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Dr Ziyad Gunga : « Avant d’affronter le variant Delta, les autorités doivent s’assurer de la robustesse du système de santé » 

Pour le Dr Ziyad Gunga, qui exerce comme chef de clinique chirurgie cardiovasculaire en Suisse, il reste encore du chemin à faire concernant la campagne de vaccination. Il parle de son expérience avec le variant Delta, qui demeure une menace persistante.

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Les autorités songent à davantage d’assouplissements, tout en concédant que la contamination est actuellement à son plus haut avec, en parallèle, de plus en plus de décès de cas liés au virus. N’est-ce pas là contradictoire ?

Depuis quelques jours, l’île Maurice fait, certes, face à un rebond épidémique majeur, avec non seulement une flambée du nombre de cas atteints de Sars Cov 2, mais aussi une augmentation de la mortalité. Épidémiologiquement, ces éléments sont la preuve d’une progression de l’épidémie et non le résultat d’une campagne de dépistage accru, car l’incidence de cas graves nécessitant une hospitalisation a similairement connu un pic fulminant.

Malheureusement, cela survient alors qu’une lueur d’espoir vers une vie normale commençait tout juste à planer depuis l’assouplissement des contraintes. Hormis une campagne de vaccination insuffisante, l’émergence hypothétique de variant résistant aux anticorps, et une faiblesse de la protection immunitaire fournie par les vaccins au fil du temps, le comportement humain reste un facteur prépondérant dans la résurgence d’un pic épidémique. Il n’y a pas de fumée sans feu, comme dit l’adage. Le relâchement des mesures préventives - telles que la distanciation physique, le port adéquat d’un masque et le lavage constant des mains - a eu des conséquences catastrophiques. 

Outre l’assouplissement des protocoles de quarantaine destinés aux étrangers vaccinés, les autorités songent à la réouverture des activités de loisirs, telles que les boîtes de nuit. Compte tenu de la situation qui prévaut actuellement, le pays est-il prêt pour passer à cette étape supérieure ?

Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer mon soutien et ma solidarité envers les propriétaires des nombreuses entreprises et les personnes indépendantes qui ont été accablées par la crise engendrée par la pandémie. Mais, dans bien des pays, où la population languissait de reprendre ses activités régulières, la combinaison de la levée des restrictions et une lacune au niveau des précautions préventives, a favorisé l’essor d’une nouvelle vague. Ainsi, la reprise de certaines activités peut être envisageable, à condition que la discipline de tout un chacun reste la pierre angulaire de la politique d’ouverture. Il y a quelques mois, Israël avait été le premier pays au monde à s’approcher d’une immunité collective.

Cependant, avec l’avènement du variant Delta et une population qui a fait preuve d’insouciance pendant l’été, le pays est frappé à nouveau par une quatrième vague. Pour rappel, actuellement à l’île Maurice, la campagne de vaccination locale avoisine les 50 %. Il reste encore du chemin à faire avant d’atteindre le seuil de 70-80 % nécessaire pour acquérir une immunité collective. En France, les restaurateurs ont l’obligation d’exiger la présentation d’un pass sanitaire, synonyme de sésame pour passer une bonne soirée. Les discothèques ont ouvert leurs portes, mais exigent un test PCR pour les adeptes. Le pays souffre d’un manque à gagner considérable secondaire aux mesures restrictives imposées aux touristes. 

Les décès liés à la Covid-19 ont surtout touché les personnes souffrant de comorbidités. Ces décès auraient-ils pu être évités, si la campagne de vaccination avait été dans un premier temps consacrée aux personnes les plus vulnérables d’un point de vue médical ?

Certes, la vaccination se montre comme un rempart contre l’infection, diminue les atteintes graves et la mortalité. Elle prévient aussi la transmission du virus au sein d’une population. Ainsi, toutes les campagnes de vaccination, dignement réfléchies et établies, ont ciblé en priorité les personnes vulnérables en prenant en compte plusieurs critères, dont l’âge de plus de 65 ans, l’historique médical - insuffisance rénale chronique, immunosuppression, porteuses de trisomie 21 et antécédents oncologiques.

