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Don d’organes par une tierce personne : la modification de la loi se fait attendre

Le don d’organe par une tierce personne est de nouveau dans d’actualité.

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Rachelle, 48 ans, attend désespérément que la loi soit revue. Elle ne peut recevoir une transplantation de rein, vu qu’aucun membre de sa famille n’est compatible avec son groupe sanguin.

Depuis l’an passé, Rachelle, 48 ans, est condamnée à trois séances de dialyse hebdomadaires. À l’antenne d’Xplik ou K, elle explique que c’est après l’amputation de son pied droit que les docteurs ont décelé un dysfonctionnement de son rein. « C’est un problème sûrement provoqué par les complications diabétiques que je vis depuis l’enfance : le rein, trop sollicité a lâché », confiait-elle sur les ondes. Quels étaient les symptômes ?

« Au début, tout allait bien. Puis, j’ai commencé à me sentir fatiguée, à avoir des vertiges, des démangeaisons et autres complications insupportables. La seule solution suggérée par mes médecins traitants : la transplantation rénale. Hélas, aucun membre de ma famille ne peut être donneur. Mes proches ne sont pas compatibles, mon groupe sanguin est le A+, un groupe rare. Seul recours : un donneur tiers, ou anonyme, sauf que la loi mauricienne l’interdit. Que faire ? Attendre tranquillement la mort, en attendant que nos élus décident enfin de revoir cette loi ? »

Des jeunes dialysés

Et la dame de nous confier son effroi, quand elle se rend à ses séances de dilayse. « J’ai toujours cru que les personnes dialysées sont âgées de 40 ans et plus. Grande fut ma surprise de voir qu’il y avait aussi de très jeunes dialysés. Les gens doivent prendre conscience du problème. Votre vie peut basculer du jour au lendemain.

Les malades sont en danger de mort, car leurs reins peuvent lâcher à tout moment. Il faut élargir l’éventail de donneurs potentiels à des personnes autres que les proches.

Actuellement, même si une personne veut faire un don d’organe gratuit à un inconnu, il ne pourra le faire, la loi l’interdit. En attendant, les malades  meurent à petit feu », s’insurge Rachelle.

Rappeler l’Assemblée

Sollicité pour un commentaire, Me Shakeel Mohamed, avocat et élu, a insisté sur la gravité du sujet et l’urgence de réagir. « La population doit comprendre qu’en matière de transplantation d’organe, il faut intervenir pour sauver une vie qui est en train de s’éteindre. La loi, amendée en 2015 et restreignant l’éventail de donneurs, doit être revue pour apaiser la souffrance de ces personnes en attente d’un organe », a-t-il indiqué

« Le gouvernement avait évoqué la nécessité d’un tel amendement depuis 2015, mais aucun développement n’a suivi », a déploré Shakeel Mohamed. « La solution est simple : il suffit de modifier la section de la loi qui indique que seul un membre de la famille peut faire don d’un organe. Cet amendement ne prendrait que 5 minutes. Lorsque cette loi a été votée en 2006, je n’étais pas membre du cabinet, mais un simple élu de l’Assemblée. »

Shakeel Mohamed a affirmé que cette restriction de la loi est due « à des groupes sociaux culturels, des lobbies qui ont fait pression pour que ce don d’organe ne soit pas ouvert à d’autres personnes que des membres de la famille. Pour des raisons obscures, on refuse le droit à certaines personnes de retrouver une vie normale. » Et de souligner que « le plus gros problème à Maurice, c’est que nous ne disposons pas de spécialiste de la transplantation rénale. Le chirurgien disponible autrefois a pris sa retraite.

La liste des malades en attente d’une transplantation rénale s’allonge. Il faut que les Mauriciens soient conscients de ce problème et fassent part de leur sentiment. Toute la classe politique doit se sentir concernée, y compris les élus de l’opposition qui ne se sont pas penchés sur cette lacune de la loi. Nous sommes tous coupables et je prendrai contact avec le ministre de la Santé, le Dr Anwar Husnoo, pour qu’il demande un rappel de l’Assemblée nationale pour faire adopter cette loi d’urgence ».

Ignorance et Trafic d’organes

Étienne Sinatambou.
Shakeel Mohamed.

En absence d’une réaction du ministre de la Santé, demeuré injoignable, le porte-parole du gouvernement, Étienne Sinatambou a été sollicité pour un commentaire à l’antenne. Tout en concédant qu’il ne maîtrisait pas ce sujet, il s’est dit « surpris d’apprendre qu’il y a un manquement au niveau des structures mises en place pour traiter ce problème.

Autant que je sache, il existe un système de transplantation, de greffe dans les hôpitaux du service public. » Il a exhorté Shakeel Mohahed de « aret so bann demagozi ». Le porte-parole du gouvernement assure qu’il n’y a pas lieu de rappeler le Parlement pour amender la loi. Il a demandé les coordonnées de Rachelle et a promis de « trouver une solution pour elle. »

Selon Étienne Sinatambou, la restriction imposée par la loi a pour but de limiter le nombre de donneurs d’organes « à cause des trafics d’organes qui existent ailleurs ». Le porte-parole du gouvernement précise que certaines personnes affirment que le don est gratuit, « mais c’est absolument le contraire ».

« Si on libéralise ces dons, cela incitera des personnes à vendre leurs organes pour de l’argent, ce qui mènera à un scandale et l’État aura à en subir les conséquences vu que la santé de ces donneurs sera affectée. Ce n’est pas par caprice que la loi impose que seuls des proches parents pourront faire don de leurs organes. C’est le seul moyen pour éviter les trafics », a expliqué Étienne Sinatambou.

Pour le porte-parole du gouvernement, « il n’y a pas lieu de rappeler le Parlement, car le gouvernement élu est en mesure de prendre des décisions qui s’imposent en cas de souffrance exceptionnelle ». Il a promis de transmettre le message de Rachelle aux autorités concernées.

 

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