Le 25 novembre marquera le coup d’envoi des négociations tripartites sur la compensation salariale. Dans une année perturbée à tous les niveaux par l’implacable Covid-19, la question autour de cette compensation débouche sur différents points de vue, surtout au niveau des hôteliers, des PME et des opérateurs du textile, qui ont été les plus touchés par les effets de la pandémie.
Jean-Michel Pitot, président de l’Ahrim : «Je suis surpris qu’on discute de la compensation dans un tel contexte»
Le débat autour de la compensation salariale revient année après année. Il prend en compte l’état de l’économie du pays et des différents secteurs, mais aussi du pouvoir d’achat des salariés. Cependant, le secteur de l’hôtellerie est à genoux, étant lourdement frappé par les répercussions de la pandémie. Et le manque de visibilité n’est pas de bon augure. Ce qui pousse Jean-Michel Pitot, le président Association des hôteliers et des restaurateurs (Ahrim) à déclarer : « Je suis surpris que les syndicats veulent discuter de la compensation salariale dans ce contexte ».
Son étonnement se justifie par le fait que les employés du secteur de l’hôtellerie ont été payés au cours des derniers mois « pour ne rien faire ». « J’ai du mal à concevoir ce débat », ajoute-t-il. Cependant, Jean-Michel Pitot admet que plusieurs employés ont fait des efforts au niveau des salaires. « Nous devons être prudents pour permettre à l’économie et au secteur de reprendre du poil de la bête dans les deux ou trois prochaines années. Après, nous pourrons partager le gâteau », soutient le président de l’Ahrim.
Bertrand Thevenau, CEO de Tropic Knits Group : «Ne pas alourdir les charges des entreprises»
Pour Bertrand Thevenau, CEO de Tropic Knits Group, « la sagesse voudrait que nous soyons très prudents pour ne pas alourdir les charges des entreprises ». En effet, il argue que la prudence doit être de mise, notamment concernant la capacité des entreprises à soutenir les charges additionnelles. « À titre d’exemple, l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée n’est pas sans conséquence. Il faut que les entreprises parviennent à garder la tête hors de l’eau », fait-il ressortir.
Rekha Cowlessur, entrepreneure : «Il faut soutenir les PME qui n’auront pas la capacité à payer»
Contrairement aux grosses entreprises, les PME ont un chiffre d’affaires et une marge de profits réduits. L’impact désastreux de la Covid-19 a réduit sensiblement le ‘cashflow’ des petites et moyennes entreprises. Comment payer la compensation dans un tel contexte ? C’est la question que se pose Rekha Cowlessur, entrepreneure. Elle estime que « les autorités doivent soutenir les PME par le biais des solutions financières pour les entreprises qui n’auront pas la capacité de payer ».
Ajay Jhurry, président de l’ATO : «Ce n’est pas le moment idéal, car les PME sont en difficulté»
Ajay Jhurry, président de l’Association of Tourism Operators (ATO), se dit « très inquiet », car le tourisme est un des secteurs les plus affectés par la crise économique. Il est d’avis que les consultations doivent absolument avoir lieu au préalable avec les différentes parties prenantes concernant la compensation salariale. « Ce n’est pas le moment idéal, parce que les PME font face à des difficultés financières en raison de l’impact de la Covid-19. Affecté par la crise, le secteur du tourisme suffoque et il faut surtout soutenir les PME dans ce contexte, notamment en proposant des solutions aux compagnies qui n’auront pas la capacité à payer », suggère-t-il. Le président de l’ATO demande aux autorités que des mesures concrètes soient mises en place afin d’atténuer l’impact sur les entreprises, surtout sur celles qui sont en difficulté. Ceci afin de maintenir l’emploi dans les PME, dit-il en guise de conclusion.
Sudesh Unuth, directeur de Dewa Dhollpuri & Sons : «On doit faire un effort pour payer la compensation salariale»
Sudesh Unuth, directeur de Dewa Dhollpuri & Sons, reconnaît que la note sera salée en 2020 pour plusieurs petites et moyennes entreprises. « Les PME ont été lourdement impactées par la crise économique et sanitaire. Nous opérons dans une activité qui n’était pas évidente, surtout avec la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. Toutefois, nous allons faire un effort pour payer la compensation salariale, avance l’entrepreneur. C’est notre devoir de soutenir nos employés afin de continuer à faire progresser l’entreprise ».
Maxime Koon, président de l’ATAM : «Il faut comprendre l’employeur et l’employé»
Difficile de se prononcer sur la compensation salariale, car les employeurs et les employés engagés dans le textile sont confrontés à d’énormes défis liés à la Covid-19. Tel est l’avis de Maxime Koon, président de l’Association of Textile and Apparel Manufacturers (ATAM). « Il faut comprendre la situation de tout un chacun », argumente-t-il. Or, la situation actuelle appelle à du changement. « Nous faisons face à des défis. La dépréciation de la roupie, la hausse du coût du fret de même que les importations influencent le marché », explique le président de l’ATAM.
