Dr Vasantrao Gujadhur : «Le gouvernement est en train de banaliser l’Omicron»

L’ancien directeur des services de Santé est d’avis que le gouvernement va trop vite en besogne concernant l’assouplissement des restrictions sanitaires. Le Dr Vasantrao Gujadhur demande aux Mauriciens de se méfier du variant Omicron.

Les autorités mauriciennes sont en train d’assouplir davantage certains protocoles sanitaires, notamment au niveau de l’auto-isolement pour ceux qui ont été testés positifs à la Covid-19 et pour ceux qui ont été en contact avec des cas positifs. Vos commentaires… 
Le communiqué faisant état de ces changements n’est pas explicite. Je comprends, à travers ce communiqué, que le jour zéro est comptabilisé à partir du jour où le patient a commencé à avoir des symptômes ou lorsqu’il a effectué un test anti-Covid-19. C’est donc au bout du huitième jour qu’il est autorisé à sortir sans un Exit Test. 

Mais il faut tenir en ligne de compte ce qui se passe dans le monde. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recommandé de raccourcir la période de quarantaine dans des situations où il y a de nombreux cas positifs et lorsqu’il y a une pression au niveau des services essentiels d’un pays, notamment la santé et si l’économie est affectée. L’OMS préconise cependant que cette réduction de la période de quarantaine soit accompagnée d’un test et que le patient ne présente aucun symptôme durant les derniers jours de sa quarantaine. 

Je dois aussi faire ressortir que l’OMS a précisé que cette politique ne s’applique pas aux personnes souffrant de comorbidités. En sus, le port du masque à l’intérieur doit être maintenu au bout de l’auto-isolement. Je m’appuie sur les données de l’OMS voulant que le risque de transmission post-quarantaine varie entre 1 % et 10 % pour ceux qui ont été en auto-isolement pendant 10 jours. Le risque pour ceux qui ont été en auto-isolement pour cinq jours est de 33 %. Ceux qui ont été en isolement pendant sept jours représentent un risque de contamination de 5 %. Ainsi, en analysant toute cette situation, je suis forcé à croire que le ministère de la Santé « pe fer doub fas ». 

S’il n’y a pas de pression sur notre système de santé, pourquoi écourter la période d’auto-isolement, alors qu’on sait très bien que le risque post-transmission est élevé. J’ai aussi pris note du fait que Business Mauritius a dit que cet assouplissement de l’auto-isolement est en train de simplifier la situation. Est-ce qu’il y avait une pression dans le monde du travail ? Selon le ministère de la Santé, il y a peu de cas positifs. Nous savons bien qu’il y a plus de 3 000 cas par jour, en prenant en compte le nombre de tests PCR et antigéniques qui sont réalisés au quotidien. 

Je ne comprends pas non plus le fait que le gouvernement dit qu’il y a moins de cas, mais que de l’autre côté, des procédures d’urgence sont enclenchées pour l’acquisition de quatre millions d’unités de Molnupiravir. S’il y a une pression sur les services du ministère de la Santé, il faut le dire à la population. Maurice est en train de suivre la même politique adoptée dans les pays d’Europe. Ce qu’il faut savoir, c’est que la France a déjà atteint son pic. L’Angleterre l’a atteint le 5 janvier. Pareil pour l’Allemagne, le Danemark ou encore l’Inde, qui ont déjà franchi le pic, alors que ce n’est pas encore le cas à Maurice.

S’il y a une pression sur les services du ministère de la Santé, il faut le dire à la population»

Quand Maurice atteindra-t-il son pic, selon vous ?
Il m’est impossible de vous répondre, car le ministère ne communique pas toutes les données autour de la Covid-19. Je pense que nous avons actuellement un positivity rate entre 45 % et 50 %. Ce qui est très élevé. La situation est sous contrôle lorsque ce taux est en-dessous de 5 %. Lorsqu’il est supérieur à 20 %, cela veut dire que la transmission est très élevée. 

Les autorités étudient la possibilité de ne plus soumettre les passagers venant à Maurice à des tests. Quelles pourraient être les implications d’une telle mesure ?
Cette mesure est, certes, à l’étude, mais il y a entre-temps eu d’autres mesures qui ont été prises concernant les passagers venant à Maurice. Il y a, par exemple, une mesure pour les touristes vaccinés ayant choisi des hôtels accrédités par la Tourism Authority. Ces personnes ne seront pas testées à leur arrivée. Elles le seront à l’hôtel. Les touristes testés positifs seront alors placés en quarantaine à l’hôtel même.

Mais il y a un flou terrible concernant les passagers vaccinés. Il n’y a aucune indication quant à la date à laquelle ils ont été vaccinés. On ne parle même pas de troisième dose concernant les touristes. En revanche, un Mauricien qui n’a pas fait sa troisième dose se retrouve dans une situation d’illégalité et n’a pas accès à plusieurs lieux. Cette politique s’applique à tous les touristes, sans même prendre en compte leur pays d’origine. 

La majorité des touristes viennent de France, d’Allemagne, d’Angleterre et de la Réunion. La France enregistre 90 000 cas positifs par jour et l’Allemagne une moyenne de 150 000 cas par jour. Nous connaissons tous les limites de notre système de santé. Nous ne pouvons nous permettre de copier-coller ce qui se fait à l’étranger. Nous n’avons pas les mêmes moyens. Lorsqu’on jette un coup d’œil aux chiffres, on voit que le nombre de cas d’hospitalisation est en hausse, aussi bien que le nombre de décès. 

Votre conseil aux Mauriciens, surtout à ceux qui refusent de se rendre à l’hôpital et qui se livrent à l’automédication ?
Le gouvernement est en train de banaliser l’Omicron, alors que le taux de transmission de ce virus et de son sub-lineage est encore plus élevé. Certains sont en train de comparer l’Omicron à une simple grippe, mais une simple grippe fait 500 000 décès par an à travers le monde. La Covid-19, elle, tue 5 millions de personnes chaque année. Il faut faire la booster dose et respecter les gestes barrières.

Concernant ceux qui se livrent à l’automédication, je note que de plus en plus de gens consultent Internet pour se soigner, mais c’est une très mauvaise idée. La pathophysiologie du Delta et celle de l’Omicron ne sont pas du tout pareilles. Je conseille aux personnes infectées de consulter leur médecin de famille ou autre professionnel.