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Création de la Financial Crime Commission : enjeux, pouvoirs et préoccupations constitutionnels 

La superstructure qui remplacera diverses institutions comme l’Icac fait débat.

l Xavier-Luc Duval : « Le projet de loi est un acte de corruption en lui-même »

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La création imminente de la Financial Crime Commission est au cœur des débats, marquée d’une part par la volonté du gouvernement de redynamiser la lutte contre la fraude, la corruption, et la criminalité financière, mais suscitant d’autre part des inquiétudes quant aux pouvoirs constitutionnels considérables qui seront conférés à un nominé politique.

Malgré le tollé suscité par le projet de loi sur la Financial Crime Commission (FCC), du côté du gouvernement, on est persuadé du bien-fondé de cette loi. Selon des sources proches de l’Hôtel du gouvernement, cette législation s’inscrit dans une logique de procéder à de nouvelles réformes visant à améliorer la lutte contre le crime financier à Maurice. « Avec l’ampleur que prend le crime financier, surtout avec le financement de plusieurs activités illicites, dont le trafic de drogue ou le trafic humain à Maurice, il est fondamental que l’institution, en passe d’être créée, soit bien équipée légalement afin de pouvoir mettre à mal tout le réseau du crime financier à Maurice », y laisse-t-on entendre.

La nouvelle Commission devrait-elle bénéficier des mêmes pouvoirs que ceux accordés à des postes constitutionnels comme le Directeur des poursuites p ubliques (DPP) ou encore le Commissaire de Police (CP) ? On répond que diverses institutions, dont l’Independent Commission against Corruption (Icac) ou la Financial Intelligence Unit (FIU), ont été confrontées à des revers en raison d’un manque d’équipement suffisant. Avec l’entrée en vigueur de la Financial Crime Commission Act, l’agence principale sera autorisée à suivre une affaire liée à la corruption et au crime financier de A à Z. Cela inclut le commencement d’une enquête avec de nouveaux pouvoirs, comme la capacité de rassembler des preuves, notamment à travers la surveillance et les écoutes téléphoniques, entre autres. Aussi, avec la nouvelle capacité d’engager des poursuites contre un suspect, le gouvernement ainsi que le Bureau du Premier ministre s’attendent à de meilleurs résultats en cour, avec des condamnations plus sévères. 

Nos sources à l’Hôtel du gouvernement n’hésitent pas à souligner que l’Icac a souvent dû se contenter de condamnations dans des petits cas de corruption, dont des pots-de-vin de Rs 200, tandis que l’impression est que, concernant les affaires de haut profil, elle n’a jamais été capable d’appréhender un gros requin de la corruption et du crime financier. 

Nouvelles unités et supers pouvoirs au DG

La Financial Crime Commission Act, qui sera présentée en première lecture, prévoit une série de dispositions. Avec la création de diverses unités et divisions à la FCC, les autorités s’attendent à ce que ceux impliqués dans la lutte contre le crime à col blanc soient mieux préparés. À titre d’exemple, avec la création de la Financial Crimes Investigation Unit, la Financing of Drug Dealing Investigation Unit ou encore de l’Asset Recovery Unit de l’Asset Recovery and Management Division, l’on s’attend à mieux  détecter et d’enquêter sur les crimes financiers et autres infractions ; à mieux récupérer et gérer des actifs considérés comme des produits ou des instruments, y compris les biens liés au terrorisme et à assurer une meilleure surveillance des actifs et passifs de toute personne faisant l’objet d’une enquête en vertu de la loi sur la Declaration of Assets.

Ces unités spécialisées confèrent à la Commission une approche complète pour lutter contre diverses formes de criminalité financière, consolidant ainsi son rôle en tant que rempart crucial dans la préservation de l’intégrité financière du pays. La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions promet une action plus efficace et ciblée dans la poursuite des criminels financiers à Maurice.

Au-delà de la création de cette institution, c’est la personne qui occupera le poste de directeur de la Commission qui semble détenir les rênes du pouvoir. D’importants amendements sont apportés à des lois existantes (Criminal Appeal Act ; Bail Act), conférant ainsi des pouvoirs constitutionnels à une seule personne.  L’un des changements significatifs est observé dans la modification de la Criminal Appeal Act à l’article 2, où la définition de « l’appelant » inclut désormais le « directeur général » en sus du « Directeur des poursuites publiques ». Cette révision permet au directeur de la Commission d’engager des poursuites pénales conformément à la FCC Act.