Jayen Chellum de l’Acim : «Favoriser ceux au bas de l’échelle»
La situation actuelle au niveau du pouvoir d’achat des Mauriciens est préoccupante, selon Jayen Chellum. En cause, les prix qui ont grimpé et qui devront augmenter davantage. Cela le pousse à dire qu’il est important de non seulement débattre autour de la compensation salariale, mais aussi du contrôle des prix. Le quantum devrait, selon le secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (Acim), prendre en considération plusieurs facteurs. Parmi, la perte d’emploi. « La compensation salariale de 2020 sera certainement différente des années précédentes. Il faut donner priorité aux personnes qui se retrouvent au bas de l’échelle », fait ressortir Jayen Chellum. Ainsi, l’approche uniforme devra être mise de côté. « Plusieurs personnes ont perdu leur emploi et font face à de grandes difficultés », explique-t-il.
Suttyhudeo Tengur, de l’Apec : «La compensation salariale est un droit acquis»
Suttyhudeo Tengur, directeur de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec), est catégorique. « Il ne faut pas utiliser la Covid-19 comme excuse pour ne pas payer la compensation salariale. C’est un droit acquis. Il faut payer la compensation salariale, car depuis le début de cette année, nous sommes confrontés à un double choc : le choc de l’offre et le choc de la demande », fait-il ressortir. Les consommateurs, poursuit-il, ont été sévèrement impactés par la hausse significative des prix. Du coup, ajoute-t-il, il y a une baisse au niveau du pouvoir d’achat. « Le gouvernement doit faire un effort particulier en accordant une compensation salariale pour soutenir les Mauriciens financièrement affectés dans le contexte actuel », conclut-il.
Comité tripartite sur la compensation salariale : le patronat évoque des difficultés alors que les syndicalistes veulent négocier
C’est le 25 novembre prochain que les consultations tripartites devraient avoir lieu. C’est à ce moment que le montant de la compensation salariale sera décidé. Si le patronat évoque déjà une année difficile, les syndicats veulent eux négocier. Selon le calendrier établi à l’hôtel du Gouvernement, le comité technique qui sera présidé par le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, aura lieu le 23 novembre. Par la suite, le ministre des Finances Renganaden Padayachy va présider la réunion le 25 novembre. Cette année, le comité aura lieu dans un contexte sans précèdent, en raison de la Covid-19 et du naufrage du MV Wakashio. Mais Soodesh Callichurn, souligne que « le comité tripartite concernant les négociations portant sur la compensation salariale se réunira malgré le contexte difficile ».
Consolider les entreprises sans les mettre en difficulté
Au sein du patronat, on indique que nous sommes dans une année exceptionnelle. « Du coup, il faut revoir le mécanisme. L’inflation sera de 2,8 % en décembre. Quand elle était de 5 %, on octroyait une compensation. Mais, vu que c’est une année exceptionnelle, il faut prendre des mesures fortes », souligne-t-on au sein de Business Mauritius. Notre interlocuteur fait ressortir que la compensation salariale vise à améliorer le pouvoir d’achat et que sur le volet social le gouvernement a multiplié les gestes envers les catégories vulnérables.
Selon lui, une année difficile où le gouvernement apporte son soutien, cela est raisonnable. « Mais au-delà, aller dire à toutes les entreprises de venir avec une compensation salariale, c’est épineux. Certains pourront absorber cette hausse, mais plusieurs ne pourront le payer. Ces entreprises n’ont pu travailler tout au long de l’année », fait-il comprendre. Et d’en appeler à une approche plus prudente. « Il faut pouvoir consolider les entreprises sans les mettre davantage en difficulté », précise-t-il.
Des négociations plus élargies
Le président de la Fédération des syndicats du secteur public, Rashid Imrith indique que le comité tripartite doit être présidé par le Premier ministre vu le contexte actuel. Selon lui, il faut élargir les ‘terms of reference’ pour que tous les partenaires puissent s’exprimer. « Depuis la semaine dernière, on entend parler du chiffre de Rs 500 du côté de l’hôtel du gouvernement et nous sommes contre ce chiffre. Il faut avoir des discussions » souligne-t-il. Ce dernier affirme qu’il faut se rendre à l’évidence que la roupie mauricienne s’est dépréciée, alors que les devises étrangères ont apprécié et il y a eu une flambée de prix de plusieurs produits. Il précise que les travailleurs ont leur contribution a apporter dans la relance de l’économie. Le président de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), Reaz Chuttoo réclame une compensation de Rs 500 pour ceux touchant un salaire mensuel de moins de Rs 21 000. Il dit être conscient du défi économique. Selon lui, il faudra l’aide du gouvernement pour que la compensation puisse être payée. « Il faut faire preuve de réalisme. Il faut faire des compromis même au niveau des syndicats, car tous doivent être conscients que les négociations ne pourront se faire comme en temps normal », affirme-t-il.
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