Société

Conflits au boulot: bombe à retardement

Les conflits sur le lieu du travail sont légion. Ce qui commence par des désaccords ou des différends peut finir par des disputes ou des tiraillements, pour ne pas dire carrément des clashs. Problèmes de personnalités et de comportement, mais aussi une mauvaise gestion des ressources humaines peuvent être la source d’un phénomène qui, on l’oublie souvent, a un prix.

En chiffres (2014)

  • Aux États-Unis, la gestion des conflits représente en moyenne 2,8 heures par semaine dans une entreprise.
  • 89 % des employés ont déjà vécu un conflit qui s’est aggravé.
  • 10 % des employés ont vu un projet échoué suite à un conflit.
  • Au cours d’un conflit, 27 % des employés ont reçu des insultes ou attaques personnelles.
  • 95 % des employés qui ont reçu une formation sur la résolution des conflits affirment qu’ils savent désormais mieux les gérer.

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Que ce soit entre collègues, entre employés et employeurs ou encore entre responsables et collaborateurs, les conflits au travail sont courants. Certes, ils ont toujours existé. Mais la structure pyramidale rigide du monde du travail faisait que son ampleur était quelque atténuée. Les choses ont bien changé, constate Jessyca Joyekurun, consultante en ressources humaines. De nos jours, dit-elle, les gens ne jouent plus à l’autruche. Ils préfèrent crever l’abcès immédiatement, sur place. Elle explique que l’un des principaux facteurs responsables des conflits en milieu professionnel est le manque de communication. « Des fois, c’est entre collègues ou alors entre la direction et les employés. Mais il existe d’autres facteurs également, comme le problème d’égo ou alors le fait que les employés laissent les désaccords personnels prendre le dessus sur l’aspect professionnel », dit-elle. Souvent, on constate aussi, souligne Jessyca Joyekurun, que des personnes qui se sont brouillées n’arrivent pas, même si elles le voudraient bien des fois, à trouver un terrain d’entente à travers le dialogue», ajoute-t-elle. Jessyca Joyekurun confirme qu’il « n’est pas simple » de régler un conflit au travail. Le désamorçage nécessite, affirme-t-elle, une approche particulière. « Le langage corporel joue un rôle important dans ce processus, puisque la personne peut mal prendre certains  gestes. Ce qui risque d’envenimer la situation conflictuelle. Le profil psychologique de l’employé, de l’employeur et du chef hiérarchique est aussi un facteur déterminant pour avoir de bonnes relations au travail », explique-t-elle. Pour la consultante en ressources humaines, c’est « une bonne chose » que les gens n’aient plus aussi honte qu’avant à chercher de l’aide en cas de troubles psychologiques ou psychiatriques. « Ils sont conscients que ces soucis risquent d’affecter leurs rapports avec leurs collègues, leurs supérieurs ou leur patron. Ces troubles influencent leur comportement sur le lieu du travail, ce qui a évidemment un impact sur leurs relations avec », note Jessyca Joyekurun. Elle apprécie aussi qu’un certain nombre de firmes, surtout des multinationales, « engagent des psychologues » pour encadrer les employés. Elle dit cependant noter que les employeurs « ne se confient pas facilement » aux psychologues. Autre constat : les employés ont aussi trop tendance à ramener leurs problèmes personnels au travail. « N’empêche que les employeurs doivent aussi faire preuve d’une certaine compréhension à leur égard dans certaines circonstances. Par exemple, l’employeur doit être plus flexible vis-à-vis d’un employé qui vit un divorce, une maladie ou qui est perturbé par le décès d’un proche. Ce ne serait pas juste de conclure hâtivement que la personne n’est plus apte à travailler. C’est malheureux qu’à Maurice, les entreprises ne font pas toujours preuve de compréhension à l’égard des employés », indique-t-elle.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15282","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-25596","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Jessyca Joyekurun."}}]] Jessyca Joyekurun.

