Il vit avec le feu au quotidien. Non, ce n'est ni un cracheur de flammes, ni un sapeur-pompier. Ni un rond-de-cuir ramené à l'ordre. Mais l'activité de Neezam Kausmally, 46 ans, n'est pas de tout repos non plus. Il est charbonnier. Pour lui, ce bois qui finira braise rouge et ardente rime avec d'inlassables étapes : découpe, ramassage, stockage, combustion puis distribution...
Cela fait cinq ans que ce père de cinq enfants gagne sa vie ainsi. Un métier artisanal qu’on ne retrouve plus souvent à Maurice. Chaque jour, à bord de son camion, il fait des trajets dans les deux sens afin de stocker autant de bûches que possible. Muni de son Work Access Permit, il sillonne les quartiers de Grand-Port et Savanne quand nous le rencontrons, mardi 20 avril.
Pour que le travail soit rentable, il faut amasser suffisamment bois dur. Il lui faudra donc une dizaine d'allers-retours entre ses fournisseurs, principalement des bûcherons et son atelier, situé sur le flanc d’une montagne, à Ferney. Puis, c'est l'heure de la découpe en petits morceaux...
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Arrive ensuite l'étape cruciale, celle de la fabrication et du stockage du charbon. « Enn gros travay sa », explique le charbonnier dans un éclat de rire. Après avoir tout trié, il ira placer des sachets de 25 kgs de charbon fait main dans les supermarchés et boutiques.
Mais comment se fait le charbon au juste ? Neezam indique qu’après le stockage, il utilise un âtre, un grand four creusé dans le sol. Au centre, il assemble soigneusement les bûches en pyramide. Qui serviront à un grand feu, alimenté de paille et de branches par Farhanaz, sa femme. Il s'agit d'assurer la combustion du bois récolté et découpé. « Les étapes de fabrication peuvent prendre des jours. La combustion dure des heures. S’ensuivra, le refroidissement pendant des jours. L’important est que tout soit bien mis en place », soutient Neezam.
Assis sur une petite chaise, Neezam surveille les opérations. « C'est un travail minutieux. La pyramide brûlera pendant une semaine. Donc, je reste sur place. Le secret de fabrication est de veiller à ce qu'il y ait le moins possible d'oxygène dans l'âtre. Afin d’avoir un maximum de charbon. Au cas contraire, tout finirait en cendres. »
Quand il est prêt, le charbon est ramassé et trié avec soin dans un grand bac. Puis, on procède à l’ensachage. Neezam se fait aider par sa femme. « Nous remplissons des sachets de 25 kg, que nous livrons dans les commerces. C’est un métier qui requiert de la patience et de la persévérance », soutient le charbonnier.
Mais il s'y est fait, avec ténacité et courage. « Autrefois, je faisais le taxi avec mon camion pour charger et livrer des marchandises. Après, j’ai commencé à livrer des tonnes de bois aux hôtels du Sud. Notamment, à ceux qui faisaient des pizzas et autres préparations aux saveurs braisées. Un jour, on m’a demandé si j’avais du charbon. Ça a fait tilt. Je me suis dit pourquoi pas en fabriquer ? ».
Ne sachant comment s'y prendre, Neezam Kausmally a eu la bonne idée de regarder des didacticiels vidéos sur YouTube. Comme quoi, la débrouillardise mauricienne n'est pas qu'une légende.
Évidemment, cela lui a pris un temps fou et... c’était l’enfer pour contrôler le feu au début. Mais au fil du temps et de l'obstination, l'apprenti est passé maître. Il a pu donc fabriquer son charbon loin du brouhaha des villages avoisinants de Mahébourg.
En ce temps de confinement partiel, les choses sont certes un peu difficiles. « Avant, je ramassais le bois un peu partout dans l’île. Là, je suis contraint de ne le faire que dans la région de Savanne et de Grand-Port » dit-il.
Qu'importe, il en a vu d'autres, quand d'autres, pas capables de croire dans ce métier, n'y ont vu... que du feu.
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