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Drogue : pourquoi peine-t-on à la combattre ?

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Rs 25 millions. C’est le montant alloué à l’Anti Drug and Smuggling Unit pour l’acquisition de nouveaux outils pour contrer le fléau de la drogue. Malgré tous ces dispositifs, pourquoi est-ce si difficile d’en venir à bout ? C’est la question que nous abordons dans ce dossier.

«Nou pou fini zot », « Mo pa per zot ». Ce sont les propos du Premier ministre Pravind Jugnauth, lors d’une fonction, il y a quelques temps qui expliquait que la mafia de la drogue « a tellement de richesses et de ressources qu’elle peut déstabiliser tout un gouvernement ». À plusieurs reprises, le chef du gouvernement a signifié son intention de combattre le fléau de la drogue dans le pays. Il a joint le geste à la parole lors de son dernier discours budgétaire en annoncant des mesures et surtout en attribuant des millions de roupies à l’Anti Drug and Smuggling Unit (Adsu) et aux autres autorités pour qu’elles soient mieux équipées.

La police, de son côté, travaille d’arrache-pied, selon le Police Press Office, pour non seulement effectuer le maximum de saisies mais aussi pour mener des campagnes de sensibilisation. Ainsi, du 24 février au 10 mars 2018, de nombreuses campagnes ont eu lieu dans les centres commerciaux sur les méfaits de la drogue. L’Adsu est sur tous les fronts : collectes d’informations, descentes et saisies mais elle ne se concentre pas seulement sur l’offre mais vise aussi à faire diminuer la demande, d’où les campagnes de sensibilisation et les causeries.

Le rapport de la Commission d’enquête sur la drogue très attendu

Souvenez-vous, la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, a été instaurée le 15 juillet 2015. Il était épaulé de deux assesseurs, le Dr Ravind Domun et Sam Lauthan. Depuis que les auditions ont démarré en novembre 2015, nous avons été témoins de nombreux rebondissements. Que peut-on attendre de ce rapport ? A-t-il était efficace ?

De leur côté, les travailleurs sociaux disent attendre le National Drug Control Master Plan, qui est toujours à l’étude au Bureau du Premier ministre. Ce dernier, répondant à une question des journalistes le mois dernier, a expliqué qu’une réflexion se poursuit sur les recommandations.

Comment ? Pourquoi ? Quand ? Autant de questions, autant de divergences, autant de réponses. Une seule chose met tout le monde d’accord : le combat contre la drogue est l’affaire de tous !


Duel

Xavier Luc Duval, leader de l’opposition v/s Bobby Hurreeram, Chief Whip du gouvernement

Bobby Hurreeram et Xavier Luc Duval

Quel a été l’impact de la commission d’enquête sur la drogue ?
Xavier Luc Duval: « Je pense qu’il est trop tôt pour juger de l’impact. Nous attendons tous le rapport de la commission de la drogue. Ensuite, on verra quelles sont les décisions qui seront prises par le gouvernement. »

Bobby Hurreeram : « Je crois que la commission d’enquête est ce dont le pays avait besoin depuis très longtemps. Aujourd’hui, nous devons comprendre en profondeur ce fléau avant d’agir. Le rapport est très attendu et je suis sûr qu’il viendra avec des recommandations très sérieuses afin de pouvoir sauver la jeunesse mauricienne de la drogue. Quand nous constatons le nombre d’arrestations qu’il y a eu durant le régime actuel, nous nous posons la question  : pourquoi durant les dix dernières années, il n’y a pas eu toutes ces saisies de drogue ? Je salue l’initiative du Premier ministre, car il a su prendre le taureau par les cornes pour protéger nos jeunes de la drogue. »

Êtes-vous satisfait des travaux de cette commission d’enquête ? A-t-elle vraiment été efficace ?
Xavier Luc Duval : « Moi, je pense que dans un pays où les policiers fonctionnent comme il se doit, c’est-à-dire avec efficacité, sans frayeur… une telle commission d’enquête n’aurait pas dû être nécessaire. La raison de cette commission d’enquête montre que la police n’agit pas comme il le faut ! En d’autres mots, la commission d’enquête fait le travail de la police. J’espère juste que l’opinion sera basée sur la ‘best practice’ comme à l’étranger. Il y a de nombreux pays où les consommateurs de drogue ne sont pas en prison, car ces personnes ne sont pas des criminelles mais des malades.

Concernant le débat du cannabis médical, je trouve qu’il faut autoriser l’importation du cannabis médical pour les malades. Il y a beaucoup de réformes à faire dans ce secteur. »

Bobby Hurreeram : « Certainement, comme tout citoyen, je pense qu’on attend tous ce rapport afin de comprendre l’ampleur du problème. Déjà, en regardant autour de nous, comme l’a dit le PM, on fait face à une mafia très robuste. Je regrette que durant le régime du Dr Navin Ramgoolam, il a toujours refusé de mettre sur pied une commission d’enquête. Efficace ? Oui, bien sûr. Parce que nous sommes proches du peuple et nous avons l’obligation de faire ce qui doit être fait afin de soulager Maurice de ce fléau qui ronge notre société. »

Qu’attendez-vous du rapport ?
Xavier Luc Duval: « J’attends que la commission d’enquête fasse des propositions de façon dépassionnée. »

