Discours à la nation : le «feel-good factor» évoqué par Pravind Jugnauth décrypté

• Faizal Jeerooburkhan : « Il doit pourtant savoir que la situation n’est pas bonne » 

C’est un Pravind Jugnauth qui a semblé résolument optimiste qui s’est adressé à la nation le 1er janvier 2023. Faisant état de quelques indicateurs économiques, il a dit être d’avis que le pays prend enfin un nouveau départ. Son discours aura surtout été marqué par un temps fort en particulier : le « feel-good factor » (voir encadré) qu’il dit avoir constaté chez les Mauriciens en période de fin d’année. 

Une déclaration qui a suscité son lot de commentaires, notamment sur les réseaux sociaux. « Je me demande s’il est vraiment sincère car il doit savoir que la situation n’est pas bonne, que ce soit sur le plan économique, social ou international », affirme Faizal Jeerooburkhan, observateur et représentant de Think Mauritius. Il ajoute que les propos du Premier ministre ne l’étonnent guère. Il est aussi d’avis que les Mauriciens n’y prêteront pas foi. 

Pour Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique, cette affirmation du Premier ministre témoigne de l’état d’esprit de ce gouvernement depuis les élections générales de 2019.  « Pravind Jugnauth est conscient qu’il n’y a que 37 % de la population derrière lui. Il veut donc, contre vents et marrées, créer un ‘feel-good factor’ dans le pays », dit-il. 
L’historien ajoute que c’est surtout à travers le matérialisme que le gouvernement veut insuffler ce « feel-good factor » à travers des allocations financières. « Même si cela implique de puiser dans les réserves et de mener le pays à la catastrophe », dit-il. 

Son de cloche différent pour l’ex-député du Muvman Liberater Ravi Rutnah. « Le ‘feel-good factor’ était très visible en cette fin d’année. Les restaurants étaient bondés. Les centres commerciaux aussi. On voit que le pays respirait enfin après ces années marquées par la pandémie de COVID-19 », affirme-t-il. 

Navin Ramgoolam comme nouvel espoir : un observateur exprime des réserves 

Navin Ramgoolam peut-il incarner le nouvel espoir ? C’est en tout cas l’intention dont il a fait part dans son message adressé à la nation le 1er janvier 2023 (voir encadré). Mais en a-t-il vraiment la capacité ? Faizal Jeerooburkhan, observateur et représentant de Think Mauritius, exprime des réserves. 

« Je comprends son message d’appel à l’unité. Je suis d’accord avec lui lorsqu’il dit que les Mauriciens ne doivent pas être fatalistes. Mais il ne faut pas non plus oublier que Pravind Jugnauth et lui sortent au final du même moule politique. Ils ont la même gestion. Dans le fond, c’est du pareil au même. Le pays peut, après plus de 50 ans d’indépendance, aspirer à une autre personne que Ramgoolam et Jugnauth », explique l’observateur. 

Rien d’étonnant, selon Ravi Rutnah, que Navin Ramgoolam tienne un tel discours. « C’est tout à fait légitime car il est dans l’opposition. C’est donc normal qu’il dresse un tableau aussi alarmiste. » 

Commentant l’appel à l’unité du leader du PTr, il soutient que la solidarité fait partie de l’ADN des Mauriciens. « Nous n’avons pas besoin de politiciens pour savoir que nous devons rester soudés. L’unité mauricienne a été démontrée dans les moments les plus difficiles de notre histoire, notamment pendant la pandémie de COVID-19. »

Le Premier ministre : « Le pays respire et la population est soulagée… » 

C’est un message plus qu’optimiste que Pravind Jugnauth a adressé à la nation le 1er janvier 2023 à l’occasion du Nouvel An. « Azordi nou kapav trouv enn ‘feel-good factor’ partou », a-t-il dit plus exactement. Il a salué la résilience du peuple qui a, selon lui, permis au pays de résister aux secousses qui ont affecté le monde entier, et ce, bien que 2022 ait été une année très difficile. 

« Après trois ans de défis pour des raisons que vous savez, le pays respire et la population est soulagée… Nous reprenons le chemin de la prospérité. Nous poursuivons notre développement. Lorsque nous unissons nos forces, nous pouvons traverser des crises et en sortir encore plus forts », a fait ressortir le chef du gouvernement. 

Il a évoqué des indicateurs économiques qui démontrent, selon lui, des signes de reprise. « La croissance s’est bien améliorée. Nous sommes passés d’un taux de 3,7 % pour franchir la barre des 7 %. Le nombre de touristes que nous accueillons a non seulement permis la reprise dans les hôtels, mais cela a aussi fait du bien aux autres opérateurs liés au secteur du tourisme », a-t-il déclaré. 

Pravind Jugnauth a félicité les artistes, les beach hawkers, les chauffeurs de taxi, les restaurateurs et les artisans locaux pour leur persévérance. Autre signe qui permet au Premier ministre d’être optimiste : la reprise des secteurs de l’ICT, du seafood et des services financiers. 

Le chef du gouvernement s’est cependant dit conscient de la cherté de la vie et de son impact sur le quotidien des Mauriciens. « Ces hausses de prix sont toutefois arrivées dans un contexte de crise internationale. Plusieurs facteurs étaient hors de notre contrôle », a-t-il insisté. 

Il a fait état des efforts de son gouvernement afin de soutenir les Mauriciens après la baisse de leur pouvoir d’achat. « Dans le dernier Budget, nous avons accordé une allocation de Rs 1 000 à tous les travailleurs qui touchent moins de Rs 50 000 par mois. Nous avons d’ailleurs donné Rs 2 000 en décembre. À partir de ce mois (fin janvier ; NdlR), tous les salariés auront droit à une compensation de Rs 1 000. » 

Pravind Jugnauth a rappelé que son gouvernement a augmenté la subvention sur le gaz ménager, l’huile, la farine, le lait et le riz afin de maintenir les prix à un certain niveau. Pour ce qui est de la sécheresse, il a fait remarquer qu’il s’agit du sixième mois de décembre le plus sec de l’histoire de Maurice. « Je lance un appel à tous pour que nous économisions l’eau. » 

Sur le plan politique, il a réitéré son intention et celle de son gouvernement de compléter leur mandat. « En 2019, la population a fait confiance à mon équipe pour cinq ans. Je le redis : je ne trahirai pas cette confiance. Mon gouvernement et moi compléterons notre mandat. Nous respecterons les engagements que nous avons pris de manière responsable ‘sans vann rev a la popilasion’. »