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Clifford Esther, victime de brutalité policière : «Mo gard lespwar ki la verite trionfe»

Clifford Esther, 63 ans, attend toujours que justice soit faite.
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Clifford Esther ne voit plus de l’œil gauche, est paralysé du bras droit, n’arrive plus à articuler correctement et se déplace difficilement. Pire, il est marqué à tout jamais au plus profond de son âme. Le 5 mars 1982, sa vie a basculé. Un policier lui a tiré une balle dans la bouche. Après 40 ans, Clifford Esther crie haut et fort qu’il n’a toujours pas obtenu justice, mais garde espoir. Téléplus revient sur cette affaire avec le documentaire « 40 ans de coups de feu ». À découvrir, sur les plateformes du Défi Media Group. 

Une vie gâchée par une bavure policière. Clifford Esther, 63 ans, garde des séquelles de ce jour fatidique, où il a été brisé. 40 ans après, il souhaite que l’enquête soit rouverte et veut à tout prix obtenir justice. Jean-Luc Emile et Roshan Choony sont allés à la rencontre des protagonistes dans cette affaire et proposent depuis le 5 mars, « 40 ans de coups de feu », un documentaire de 26 minutes. On y retrouve plusieurs protagonistes de l’affaire, dont certains qui n’ont jamais témoigné. Ils reviennent sur les faits après 40 ans. Au centre du documentaire, on retrouve Clifford Esther, un homme meurtri, blessé physiquement et moralement, qui raconte son histoire, sa vérité, avec émotions. Il se souvient de ce jour fatidique, comme si c’était hier. 

Il avait 23 ans à l’époque, aimait chanter et croquait la vie à pleines dents. Mais sa vie prend une autre tournure quand, le 5 mars 1982, aux petites heures du matin, des policiers débarquent dans le campement où il était à La Preneuse, en compagnie de sa copine de l’époque, une dénommée Margarethe Lang, aujourd’hui Margarethe Perez Cruz.

« Ils ont débarqué, m’ont poussé, puis s’en sont pris à mon cousin Patrick Ah-Quah, l’ont battu et arrêté. Quand j’ai demandé pourquoi ils l’arrêtaient, ils ont dit ‘Taler to pou kone twa’. Un policier Lebon m’a demandé où était Sylvio. Je croyais qu’il parlait de mon oncle. Puis, j’ai reçu deux coups de fusil à l’arrière de la tête. ‘Mo tap dan miray mo tonbe lerla mo santi enn la goul fizi dan mo la bouss. Mo pa kapav dir si linn tire, mo pann santi, parski sa de kou derier mo latet ti fini soul mwa », raconte Clifford Esther dans le documentaire disponible sur www.defimedia.info, la page Youtube de Téléplus et la page Facebook Défimedia.info. 

C’est dans une mare de sang, gisant au sol, que son cousin Patrick Ah-Quah, toujours au campement, le découvre. Deux mois d’hospitalisation, des mois de traitement. Clifford Esther est certain que ‘zot inn rod touy mwa’.

Quand la police a fait irruption dans le campement à La Preneuse ce jour-là, c’était dans le sillage du hold-up du 24 février 1982, durant lequel trois personnes avaient braqué le convoyeur de salaires des employés du Central Electricity Board. Clifford Esther a toujours clamé son innocence dans l’affaire du hold-up et n’a jamais obtenu justice pour le drame lors duquel il a failli perdre la vie. 

Après une enquête judiciaire, et un long procès au civil, tous ont contredit la version de Clifford Esther, et la cour a conclu que le ‘dog handler’ de la police, Fernand Vitry, a agi en légitime défense parce que Clifford Esther avait un couteau à la main. 

Son procès, il l’a affronté seul contre tous, car plusieurs témoins de la scène, dont Patrick Ah-Quah et Margarethe Perez Cruz, n’ont pu témoigner, car ils étaient à l’étranger. 

Après 40 ans, Patrick Ah-Quah donne sa version dans le documentaire et précise qu’un chef de police lui avait dit ce jour-là, « enn erer inn arive, pa koz ek personn, ek oken zournalis. »

On y retrouve, aussi, le témoignage du gardien du bungalow de La Preneuse, un dénommé Marc, qui n’a jamais été approché par la police dans le sillage de l’enquête ou pour témoigner à la barre. Pourtant, son témoignage aurait changé la donne. 

« La polis krie mwa pou pran disan...met dan brouet, met dan bato e zet dan la mer. Mo pre pou temwanie », confie Marc dans le documentaire.

