En vue d’abroger la Computer Misuse and Cybercrime Act et la remplacer par une nouvelle législation, le Cybersecurity and Cybercrime Bill a été introduit au parlement, mardi dernier. Ce projet de loi interpelle plus d’un et suscite des commentaires. Certains pensent que c’est une façon déguisée de filtrer les contenus sur les réseaux sociaux.
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Faux profils, fraude, extorsion, cyberharcèlement… Le gouvernement propose un nouvel arsenal légal et des sanctions plus sévères à travers le projet de loi sur la cybersécurité et la cybercriminalité qui sera débattu à partir du 9 novembre prochain. Pas moins de 11 nouvelles infractions sont définies dans ce projet de loi. Il s’agit de durcir les peines pour les délits qui se multiplient sur Internet, plus particulièrement sur les réseaux sociaux. Les contrevenants risquent jusqu’à 20 ans de prison.
L’opposition monte au créneau et parle d’une « atteinte à la liberté ». Paul Bérenger déclare que « cette loi est pire que la Computer Misuse and Cybercrime Act ». Roshi Bhadain pense, lui, que « le gouvernement présente cette loi pour imposer le contrôle sur les contenus sur les réseaux sociaux, pouvant sanctionner à tort ou à raison ». Pour d’autres, « c’est une façon déguisée de filtrer les contenus sur les réseaux sociaux », surtout que le Consultation Paper de l’Icta à ce propos n’avait pas été approuvé.
Dr Didier Samfat, expert en informatique et cybersécurité, estime que c’est une bonne chose de venir avec une nouvelle loi. « Depuis la Covid-19, les services en ligne prennent de l’ampleur. On doit protéger la population des hackers et des actions malveillantes sur Internet », avance-t-il, ajoutant que cette nouvelle loi a ses points forts, comme ses points faibles, dont le fait qu’on ne vise pas les hackers à l’étranger, on ne prend pas en compte le sabotage interne, entre autres.
Ce qui le fait tiquer est la section 23 (Failure to Moderate Undesirable Content). « Cela concerne les médias qui seront responsables s’ils n’arrivent pas à gérer des contenus. C’est bloquer les journalistes dans leur travail. Je comprends le besoin de modérer des contenus pour qu’il n’y ait pas de diffamation, mais je pense que cela doit être une loi à part entière avec toutes les parties prenantes qui donnent leurs points de vue. Le filtrage n’a pas sa raison d’être dans une loi sur la cybercriminalité. Deux paragraphes ont été parachutés sans qu’ils ne soient en ligne avec ce qui a été écrit avant », pense Dr Didier Samfat.
Durcissement de l’ancienne loi
Le chargé de cours en droit, Rajen Nursinghen affirme, lui, que cette loi est « un durcissement » de l’ancienne. Il estime que le gouvernement a essayé d’introduire « subtilement » le filtrage des contenus qui a été rejeté quelques mois de cela. « Ce qui est encore plus grave, c’est qu’on souhaite mettre sur pied un comité composé d’une douzaine de personnes, avec le Premier ministre qui aura la mainmise. Ce qui est contradictoire à la Convention de Budapest en sus d’être antidémocratique, tout comme la modération des contenus par les médias qui est une atteinte à la liberté de la presse », lance-t-il.
Le lecturer met aussi l’accent sur le mot « harm » dont la définition reste « vaste ». Selon lui, les pénalités vont jusqu’à Rs 1 million ou une peine d’emprisonnement de 20 ans pour certains délits. « Il y a des atteintes à plusieurs sections de la Constitution qui sont inacceptables », est d’avis Rajen Nursinghen.
L’expert en informatique, Ish Sookun, précise lui que l’article 29 traite la collecte en temps réel des données de trafic. Cela signifie que dès que la police aura obtenu un ordre de la Cour, elle peut obliger un fournisseur de services à enregistrer les appels téléphoniques en temps réel, les Sms, le trafic Internet, etc. « Ce n’est pas la même chose que le décryptage du trafic Https proposé par l’Icta », indique-t-il.
Il poursuit que la collecte en temps réel des données de trafic est déjà possible en vertu de la loi actuelle sur l’utilisation abusive des ordinateurs et la cybercriminalité. « L’article 30 obligera un fournisseur de services à donner à la police l’accès aux données stockées. Cela concerne les fichiers journaux, les données de courrier électronique, si le courrier électronique est hébergé par le fournisseur de services », soutient Ish Sookun.
Cependant, à ses dires, ce qui a été ajouté à la législation, c’est la partie qui empêche le fournisseur de services d’informer son client que la police a accédé à ses données. « Cette partie est nouvelle et envoie des signaux dangereux aux entreprises. Par exemple, les données de courrier électronique d’une entreprise peuvent être consultées et examinées sur un ordre de la cour sans que l’entreprise ne sache que la police regarde dans ses courriers électroniques », met-il l’accent.
Deepak Balgobin : « Pas de temps à perdre »
Le ministre des TIC, Deepak Balgobin réplique à ceux qui parlent d’une atteinte à la liberté. « Je n’ai pas de temps à perdre avec les démagogies. Nous travaillons dans l’intérêt de la population afin de protéger notre peuple du cybercrime », lance-t-il. Contacté, Dick Ng Sui Wa, Chairman de l’Information and Communication Technologies, dira que son organisme « n’est pas concerné», avant de lancer : « L’opposition demandait un projet de loi pour pouvoir en débattre au parlement. Ils pourront le faire ».
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