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Crise sociale à La Réunion : des Mauriciens racontent la situation chaotique

Crise sociale à La Réunion

Route barrée provoquant des heures d’embouteillage, pénurie d’aliments et de carburant, pillage, vol, incendie de commerces et de véhicules, jets de galets et de projectiles sur les forces de l’ordre, bombes lacrymogènes lancées sur les manifestants... la situation à La Réunion va de mal en pis.

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Depuis le 17 novembre, l’île sœur a basculé dans une véritable crise sociale, à cause de la cherté de la vie et de la perte du pouvoir d’achat. L’économie au point mort, les habitants vivent au ralenti.

Pour de nombreux Réunionnais et Mauriciens subissant cette détresse sociale, la pénurie de denrées de base se fait sentir. « Nous n’avons pas de riz, pas de nourriture, pas de gaz ménager. On ne peut plus aller au travail, car les routes sont barrées. On n’a plus d’entrée d’argent », explique une habitante du sud de l’île.

Ces propos décrivent le quotidien de nombreux Réunionnais depuis maintenant deux semaines. Même situation difficile pour une Mauricienne établie dans l’ouest du pays depuis quatre ans. « Pour se ravitailler en provisions, c’est la galère. Les supermarchés sont vides ; le lait et les couches pour enfants sont difficiles à trouver. C’est inquiétant », relate Jessie, mère de famille établie chez nos voisins depuis quatre ans.

À ce jour, la tension demeure toujours palpable dans le pays. Les protestations, menées par le mouvement des gilets jaunes, ne faiblissent pas. Cette semaine encore, plusieurs barrages routiers ont été érigés à travers l’île. Les manifestants ont principalement barré la voie publique à divers points stratégiques du pays, notamment au rond-point de l’aéroport de Gillot, et dans les centre-villes de Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-André, Saint-Paul, Saint-Louis, Le Tampon, Saint-Joseph.

Conséquence de ces routes barrées, de longues heures d’embouteillage sur le réseau routier à travers le pays. Écoles et entreprises fermées. De nombreux habitants parviennent difficilement à se rendre sur leur lieu de travail. Rien ne va plus dans ce département français. Au sein des familles, les sorties deviennent de plus en plus rares.

C’est surtout pour les enfants que c’est dur. Ils ne comprennent pas forcément la situation ; ils comprennent juste qu’il y a beaucoup de tension. « Ma petite de trois ans m’a demandé ce matin pourquoi les gens voulaient nous faire peur et si on ne pourrait plus jamais sortir », poursuit Jessie.

Elle fait observer que les enfants sont de plus en plus angoissés. Surtout que les établissements scolaires sont restés fermés pendant plusieurs jours. « Ça fait vraiment mal, en temps que parent, de voir une enfant de trois ans s’inquiéter. Elle croit qu’elle ne va plus revoir son école et ses copines », avance Jessie.

Une des principales causes de ces protestations est la cherté de la vie. Les manifestants font ressortir que la vie coûte plus cher à La Reunion qu’en France. Cet avis est partagé par notre compatriote Ismael, qui travaille à l’île sœur depuis une dizaine d’années.

« 40 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté et les inégalités salariales sont plus importantes que dans l’Hexagone. Le niveau de vie est 30 % inférieur à celui de la Métropole. Les produits de consommation sont en moyenne 10,6 % plus chers que dans l’Hexagone. La vie est chère. »

La circulation routière est toujours au ralenti avec la présence de plusieurs barrages dans l’île. « Les gilets jaunes ont imposé des barrages filtrants. Ils laissent passer en priorité des véhicules d’urgence uniquement, comme les ambulances et les véhicules transportant des enfants. Ils débloquent la route et laissent traverser un flot de véhicules de temps en temps avant d’obstruer à nouveau la route », relate Pascaline, une Réunionnaise révoltée.

« On comprend leurs revendications, mais cela nous pénalise dans nos tâches quotidiennes avec de longues heures de retard. C’est le peuple qui paie les conséquences », estime-t-elle.

Avec les routes barrées, les commerces n’ont pu s’approvisionner en nourriture. À cause des vols, les supermarchés sont restés fermés. Résultat, la population se plaint d’une pénurie d’aliments et d’autres commodités nécessaires. « Je me retrouve sans lait pour mon marmaille (enfant) d’un an. à la boutique, il n’y a plus rien à acheter », dit une mère de famille sur les ondes de Radio Freedom.

