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Coût de la vie : inflation en recul, mais un panier ménager toujours sous tension

Prévisions en baisse : un décalage qui pourrait interpeler les ménages.

La Banque de Maurice abaisse ses prévisions d’inflation pour 2025 et 2026. Malgré ce recul attendu, les économistes et consommateurs soulignent que le coût de la vie demeure une préoccupation majeure.

La conférence de presse tenue à l’issue du Comité de politique monétaire a permis à la gouverneure de la Banque de Maurice, Priscilla Muthoora Thakoor de dresser un panorama de la situation inflationniste internationale et locale. Elle a décrit un environnement extérieur marqué par des trajectoires distinctes selon les partenaires commerciaux du pays. Un contexte qui continue d’influencer l’évolution des prix à Maurice.

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Selon la gouverneure, l’inflation dans plusieurs économies avancées reste alimentée par la persistance des hausses dans les services et par des signes de répercussion progressive des mesures tarifaires sur les prix. Cette tendance contraste avec celle observée dans un certain nombre d’économies émergentes. La Chine a enregistré une déflation pour le deuxième mois consécutif en septembre 2025, tandis que l’inflation en Inde a reculé après la baisse notable des prix des denrées alimentaires. Cette dynamique illustre, selon la Banque, un environnement mondial fragmenté, dans lequel les sources de pressions inflationnistes diffèrent d’une région à l’autre.

La gouverneure a néanmoins insisté sur un ensemble de risques orientés à la hausse. Elle a cité en premier lieu une possible augmentation des droits de douane bilatéraux, susceptibles d’influencer les prix des marchandises et de perturber les chaînes d’approvisionnement. À cela s’ajoute une montée des tensions géopolitiques dans certaines régions productrices de pétrole, qui pourrait affecter l’offre mondiale d’énergie et entraîner une hausse des cours. 

Elle a également indiqué que l’essor continu du secteur technologique, en stimulant la demande, peut contribuer à générer des pressions additionnelles. En contrepartie, une baisse éventuelle des prix du pétrole brut, liée à une augmentation des quotas de production de l’OPEP+, pourrait atténuer certaines tensions.

Concernant Maurice, Priscilla Muthoora Thakoor a souligné que l’inflation globale a suivi une tendance ascendante en octobre 2025. Cette progression est principalement attribuable au poste « transports », sous l’effet de l’augmentation des taxes sur les voitures. Les catégories « assurances et services financiers », « santé » ainsi que « services de restauration et d’hébergement » ont également contribué à cette évolution.

Toutefois, l’inflation en glissement annuel a ralenti grâce aux subventions gouvernementales appliquées à plusieurs produits alimentaires de base, ce qui a limité la hausse pour certains ménages. Les mesures d’inflation sous-jacente montrent pour leur part une progression, notamment en raison de l’augmentation des coûts des services.

Selon les projections mises à jour par la Banque de Maurice, l’inflation globale pour 2025 devrait s’établir autour de 3,7 %, soit une révision à la baisse par rapport à la projection précédente de 4 %. Ce nouvel ajustement s’appuie sur des cours relativement stables des matières premières, un ralentissement de l’inflation dans plusieurs pays partenaires et une diminution récente des prix du pétrole sur le marché local. 

Pour 2026, la Banque prévoit une inflation proche de 3,6 %, ce qui traduirait une convergence vers le point médian de sa fourchette cible. Cette évolution dépend toutefois des tendances internationales, notamment de la situation des prix du pétrole et des denrées alimentaires.

La gouverneure a rappelé que les perspectives locales restent exposées à des risques extérieurs. Elle a mentionné les droits de douane imposés par les États-Unis, susceptibles de se répercuter sur les prix des produits importés. Elle a aussi évoqué l’effet potentiel des tensions géopolitiques sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, un facteur pouvant accentuer les pressions inflationnistes. 

Compte tenu de la dépendance de Maurice vis-à-vis des biens essentiels venant de l’étranger, la hausse des prix importés demeure une préoccupation. Par ailleurs, les aléas climatiques, plus fréquents ces dernières années, génèrent des chocs imprévisibles sur l’offre agricole, avec des conséquences possibles sur les prix alimentaires.