Liberté de poursuites

Un autre aspect crucial réside dans les pouvoirs accordés au directeur général. Lorsqu’il est convaincu qu’une personne interfère avec un témoin potentiel, détruit ou a l’intention de détruire des preuves, la Commission peut donner des instructions écrites pour son arrestation. Cette démarche est soutenue par des amendements à la Bail Act, conférant ainsi une autorité constitutionnelle à une seule personne pour engager des poursuites.

Une réforme notable concerne également le processus de perquisition. Si le directeur général a des raisons valables de soupçonner la présence d’éléments de preuve en dehors des lieux spécifiés, il peut émettre un mandat autorisant un agent à entrer et fouiller ces locaux à tout moment raisonnable.

En ce qui concerne la saisie de biens liés à une infraction, le directeur général est habilité à agir s’il est convaincu de la connexion entre un bien et une infraction. Une liste des biens saisis sera consignée, et une copie remise à la personne concernée. La garde sera confiée à une personne désignée par le directeur général.

Méfiance et préoccupations de l’opposition

Cependant, alors que le gouvernement reste confiant dans la légitimité de la loi sur la Financial Crime Commission, des préoccupations émergent du côté des experts juridiques et des observateurs démocratiques. Ces derniers expriment des inquiétudes concernant la création de cette commission, la jugeant dotée de pouvoirs excessifs.

Une des principaux griefs découle du manque d’attention et de préoccupations du gouvernement face aux changements substantiels que cette loi introduira une fois adoptée par le Parlement. Les experts soulignent notamment l’absence d’une vigilance suffisante quant à la concentration de pouvoirs prévue.

Le projet de loi suscite une inquiétude particulière en raison de son approbation par une majorité simple au Parlement. Cette méthode, bien que courante, soulève des questions majeures en raison de l’impact substantiel du projet sur des éléments cruciaux de la Constitution. La crainte principale réside dans le fait que des pouvoirs significatifs soient conférés à un simple nominé politique.
Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition, exprime des inquiétudes concernant le projet de loi sur la FCC. « Le projet de loi lui-même peut être interprété comme un acte de corruption. Cette loi pourra permettre au Premier ministre de choisir le directeur général et de décider de sa rémunération, sans véritable consultation significative avec le leader de l’opposition », déplore-t-il . D’ajouter qu’une loi aussi cruciale ne devrait pas permettre au gouvernement de sélectionner un directeur général pour mener la lutte contre la fraude, la corruption et d’autres crimes financiers. 

Xavier-Luc Duval souligne que les pratiques internationales exemplaires ne permettent pas de conférer à une seule personne le pouvoir d’enquêter et d’initier des poursuites. « Cette concentration de pouvoirs crée un risque évident d’abus ». S’exprimant sur les dispositions de la loi concernant le DPP, il fait remarquer que le rôle du DPP est complètement passif, car la loi ne lui accorde pas le pouvoir d’initier des poursuites.

L’avocat Penny Hack rejoint les critiques en qualifiant le projet de loi de « titanesque abomination ». Il évoque « la complexité et la lourdeur de la loi », la rendant « pratiquement ingérable dans la réalité ». « J’ai beaucoup d’appréhensions. La complexité administrative inhérente à la loi pourrait entraîner des défis majeurs dans l’application pratique », dit-il.  

Le projet de loi suscite aussi des questions constitutionnelles cruciales, notamment en ce qui concerne la protection des droits des accusés. L’avocat soulève un point d’inquiétude majeur : « Dans le cadre des enquêtes sur les crimes financiers ou de corruption, un suspect pourrait être directement conduit devant la Commission qui serait alors responsable de décider, de manière autonome, s’il convient d’engager des poursuites pénales ». Cela soulève des « préoccupations sérieuses quant aux droits et à la protection constitutionnels d’un accusé ». « Traditionnellement, un suspect faisait face à un interrogatoire, puis était présenté devant un tribunal. Avec cette loi, la Commission pourrait exercer un pouvoir quasi-judiciaire, décidant elle-même de la nécessité d’un procès », dit l’homme de loi.

  • defimoteur

     

 

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