peine de sanctions pour retard injustifié (ajournement ou exclusion de preuves).
Les notices d’alibi et preuves d’expertise sont intégrées, tandis que la confidentialité des informations sensibles est préservée (article 70), avec divulgation publique limitée en cas d’intérêt général par décision judiciaire. Cela assure l’égalité entre accusation et défense, évitant les procès déséquilibrés. Le projet introduit : « un régime de divulgation » (« introduces a disclosure regime »). L’article 64 définit la divulgation primaire comme incluant tous les documents pertinents, y compris les notes d’enquête, renforçant ainsi la confiance dans le système judiciaire.
Unification des pouvoirs policiers d’investigation
La Partie II consolide les pouvoirs d’arrêt, d’entrée, de fouille, de saisie et d’arrestation (articles 4 à 21), unifiant des règles jusqu’ici dispersées.
L’article 4 autorise l’arrêt et la fouille de personnes ou véhicules en lieux publics sur fondement raisonnable de suspicion d’instrumentalité d’infraction : « Où un officier de police a des motifs raisonnables de soupçonner qu’il trouvera tout article qui est ou peut être le produit ou un instrument d’une infraction – (a) dans un lieu public, il peut, conformément à la sous-section (3) – (i) arrêter et fouiller toute personne ou tout véhicule ; et (ii) arrêter une personne ou un véhicule aux fins de la fouille ».
Les fouilles intimes sont limitées et réalisées par un officier du même sexe (article 5), avec enregistrement obligatoire dans les sept jours (article 6). Les contrôles routiers, autorisés par un superintendant pour cinq jours maximum (article 7), ciblent les preuves ou témoins. Les saisies sur mandat magistral (articles 8 et 9) exigent une justification précise, excluant les documents confidentiels sans ordonnance judiciaire motivée par l’intérêt public. Le mémorandum résume : « rassembler, dans un seul acte sous réserve de certaines exceptions, les dispositions relatives à l’exercice, par les officiers de police, du pouvoir d’arrêt, d’entrée, de fouille, de saisie, d’arrestation et de détention » (« bring together, in one enactment subject to certain exceptions, the provisions which relate to the exercise, by police officers, of the power to stop, enter, search, seize, arrest, and detain »).
L’article 5 impose un code de conduite : l’officier doit expliquer l’objet de la fouille et minimiser l’humiliation, avec des étapes raisonnables pour localiser le propriétaire d’un véhicule non accompagné.
Protections renforcées pour les détenus vulnérables
Les articles 31 à 50 encadrent le traitement des détenus, les fouilles intimes et non intimes (articles 32 et 33), les empreintes digitales et photographies (articles 36 à 39), et les droits additionnels pour les mineurs (article 41), notamment la présence d’un parent ou tuteur.
L’assistance légale est obligatoire (article 42), gratuite via la Legal Aid and Legal Assistance Act, et les interrogatoires doivent être enregistrés audio-visuellement (article 47) pour prévenir les manipulations. Les Judges’ Rules (article 43) et cautions sur suspicion raisonnable (article 44) protègent contre les abus, particulièrement pour les personnes vulnérables, en exigeant une mise en garde avant tout questionnement.
Le texte définit : « confession et admissibilité par une personne handicapée ou autrement vulnérable » (« Confession and admissibility by handicapped or other mentally vulnerable person »).
L’article 41 étend ces protections aux mineurs, interdisant les interrogatoires sans adulte approprié, et l’article 48 limite les questions post-charge à des faits nouveaux.
Dispositions diverses et transitoires
La Partie V couvre les enquêtes menées par d’autres autorités (article 74), telles que les douanes ou l’ICAC, les amendements consécutifs (article 76) et les dispositions transitoires (article 77), qui préservent les procédures déjà en cours.
Le commencement est laissé à la discrétion du gouvernement (article 78), permettant une mise en œuvre progressive. Ces clauses visent à assurer une transition fluide, sans abroger les textes existants sur la caution, la piraterie ou le terrorisme.
Des dispositions pour protéger les sources des journalistes
L’ébauche du Police and Criminal Justice Bill introduit des mesures spécifiques pour protéger le matériel journalistique lors des enquêtes policières. Le texte classe ces éléments parmi les “excluded material” (matériaux exclus) afin de préserver la confidentialité des sources et la liberté de la presse.
L’article 2 définit le « journalistic material » comme : « Material acquired or created for the purpose of journalism, which is in the possession of a person who acquired or created it for that purpose » (« Matériel acquis ou créé dans le but du journalisme, détenu par une personne qui l’a acquis ou créé à cette fin »). Ce matériel est protégé s’il est détenu en confidence, c’est-à-dire sous engagement de non-divulgation.
Il est intégré à la catégorie des « excluded material », aux côtés des dossiers personnels confidentiels (obtenus dans un cadre professionnel) et des échantillons biologiques médicaux gardés secrets.
L’article 2 précise : « Excluded material [...] includes [...] journalistic material which a person holds in confidence » (« Matériel exclu inclut [...] du matériel journalistique détenu en confidence par une personne »).
Ainsi, il ne peut être saisi ou fouillé sans procédure judiciaire renforcée, évitant les intrusions arbitraires dans les archives journalistiques.
L’article 9, intitulé « Access to excluded or special procedure material », restreint l’accès à ces éléments. Les forces de l’ordre doivent obtenir l’autorisation d’un magistrat, fondée sur une suspicion raisonnable d’infraction et une pertinence pour l’enquête.
Sans mandat motivé, toute entrée ou saisie est prohibée, protégeant ainsi documents, enregistrements et notes confidentiels contre les abus policiers.

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