Réalité locale

Comment dresser un parallèle avec la réalité des Mauriciens ? Certains citoyens ont du mal à concilier une révision à la baisse des prévisions d’inflation avec un coût de la vie qui semble toujours élevé.

L’économiste Bhavish Jugurnath apporte un éclairage utile pour comprendre cette apparente contradiction. Il explique que l’inflation mesure la vitesse d’augmentation des prix, et non leur niveau absolu. Ainsi, un taux en recul ne signifie pas une baisse des prix, mais un ralentissement du rythme de progression. Les ménages peuvent donc continuer à ressentir une pression financière même si l’indice global évolue à un rythme moins soutenu.

Selon lui, cette modération résulte de plusieurs facteurs. Les prix internationaux du pétrole, du blé, du riz et d’autres matières premières montrent des signes de stabilisation après une période de fluctuations. Les coûts du fret et du transport se sont normalisés après les perturbations liées à la pandémie. La roupie mauricienne, relativement stable ces derniers mois, contribue à limiter l’impact de l’inflation importée. La politique monétaire plus prudente de la Banque de Maurice participe également à contenir les pressions.

L’économiste Chandan Jankee partage une analyse similaire. Il rappelle que le taux d’inflation reflète l’évolution du niveau général des prix, calculée à partir d’un panier de biens et de services. Une diminution du taux ne signifie pas une déflation, mais un ralentissement du rythme d’augmentation. Les prix de certains produits peuvent baisser alors que d’autres, comme les services médicaux ou les restaurations, peuvent poursuivre leur ascension. 

Il considère que la réduction des prévisions d’inflation pour 2025 et 2026 reflète en partie une activité économique moins dynamique. Selon lui, une croissance plus faible a diminué la demande globale et entraîné une modération mécaniste de l’inflation.

Un autre point de vue est apporté par Suttyhudeo Tengur, président de l’Association de la Protection de l’Environnement et des Consommateurs. Il note que la révision à la baisse de la prévision d’inflation pour 2025, de 4 % à 3,7 %, repose sur des considérations macroéconomiques plutôt que sur une observation directe des prix constatés en magasin. Maurice dépend largement des importations pour ses biens essentiels. Lorsque les prix mondiaux du pétrole, du blé ou du transport maritime se stabilisent ou reculent, la pression future sur l’indice diminue, même si l’effet n’est pas immédiatement perceptible pour les consommateurs.

Il souligne également l’impact des subventions publiques, notamment sur le pain, la farine ou le lait. L’utilisation du Price Stabilisation Fund contribue à limiter mécaniquement la progression de l’indice des prix, sans pour autant générer une baisse immédiate et concrète pour les ménages. Il rappelle que 2024 a été marquée par un niveau de prix déjà élevé. L’évolution en 2025 est donc calculée à partir d’une base plus haute, ce qui explique en partie le ralentissement arithmétique de l’inflation.

Faut-il s’attendre à une inflation plus élevée ?

Du point de vue du consommateur, Suttyhudeo Tengur pense que ce sera le cas.  « Le ressenti d’inflation est souvent supérieur à l’inflation mesurée, pour plusieurs raisons notamment les hausses concernent des produits visibles et essentiels. Le carburant, les légumes, les fruits, les services médicaux, les transports et les loisirs : ces postes pèsent lourd dans les dépenses des ménages, mais leur poids dans l’indice global est parfois moindre », dit-il.  

Par ailleurs, il avance que les prix ne redescendent presque jamais. « Une inflation ‘ralentie’ ne signifie pas une baisse des prix. Si les prix ont déjà augmenté de 8 % en 2024, une hausse supplémentaire de 3,7 % en 2025 aggrave encore le coût de la vie », soutient-il. 