Aujourd’hui âgé de 63 ans, Clifford Esther garde toujours espoir que la vérité triomphera, ‘la vraie vérité’. Pour qu’il puisse être indemnisé. 

« Zot tou inn koz manti… Se ban sacre manter. Me mo pou gard lespwar ziska mo mor. »

Jean-Luc Emile : « Que l’État réalise qu’il y a eu bavure et compense cet homme »

Avec son collègue Roshan Choony, Jean-Luc Emile, Managing Editor au Défi Media Group, a travaillé sur le documentaire « 40 ans de coups de feu » pour permettre à Clifford Esther de raconter son histoire, avec l’espoir qu’il soit indemnisé.

« Mon plus grand souhait est que cette enquête soit rouverte. Que l’État réalise qu’il y a eu bavure et compense cet homme. Il y a eu d’autres cas, comme celui de Kaya, où on n’a jamais eu le coupable, mais sa famille a été compensée. Je suis d’avis que Clifford Esther n’a pas bénéficié d’un ‘fair trial’. La justice n’a pas su voir dans les preuves que Clifford avait, qu’il ne mentait pas », dit Jean-Luc Emile. 

« Il cite le certificat médical et ajoute que, loin d’être un expert des armes à feu, ‘mais quand quelqu’un tire une balle par légitime défense, la balle touche les pieds, la main, le cœur… Or, comment se fait-il que la balle lui ait transpercé le crâne ? »

Sedley Assonne a publié le livre « Clifford Esther plus qu'un martyr » en 2007.
Sedley Assonne a publié le livre « Clifford Esther plus qu'un martyr » en 2007.

Sedley Assonne : « Ils avaient promis de faire en sorte que Clifford Esther soit dédommagé par l’État »

« Clifford Esther plus qu'un martyr », est le livre que Sedley Assonne, écrivain et journaliste, a lancé en 2007, où il raconte le drame qui a frappé Clifford Esther en 1982.  

À l'époque, Sedley Assonne connaissait l’histoire de Clifford Esther à travers la presse. Puis, celui-ci a pris contact avec le journaliste par le biais d’un de ses neveux. 

« Je suis allé le rencontrer chez lui et il m’a dit qu’il voulait que j’écrive un livre sur sa vie. Il m’a fait comprendre qu’il avait approché deux journalistes, mais ces derniers avaient refusé. C’était une affaire sensible. Deux policiers étaient morts lors de ce braquage. Les gens avaient peur de la police », se souvient Sedley Assonne.

Mais ce n’est pas le cas pour le journaliste qui, après avoir écouté la version de Clifford Esther, décide d’aller de l’avant. Il mène sa petite enquête et va à la rencontre de plusieurs protagonistes qui s’expriment, d’ailleurs, dans le livre, notamment le policier Lebon, le policier Foy, entre autres. Après neuf mois, le livre est lancé en présence de feu James Burty David, ministre de l’Éducation de l’époque, Asraf Dulull, ministre du Logement de l’époque, et Rama Valayden, qui était Attorney General, tous des amis de collège de Clifford Esther, notamment du collège St Mary’s.

« Ils avaient tous les trois promis de faire en sorte que Clifford Esther soit dédommagé par l’État, mais rien n’a été fait. 40 ans après, il n’a toujours pas été indemnisé, pour ce que la police lui a fait subir. J’aimerais qu’il soit indemnisé », s’indigne Sedley Assonne.

Fier de son livre, qui est pour lui un combat contre la brutalité policière, Sedley Assonne ne comprend pas comment la personne responsable de cet acte s’en est sortie, sans avoir été punie.

« C’est le 1er cas de brutalités policières dans l’île Maurice contemporaine. Le policier qui a commis cet acte doit être puni. À l'étranger, dans les cas de brutalités policières, les officiers incriminés doivent s’expliquer. Alors que dans le cas de Clifford ou de Kaya, on n’a jamais eu d’explications. Les coupables sont libres et n’ont pas été punis. »

De plus, l’écrivain est d’avis que Clifford Esther n’est pas impliqué dans l’affaire de hold-up. « Le vrai coupable dans cette affaire est un des leurs qui s’est envolé pour le Canada. Il se la coule douce. Alors que Clifford a souffert et souffre encore. Et même si Clifford était impliqué, le devoir de la police était de l’arrêter, et non de lui tirer une balle dans la bouche. »
 

 

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