[row custom_class=""][/row] Jessyca Joyekurun souligne, en dernier lieu, qu’en cas de conflits entre collègues, l’employeur a le devoir d’intervenir pour tenter d’y mettre un terme. « Mais il est aussi important de reconnaître que ces conflits ont, souvent, pour origine certaines actions ou décisions de la direction. Par exemple, si les conflits font suite à une promotion qui n’a pas été faite dans la transparence, c’est à l’employeur de rassurer celui qui s’estime lésé », dit-elle Cependant, précise-t-elle, si l’employé continue à mal se comporter, l’employeur ne doit pas hésiter à prendre des sanctions. Le plus important étant, selon la consultant en ressources humaines, de savoir faire la part des choses.

L’impact

Les conflits des conflits sur le lieu du travail ne sont pas sans conséquences. Ils ont un impact sur les principaux concernés, mais aussi sur l’entreprise. Sur la première catégorie, ils peuvent déboucher sur l’alcoolisme, l’absentéisme, le stress, les maux de tête, l’insomnie et des troubles psychosomatiques. Sur l’entreprise, la conséquence principale des conflits est une baisse de la productivité des employés pouvant mener à des pertes financières.


 

Résolution des conflits: la ferme intervention de l’employeur requise

Lorsque les conflits perdurent ou prennent des proportions injustifiées, il est du devoir de l’employeur d’intervenir de manière ferme afin d’y mettre un terme. Il ne doit pas avoir peur, par exemple, de dire à un employé que même s’il est bosseur, il ne peut se permettre de se comporter comme bon lui semble, recommande Jessyca Joyekurun. « Nous notons que les gens sont de plus en plus frustrés au travail. Il est évident qu’ils ne travaillent que pour le salaire, sans aucune passion.  Le hic, c’est que cette situation ressemble à une bombe à retardement. Elle finira tôt ou tard par exploser. C’est pour cela qu’il ne faut jamais tergiverser pour mettre un terme aux conflits », insiste la consultante en ressources humaines. Pour elle, ce qui importe, c’est de savoir comment les gérer. Le département des ressources humaines doit pouvoir s’en charger, par exemple, en organisant des rencontres informelles entre les employés concernés, dans un cadre autre que le travail. « Cela permettra de briser la glace afin de réinstaurer le dialogue », dit-elle. Les entreprises clament souvent qu’elles pratiquent une « open door policy ». Mais dans la pratique, constate la consultante en ressources humaines, cela est loin d’être le cas. Par conséquent, bon nombre d’employés finissent par partir. « Quand on fait une étude sur le taux de satisfaction au boulot, on voit que la plupart des employés n’ont que des doléances. À ce stade, l’entreprise doit absolument se remettre en question et faire un état des lieux afin de déterminer quelles sont ses failles en termes de gestion de ses ressources humaines », indique Jessica Joyekurun.
 

Me Dev Ramano: « L’employeur a le devoir de protection »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15283","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-25597","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Me Dev Ramano"}}]] Pour Dev Ramano, avocat spécialisé dans les lois du travail, il convient, en premier lieu, de définir la relation employé-employeur. « C’est une relation entre deux personnes de différents statuts. L’employeur est dans une position économiquement supérieure alors que l’employé se trouve dans une position vulnérable. En cas de conflits entre les deux, cela peut déboucher sur une situation malsaine ou même de harcèlement. Nous sommes dans un cas de figure où l’employeur n’a aucun égard pour son employé. Cela crée beaucoup de frustration chez l’employé qui est malheureux sur son lieu de travail. Forcément, cela va impacter sur sa performance. Des fois, le patron adopte une attitude très négative à l’égard de l’employé. Ce dernier, au final, n’a d’autre choix que de prendre la porte de sortie », souligne-t-il. Les législations du travail, souligne-t-il, « permettent heureusement d’apporter une certaine égalité » dans le rapport employé-employeur. « Certes, l’employé doit se montrer loyal envers son employeur. Celui-ci, en revanche, doit avoir et montrer une certaine considération à l’égard de son employé. Si le patron exige respect et soumission de l’employé, il a, de son côté, le devoir de protection. Si l’employé est contraint de partir, il peut toujours poursuivre son employeur pour constructive dismissal », précise l’avocat. Me Dev Ramano explique que des conflits entre collègues sont également courants. « Cela débouche bien souvent sur la haine et le ressentiment. Forcément, les employés concernés ne vont pas se sentir heureux au travail. Dans le cas où c’est un chef hiérarchique qui est en conflit avec son subordonné parce qu’il se comporte mal avec ce dernier, c’est malheureusement l’employeur qui devra répondre de ses actes », ajoute-t-il.
 

