La discrimination dans le cadre du travail consiste à défavoriser un salarié, un stagiaire ou un candidat à l'embauche, en raison de certains critères non objectifs. Si certaines victimes de discrimination n’ont pas peur d’élever la voix pour réclamer justice, d’autres choisissent de se murer dans le silence par peur de représailles.
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L’Organisation internationale du travail (OIT) constate que les périodes de difficultés économiques favorisent la discrimination au travail et dans l’ensemble de la société. Parmi les victimes, on compte, dans la majorité des cas, les minorités ethniques et les travailleurs migrants.
Dev Luchmun, consultant en Relations industrielles et ancien conseiller au ministère du Travail et des Relations industrielles, explique que c’est pour combattre la discrimination que l’OIT a adopté, en 1958, la Convention 111 en s’inspirant de la Déclaration de Philadelphie, qui dit que tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales. Il cite aussi la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies.
L’ancien conseiller en relations industrielles au ministère du Travail avance qu’ayant ratifié cette convention, le gouvernement mauricien s’y est inspiré lors de l’élaboration de l’Employment Rights Act en 2008. Il cite l’article 4 de cette législation qui interdit toute forme de discrimination sur le site du travail et à l’embauche, basée sur la race, la couleur, la religion, l’orientation sexuelle et le sexe, entre autres. Il conseille tous ceux qui sont victimes de discrimination au travail d’alerter les autorités, dont le ministère du Travail et l’Equal Opportunities Commission. Il explique que la loi protège non seulement les victimes qui portent plainte, mais aussi toute personne qui refuse de mettre à exécution une instruction considérée comme discriminatoire.
Il parle du principe « à travail égal, salaire égal », conformément à la Convention 100 de l’OIT, qui oblige l'employeur à assurer la même rémunération aux salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale dans l'entreprise.
Mais il avoue qu’il existe plusieurs formes de discrimination indirectes, notamment dans des entreprises privées. « Par exemple, le fait qu’on préfère des jeunes femmes ayant certaines caractéristiques à certains postes pourrait être une forme de discrimination », dit-il. D’où son appel à plus de vigilance de la part des officiers du ministère du Travail. Il souhaite aussi que les autorités se lancent dans une grande campagne médiatique pour conscientiser les travailleurs sur la discrimination au travail.
Traitements de faveur
De son côté, le président de la Fédération des Travailleurs Unis, Atma Shanto, qui mène un combat contre l’hôtel The Residence pour l’interdiction de porter le tikah, estime qu’il y aurait plusieurs cas de discrimination dans des entreprises privées et qu’il les a rapportés au ministère du Travail. Il cite, entre autres, des discriminations au sujet du paiement des heures supplémentaires, des traitements de faveur qui sont accordés aux salariés qui ne sont pas syndiqués, des employés qui n’ont pas droit aux heures supplémentaires car ils habitent trop loin de leur lieu de travail.
Quelle est la situation dans la fonction publique ? Il existe plusieurs cas, avance le président de la Fédération des syndicats du secteur public, Rashid Imrith. Ce dernier sollicite d’ailleurs une rencontre avec le ministre de la Fonction publique, Eddy Boissezon, pour dénoncer ce qu’il considère comme des cas de discrimination dans la Fonction publique, comme celui d’un Higher Executive Officer d’un corps paraétatique qui n’a pas obtenu de promotion en raison d’un retard au niveau de son « scheme of service ». Le syndicaliste a plaidé en faveur de l’officier pour que ce dernier bénéficie de deux au lieu d’une augmentation en guise de compensation, mais le ministère de tutelle a refusé catégoriquement. Or explique-t-il, les employés du Rodrigues Regional Assembly ont bénéficié de deux augmentations suivant des retards dans leur « scheme of service ».
Rashid Imrith cite aussi le cas d’une vingtaine d’Office Management Assistants d’un ministère qui ont été promus, sans avoir bénéficié d’un additional increment for additional qualifications, contrairement à ceux d’un autre ministère qui, eux, ont reçu leur augmentation salariale après être montés en grade. Pour Rashid Imrith, c’est un cas flagrant de discrimination.
Questions à…Dev Luchmun : « Il y a suffisamment de lois pour protéger les travailleurs »
Comment définissez-vous la discrimination au travail?
Le fait d'accorder un traitement moins favorable à un employé ou à un groupe d'employés, comparé à d'autres à cause de la couleur de peau, de la religion, de l’orientation sexuelle, de l’apparence physique, de l’état de santé, de l’appartenance à un syndicat, est une discrimination. C'est un acte punissable sous la clause 4 de l'Employment Rights Act. De plus, l'article 3 et 16 de la Constitution de Maurice accorde une protection plus large aux citoyens contre la discrimination. Nous avons suffisamment d'arsenal juridique pour protéger les travailleurs contre la discrimination au travail. Toutefois, l’inspectorat du ministère du Travail, des Relations industrielles et de l’Emploi doit s’assurer qu’elles sont appliquées sur les sites du travail.
Comment faire la distinction entre un acte discriminatoire et des règlements internes imposés par la direction qui pourraient être perçus comme une discrimination à l'égard d'un groupe de travailleurs?
Une discrimination peut être directe, indirecte ou systémique. Par directe, on comprend qu'elle est visible. En voici un exemple : un employeur refuse d'embaucher une personne ou de la priver d'une promotion en raison de son appartenance syndicale ou de son orientation sexuelle. Une discrimination indirecte peut se cacher derrière certaines décisions ou des critères qui sont en apparence neutre. Citons, par exemple, l'imposition de certains critères qui n'ont rien à voir directement avec le travail, mais qui peuvent affecter certaines personnes en raison de leur âge et de leurs convictions religieuses. Quant à la discrimination systémique, celle-ci est favorisée par un système ou des habitudes qui sont entrées dans les mœurs. Par exemple, des écarts salariaux entre les emplois traditionnellement occupés par les hommes et ceux habituellement occupés par les femmes.
Par exemple l'interdiction faite aux employées de porter le tikah...
Le management peut imposer certains règlements au travail, mais ils doivent être raisonnables et conformes aux lois de la République. Maurice étant un pays multiracial, on doit aussi veiller à ce que ces règlements ne blessent pas la susceptibilité de certaines religions ou cultures. Parlons du port du tikah. Il est vrai que pour une question d’hygiène, la direction des établissements hôteliers peut l'interdire dans certains endroits, comme la cuisine, mais on peut le porter dans d'autres départements, par exemple à l'accueil. Cela va davantage mettre en exergue la diversité culturelle du pays.
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