Devant cette situation de paralysie totale, de nombreuses stations-services se sont retrouvées en manque de carburant et de gaz ménager. Aux abords des stations-services, de longues files d’attente. Le trafic aérien a aussi été affecté, avec d’importants chamboulements. Plusieurs vols ont ainsi été annulés ou reprogrammés.

Outre les actions pacifiques des gilets jaunes, l’île a aussi été le théâtre des scènes de violence dans diverses communes à la tombée de la nuit. Des jeunes âgés de 12 à 16 ans ont dégradé des biens publics et privés. De violents affrontements dans diverses régions de l’île les ont opposés aux forces de l’ordre.

Escalade de la violence

Des dégâts conséquents ont été enregistrés dans la région du Port, avec l’incendie d’un point de vente de la chaîne de restauration McDonald’s et d’un showroom du concessionnaire Peugeot, où 70 voitures sont parties en fumée. Cette escalade de la violence s’est répandue à plusieurs communes, où de nombreux commerces ont été cambriolés, pillés et incendiés.

Sur la voie publique à Saint-Denis, plusieurs voitures ont été incendiées. Sur la route, des jeunes ont aussi érigé des barrages pour réclamer de l’argent aux automobilistes en échange du droit de passage. « Ils avaient des cagoules et des morceaux de bois à la main. Ils nous ont réclamé de l’argent, notamment deux euros comme laissez-passer. Des personnes se trouvant sur un camion de fruits et légumes leur ont offert des fruits, mais très vite, ils ont pris d’assaut le camion pour voler toute la marchandise », raconte un automobiliste sur Freedom Réunion.  

Face à cette situation de plus en plus chaotique, un couvre-feu a été instauré pendant plusieurs jours dans différentes régions du pays, de 21 heures à 6 heures. Pour aider la police locale dans sa tâche, d’importants contingents de l’armée provenant de Mayotte et de France sont arrivés en urgence dans l’île.

Malgré la présence de cet important dispositif policier, la situation reste toujours tendue. À La Possession, la situation a dégénéré en milieu de la semaine écoulée, soit à la veille de l’arrivée d’Annick Girandin, ministre des Outre-mer dépêchée par la France pour décanter la situation à l’île sœur. Des manifestants et des habitants affirment avoir été attaqués au gaz lacrymogène.

« On nous a bombardés avec du gaz lacrymogène », a indiqué une habitante de cette commune sur les ondes de Radio Freedom mardi soir. « Même la mairesse de La Possession, Vanessa Miranville, a critiqué cette intervention musclée de la police. Ce soir (NDLR. Mardi), j’ai été sur les lieux des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. J’ai pu constater la violence de la situation avec d’un côté, des tirs de bombes lacrymogènes qui nous piquaient la gorge et les yeux, et de l’autre côté, des jets de cailloux. J’ai pu y voir la présence d’enfants, de femmes, la panique, les cris, les pleurs, les voitures qui commençaient à faire demi-tour sur la route du littoral avec des conducteurs pris de panique… C’était une scène d’apocalypse », relate-t-elle sur sa page Facebook.

Arrestations et condamnations pour violence et vol

reunion

À la suite des scènes de violence et de pillage dans l’île, la gendarmerie a procédé à plusieurs arrestations et interpellations. Deux jeunes qui avaient attaqué la gendarmerie, alors que le couvre-feu était en vigueur, ont été jugés et condamnés devant le tribunal de Champ-Fleuri. Le premier a été condamné à 15 mois de prison et l’autre à cinq mois de prison. À Saint-Pierre, un jeune a écopé de 12 mois de prison, tandis que d’autres jeunes ont, eux, été condamnés à six mois de prison pour des scènes de violence. Au total, plus d’une centaine de personnes ont été interpellées. Les policiers et militaires comptent des blessés dans leurs rangs.

La ministre des Outre-mer enclenche le dialogue

annickLa ministre des Outre-mer, Annick Girandin, est arrivée à l’île sœur le mercredi 28 novembre. Elle a rencontré plusieurs représentants des gilets jaunes et aussi des manifestants pour écouter leurs doléances. La ministre a, entre autres, annoncé plus de transparence sur les revenus alloués à La Réunion.

 

 

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