En outre, il avance que les salaires suivent difficilement. « Le pouvoir d’achat dépend du rapport entre la hausse des revenus et l’inflation. Or, les salaires nominaux progressent souvent plus lentement que les prix », affirme notre interlocuteur.  Selon lui, les prévisions de la BoM sont conditionnelles : tensions géopolitiques (Mer Rouge, Ukraine, Moyen-Orient), volatilité du pétrole, hausse du fret ou aléas climatiques (cyclones, sécheresse) pourraient rapidement faire remonter l’inflation au-delà de 4 %.

« La prévision de 3,7 % traduit une approche macroéconomique prudente, fondée sur des tendances internationales et des effets différés de la politique monétaire. Mais le ressenti des ménages demeure divers : les prix des biens essentiels restent élevés, et le pouvoir d’achat s’érode », déplore-t-il. Pour lui, si les chocs externes persistent ou que les subventions publiques s’affaiblissent, l’inflation réelle perçue pourrait être plus forte que celle annoncée officiellement.

Chandan Jankee est d’avis que le coût de la vie continuera d’augmenter tant que le taux d’inflation restera positif, en particulier pour les produits de base, les frais médicaux et les produits pharmaceutiques. « Étant donné que la croissance économique est prévue plus faible en 2026 qu’en 2025, selon les prévisions de la BoM, le taux d’inflation sera également plus bas. Les politiques budgétaires et monétaires restrictives, qui entraînent une baisse de la demande, limiteront la croissance économique et feront reculer l’inflation », soutient-il. 

Bhavish Jugurnath rappelle un élément technique, en l’occurrence, l’« effet de base ». « Quand les prix augmentent fortement pendant plusieurs années, même une hausse modérée ensuite génère un taux d’inflation annuel plus faible », dit-il. Cet effet contribue mécaniquement à une inflation en baisse, même si les prix restent à un niveau élevé. Toutefois, il insiste sur la prudence. Les projections de la BoM restent dépendantes du contexte international : tensions géopolitiques, perturbations des chaînes d’approvisionnement ou fluctuations du taux de change pourraient relancer la spirale inflationniste.

Pour les ménages mauriciens, cette situation signifie que la pression sur le coût de la vie persistera, mais que la vitesse d’augmentation des prix pourrait se réduire en 2025. « L’enjeu désormais est de faire progresser simultanément les salaires, la productivité et la stabilité monétaire », affirme l’économiste. Selon lui, ce n’est qu’en alignant ces trois éléments que les bénéfices de la désinflation seront véritablement perceptibles pour la population.


La décision de maintenir le taux Repo inchangé est-elle une bonne décision ?

L’économiste Chandan Jankee estime que la décision de la BoM de maintenir le taux Repo inchangé soulève plusieurs inquiétudes. Selon lui, l’institution adopte une posture prudente fondée sur son discours habituel : stabilité des prix, stabilité du taux de change et incertitudes internationales. Pourtant, malgré les précédentes hausses suivies de périodes de statu quo, la roupie a continué de se déprécier, tandis que la pénurie de devises étrangères persiste, malgré des interventions coûteuses sur le marché des changes.

Chandan Jankee souligne également que l’économie mauricienne montre des signes de fragilité : contraction de l’activité, recul de l’investissement, croissance en baisse et inflation déjà maîtrisée. « Dans ce contexte, le mécanisme de transmission monétaire demeure faible, rendant les ajustements du taux Repo peu efficaces », explique-t-il. Entre-temps, il indique que le coût de la vie progresse, alors que la BoM fait déjà face à un problème de réputation. « En restant trop prudente, elle risque d’être perçue comme impuissante et inefficace », affirme l’économiste.

Il pointe également du doigt le secteur bancaire, qu’il qualifie de quasi monopolistique, avec des frais élevés pesant sur les emprunteurs et les investisseurs, sans intervention notable de la BoM. « Les PME, souvent très endettées ou soumises à des obligations fiscales telles que l’enregistrement à la TVA, auraient largement bénéficié d’une baisse du taux Repo et d’un coût du crédit réduit », appuie-t-il. 

Dans un contexte de dette publique élevée qui limite la marge de manœuvre budgétaire, il estime qu’une politique monétaire plus flexible aurait envoyé un signal clair : encourager le crédit, soutenir l’investissement et stimuler la croissance. 

Coût de la vie.


 

 

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