Certains pays, notamment Israël, administrent une 3e dose de vaccin à des patients dotés d’un faible système immunitaire, plus précisément les greffés cardiaques. Cependant, il y a d’autres facteurs qui peuvent expliquer la mortalité accrue chez cette population vulnérable à Maurice. Le Syndrome de détresse respiratoire aigüe secondaire à l’infection SARS CoV 2 est une pathologie dont la prise en charge s’avère complexe et utopique si les intervenants ne sont pas suffisamment formés en sus d’un manque de logistique.

En tenant en ligne de compte le comportement des Mauriciens, ainsi que la gestion des autorités, tout en dressant un parallèle avec là où vous travaillez, Maurice est-il suffisamment conscient et préparé par rapport au variant Delta ?

Pour rappel, le variant Delta, portant le nom scientifique B 1.617, comporte de multiples mutations le rendant plus contagieux, favorisant une transmission accrue au sein de la population. En outre, la résistance aux anticorps que lui profère une mutation, explique la recrudescence des cas parmi une population ayant bénéficié d’une vaccination bien conduite. Le variant Delta affole la santé publique en Europe avec une hausse progressive des hospitalisations, touchant principalement les non vaccinés.

Certes, la préparation pour une énième vague de Covid-19 a été anticipée bien en amont, avec l’aide des prédictions statistiques et des modélisations mathématiques. Le service des soins intensifs a prévu l’ouverture des unités supplémentaires si la situation s’aggravait. Les algorithmes de soins ont déjà été établis après l’expérience acquise durant les anciennes vagues. De nouveaux protocoles de recherche pour optimiser le traitement commencent à être adoptés. Par exemple, les chirurgiens cardiaques se retrouvent impliqués dans les cas complexes, quand le patient devient réfractaire à la ventilation mécanique pour la mise en place d’une assistance respiratoire (ECMO), par le biais d’une circulation extracorporelle (le sang est oxygéné par un oxygénateur externe, puis repompé dans le patient). 

D’autre part, la campagne de vaccination par vaccins à ARN messager (Pfizer) s’accentue et visera prochainement les enfants de plus de 12 ans aussi. Il faut absolument garder en tête que, bien que les vaccins soient efficaces contre les formes de Sars-Cov 2, ils n’offrent qu’une protection partielle contre l’infection par le variant Delta. Ainsi, les personnes vulnérables recevront une 3e dose afin de booster le taux d’anticorps.
Indéniablement, la pandémie sera plus rapidement endiguée si la population se montre disciplinée en adoptant les gestes barrières.

Pour être vraiment préparées à affronter une éventuelle épidémie au Delta, les autorités doivent s’assurer de la robustesse du système de santé, avec des intervenants formés et un plateau technique adéquat, continuer la campagne de vaccination avec la discussion d’une 3e dose pour la population vulnérable et la population doit faire preuve de civisme et de discipline. C’est le combat de tout un chacun, afin que nous puissions revivre les jours heureux et libres.

Le changement de protocole de quarantaine prônant l’auto-isolement pour les cas asymptomatiques est-il un bon signal concernant la gestion des autorités ? 

Afin d’éviter que la Covid-19 ne se propage sans entrave, l’auto-isolement a été préconisé par les pays européens. Évidemment, cela dépend entièrement sur la responsabilité du patient et la confiance que les autorités lui confèrent. À Maurice, le budget alloué pour le traçage et l’isolement dans les hôtels a dû être considérable. Le pays souffre déjà d’une économie en berne ; je pense que les autorités ne font pas preuve d’inconscience en faisant confiance à sa population. Toutefois, tout manquement ou risque sur le reste de la population devra sévèrement être réprimandé.

  • LDMG

 

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