Bobby Hurreeram : « Nous aurons des recommandations nécessaires. Et à partir de là, les autorités concernées, telles que la police et le DPP, prendront les décisions adéquates afin que chacun assume ses responsabilités vis-à-vis des Mauriciens. »


Les mesures annoncées dans le Budget  2018-2019

  • Rs 25 millions – à l’Adsu pour investir dans des technologies de pointe
  • Rs 10 millions – Campagnes de sensibilisation
  • Rs 30 millions – Programme de réhabilitation pour les toxicomanes
  • Recrutement au sein de la force policière, patrouilleur pour la National Coast Guard
  • Des équipements modernes : de nouveaux détecteurs portatifs, des analyseurs, entre autres

Edley Jaymangal : «Il n’y a pas de pénurie»

Edley Jaymangal Une chose inquiète Edley Jaymangal, directeur du Centre de solidarité pour une nouvelle vie : l’accessibilité.  « Auparavant, la drogue était concentrée dans quelques endroits spécifiques uniquement alors que maintenant, il est facile de s’en procurer n’importe où, aussi bien qu’on pourrait penser qu’elle est disponible à chaque coin de rue. Malgré toutes les saisies effectuées, qui ne cessent de nous choquer tous les jours, on ne voit pas de pénurie. Imaginez donc la quantité de drogue qu’il y a dans ce pays. »

Le centre de solidarité pour une nouvelle vie : «Se donner une chance»

centre de solidarité

Le centre prend en charge les toxicomanes. L’association accueille en ce moment neuf résidents dans le centre résidentiel, situé à Solitude, et 13 autres dans son Day Care Centre, à Rose-Hill. Une trentaine de personnes sont aussi enregistrées dans le programme de réinsertion.

Le directeur avance qu’il y a en moyenne une vingtaine de nouveaux cas par mois. Il fait appel au ministère des Finances pour qu’il y ait plus de loisirs à Maurice : « Les Mauriciens n’ont pas vraiment de loisirs mis à part les plages, et il faut remédier à cela. »


Opinion

Danny Philip, président de CUT : «Moins de répression, plus de prévention»

Danny Philip
Danny Philip

Le président du Collectif Urgence Toxida (CUT) estime que le combat contre la drogue est difficile à Maurice car un gros budget est alloué à la répression.  « Les méthodes utilisées dans d’autres pays ne sont pas nécessairement efficaces. Nous devrions faire moins de répression et plus de prévention.  En général, la police intercepte beaucoup plus les consommateurs que les trafiquants. En prison, 70 % des détenus sont des consommateurs mais bien peu des trafiquants. »

Il évoque également le problème du blanchiment d’argent. « Autre problème à Maurice, c’est la quantité d’argent blanchi. Il y a une somme astronomique qui circule sur le marché noir et on n’arrive pas à retracer cet argent.  Une ‘Drug Free Society’ est une utopie, car la drogue existe depuis la nuit des temps. Il faudrait s’adapter à elle, par exemple au Portugal, les drogues ont été dépénalisées et les consommateurs sont considérés comme des malades et non pas des criminels. »  Effectivement, la cocaïne, l’héroïne et le cannabis ainsi que d’autres drogues ont toutes été autorisées dans les années 2000. Le trafic demeure interdit.

Autre problème, selon lui : la force policière. «  Elle est gangrénée de policiers impliqués dans le trafic. Quant au système judiciaire, il faut penser à le revoir car on envoie beaucoup en prison et on utilise l’argent des contribuables. La Global Commission on Drug a émis plusieurs rapports démontrant que les législations dans plusieurs pays du monde se dirigent vers la décriminalisation des drogues. Une alternative à l’incarcération des utilisateurs de drogue et pour prôner une meilleure politique envers les drogues. Depuis 2011, la Commission a fait des recommandations, on attend toujours… »

Cindy Aisha Trevedy, team leader À A.I.L.E.S : «La répression n’est pas une bonne chose»

Cindy Aisha Trevedy
Cindy Aisha Trevedy

Cindy Trevedy est team leader chez A.I.L.E.S. « Nous avons un grand problème avec la drogue car les lois et la politique ne sont guère appropriées. La répression n’est pas une bonne chose. De par mon expérience avec les toxicomanes et les utilisateurs de drogue, la répression cause plus de dégâts à la société.  Quand les lois condamnent un utilisateur de drogue, cela ne change en rien la situation. Pire, des fois quand vous incarcérez un utilisateur de cannabis, il sort de prison avec d’autres problèmes comme l’addiction aux drogues dures. »

Elle exhorte le gouvernement à faire des consultations auprès des ONGs avant de prendre des décisions. « Dans le passé, nous avons vu que des substituts comme la Subuxone n’ont pas été efficaces. Les toxicomanes sont des victimes et des personnes qui ont besoin d’aide. La police ne doit pas intercepter les personnes qui ont des seringues propres en leur possession, car c’est l’utilisation des seringues propres qui permet la non-transmission des maladies. »  Elle ajoute que le gouvernement doit travailler en collaboration avec les utilisateurs de drogue et les ONGs afin de trouver une solution et un consensus pour mieux combattre le fléau de la drogue. « Et il serait important d’allouer un plus gros budget pour la prévention et les suivis psychologiques des malades. Il est temps de travailler sur d’autres types de méthodes de substitution. »

 

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