Sarvesh Dosooye, psychologue au travail: « Il faut le cadre approprié »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15284","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-25598","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Sarvesh Dosooye"}}]] Qu'est-ce qui explique l'ampleur que prennent les conflits au travail de nos jours? Le fossé entre les attentes des employés et celles des employeurs. Les employeurs veulent toujours plus de résultats en investissant le moins possible. L’ampleur que prennent le stress et la frustration dans notre vie, tant au travail et que dans d’autres sphères, favorise les conflits au travail. Les gens ont aussi un manque de connaissance en termes de techniques d’autogestion – gérer ses peurs, son angoisse, ses émotions. Est-ce exact que notre profil psychologique et notre état d'esprit sont les facteurs qui déterminent nos rapports avec nos collègues, nos supérieurs et notre patron ? En effet, il s’agit de facteurs déterminants. Mais ils ne doivent être considérés en isolation. Il y a plusieurs critères additionnels à prendre en compte: le contrat psychologique entre l’employeur et l’employé, la personnalité des uns et des autres, les problèmes psychosociaux... Pour que les gens ayant des personnalités différentes puissent travailler et évoluer ensemble, il faut le cadre approprié. Est-ce une bonne chose de ramener ses problèmes personnels sur son lieu de travail? Pas du tout. Il faut une ligne de démarcation entre le boulot et la vie personnelle. Mais c’est difficile de le faire dans le contexte mauricien, de par notre culture et notre mode de vie. Par conséquent, l’employé ramène ses soucis professionnels au travail et vice-versa. L’employé peut alors avoir un problème de manque de concentration au travail, résultant en une baisse de sa performance. Ce qui peut engendrer des conflits avec ses collègues. On aura le même résultant s’il change de comportement à leur égard à cause de ses soucis personnels. Quels sont vos conseils pour prévenir les conflits au travail ? Il importe de former tout le personnel aux techniques de gestion de stress et de communication. Il faut aussi former ceux impliqués aux techniques de management. Il est aussi du devoir de l’employeur de respecter ses engagements envers ses employés et d’offrir des conditions de travail décentes et ne pas les surcharger démesurément. Il doit aussi encourager la participation des employés dans la prise de décisions et avoir des mécanismes d’aide aux employés qui sont en difficulté (services d’écoute ou d’accompagnement/de développement par des professionnels).

Les raisons des conflits

Plusieurs facteurs sont responsables des conflits surgissant sur le lieu du travail. Jessica Joyekurun en dresse une liste:
  • Frustrations personnelles ramenées sur le lieu du travail
  • Promotions injustifiées
  • Comportement arrogant, surtout des responsables
  • Problème d’ego
  • Mauvaises décisions de la direction
  • La direction qui ne respecte pas hiérarchie

Les solutions

Gérer des conflits sur le lieu du travail est une tâche délicate. Jessica Joyekurun dresse les voies possibles:
  • La communication à tous les niveaux
  • Inviter toutes les parties concernées à s’exprimer librement
  • Inviter les employés impliqués dans le conflit à exprimer des possibles solutions
  • Assurer la neutralité de ceux appelés à gérer les conflits
  • Adopter les techniques de conflict management pour une meilleure gestion des conflits
 

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