Tous les foyers ne sont pas connectés au réseau électrique. À l’exemple de cette famille qui compte deux enfants et qui vit sans électricité depuis cinq ans.
Nos grands-parents ne disposaient pas toujours d’électricité courante. Le soir, ils vivaient à la lumière des lampes à huile ou de pétrole. Même les bougies n’étaient pas très courantes. Est-ce nécessaire de mentionner qu’on ne connaissait pas encore cette profusion d’appareils électriques ou électroniques comme c’est le cas de nos jours ? Et les appareils qui existaient déjà n’étaient pas toujours à la portée des familles de la classe moyenne, encore moins des familles pauvres.
Publicité
Aujourd’hui, en 2018, la quasi-totalité de la population est connectée au réseau du Central Electricity Board (CEB). Sur le toit des bicoques des squatters, on trouve des antennes paraboliques. À l’intérieur, des appareils sonores diffusent des ségas et autres chansons à pleins décibels. Ce qui prouve qu’elles sont pourvues d’électricité.
Mes enfants ne connaissent pas la joie propre aux autres enfants de leur âge.
50 ans après l’Indépendance, le pays a beaucoup progressé. Rares sont les foyers qui ne disposent pas d’un téléviseur ou d’un réfrigérateur. L’Internet est de plus en plus accessible. Bien calé dans son fauteuil, on peut zapper à loisir pour trouver quelque chose à son goût. Ou surfer pendant des heures sur les réseaux sociaux pour savoir ce qui se passe dans le monde, regarder des émissions télévisées et des films à l’aide de son smartphone, sa tablette ou autre support.
De nos jours, certaines firmes et autres particuliers disposent de panneaux photovoltaïques sur le toit de leurs bâtiments pour produire leur électricité. Tout ceci pour dire que l’électricité courante n’est pas un problème à Maurice, contrairement à beaucoup de pays du continent africain. Et pourtant…
Noir, c’est noir
Et pourtant, il y a toujours des familles qui vivent sans électricité. Et en plein centre de Port-Louis. Patrice, 31 ans, et sa femme Véronique Anne-Marie, 31 ans, vivent avec leurs deux enfants, âgés de 12 et 7 ans, sans électricité depuis cinq ans. Ce n’est pas possible, dites-vous ? Allez à la rue Falcon, La Butte, et vous constaterez de vos propres yeux dans quelles conditions vit cette famille et si la bicoque en béton et en tôle est pourvue d’électricité.
Autrefois, la maison était connectée au réseau électrique, mais le CEB a préféré la déconnecter par mesure de précaution. « On m’a dit que la maison est trop délabrée (rappelons que ces maisons datent de plus de 50 ans) pour qu’elle soit connectée au réseau électrique. Lorsqu’il pleut, elle coule comme un panier percé. Donc, soit nous déménageons, soit nous nous contentons de la lumière des bougies ou autres », dit Véronique Anne-Marie, qui a choisi la deuxième option parce que ce n’est pas facile pour elle de trouver une autre maison. Son mari est maçon alors qu’elle est bonne à tout faire à temps partiel.
Des enfants privés de plaisirs simples
Les deux enfants du couple, Anastasia et Aaron, ne connaissent pas les plaisirs accessibles aux enfants qui vivent dans une maison pourvue d’électricité. Pas de télévision pour regarder des dessins animés alors qu’ils sont en vacances. Imaginez-les le soir dans une maison où il fait noir… Ils n’ont presqu’aucune distraction. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire sinon se mettre au lit une fois après avoir dîné ?
Dans les temps anciens, au sein des familles pauvres, les enfants se regroupaient sur le lit autour de leur père qui leur racontait des histoires de Ti-Jean. On voit mal Patrice raconter des histoires tous les soirs à ceux qui ne sont pas d’ailleurs ses propres enfants, d’autant qu’il est crevé après une dure journée de travail. Véronique Anne-Marie confie qu’une fois la porte fermée, tout le monde s’installe sur deux matelas posés à même le sol pour s’endormir. Bonsoir, la promiscuité !
« Mes enfants ne connaissent pas la joie propre aux autres enfants de leur âge. Pour qu’ils puissent regarder des dessins animés, je les emmène dans des lieux publics, là où il y a un téléviseur. Comme à l’hôpital, par exemple », explique la jeune maman. Ainsi, actuellement, elle se rend à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo chaque matin, vers 9 heures. Ils y restent jusqu’à midi. « C’est la seule distraction que je puisse leur offrir », dit-elle avec un gros regret dans la voix.
Anastasia est en Grade 7 (Form I). Si elle n’a pas d’électricité chez elle, comment fait sa maman pour repasser son uniforme ? Comment fait-elle pour ses devoirs et étudier le soir ? « Elle doit tout faire quand il fait encore jour… », répond la maman.
Malheureuse dès sa naissance
L’histoire de la vie même de Véronique Anne-Marie est dramatique. Cela dès sa naissance. Ses parents l'ont rejetée et c’est l’état civil qui l’a déclarée. Elle dit n’avoir jamais connu son père et sa mère. Elle a été prise en charge par certains proches, mais on n’a pas voulu la garder pendant trop longtemps. Tantôt elle a habité ici, tantôt là-bas.
Elle n’est allée à l’école que jusqu’au Grade 3 (troisième). À l’âge de 17 ans, elle a trouvé du travail dans une usine. À 19 ans, elle a fait la connaissance de quelqu’un, ils se sont mariés et ont eu deux enfants. Toutefois, leur union n’a pas duré. L’homme était violent et Véronique Anne-Marie a préféré divorcer pour se protéger ainsi que ses enfants.
Toutefois, quand elle a rencontré Patrice et s’est remariée avec lui, Véronique Anne-Marie ne savait pas qu’il vivait dans une maison dépourvue d’électricité.
L’histoire se répète
Pour Véronique Anne-Marie, l’histoire se répète. Quand elle était enfant, elle devait se rendre chez des voisins pour regarder la télévision… à travers la fenêtre. « Aujourd’hui, mes enfants vivent la même histoire. Les voisins ne les laissent pas entrer chez eux. Bon, rien ne les oblige, mais n’empêche que tout cela me fait très mal en tant que mère. » Pour faire plaisir à ses enfants, elle aurait aimé disposer d’un générateur et, par ricochet, d’un téléviseur. Mais c’est un rêve impossible pour elle.
Redisons-le : la maison ne peut être connectée au réseau électrique par mesure de sécurité. Pour qu’on puisse le faire, il faut d’abord sécuriser la bâtisse. Véronique Anne-Marie lance donc un appel pour obtenir des feuilles de tôle afin de remplacer celles pourries qui recouvrent le toit. Si quelqu’un a un vieux téléviseur dont il aimerait bien se débarrasser, cela ferait tellement plaisir à cette famille…
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !