Depuis des décennies, notre pays est confronté à des défis structurels et sociaux importants. Bien que des mesures soient régulièrement évoquées, leur mise en œuvre reste souvent bloquée par peur de l'impopularité ou en raison de divergences internes. Certaines de ces réformes, pourtant cruciales, continuent de faire l’objet de discussions sans aboutir à des actions concrètes. Le point.
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Réforme électorale : une promesse récurrente
La réforme électorale est un serpent de mer dans la politique mauricienne. Selon le journaliste et observateur politique Lindsay Rivière, ce sujet revient dans les débats depuis plus de 30 ans, sans qu’aucune action décisive ne soit prise. Les résultats des dernières élections, où une coalition rafle les 60 sièges dans une élection générale, sont souvent cités comme une anomalie démocratique nécessitant une refonte du système. Pour Lindsay Rivière, cette réforme est indispensable. « Ce sujet revient fréquemment sur le tapis. Le système actuel est obsolète et il est impératif de le revoir. Ce n’est pas forcément une réforme mal considérée, mais il faut avoir le courage de l’implémenter », fait-il ressortir.
Un observateur, sous couvert de l’anonymat, confie que l’absence de consensus est le principal obstacle. « Ce n’est pas une question d’impopularité, mais plutôt de désaccords internes. Certains ministres sont pour et d’autres contre. Le manque de consensus rend toute avancée difficile », indique-t-il.
Dépendance alimentaire Une bombe à retardement
L’autosuffisance alimentaire est une problématique qui revient régulièrement sur la table. Aujourd’hui, Maurice dépend largement des importations pour nourrir sa population, une situation qui la rend vulnérable aux crises mondiales. « Cela fait 30 ans qu’on attend un plan stratégique pour réduire cette dépendance. Toutefois, rien de concret n’a été fait », déplore Lindsay Rivière. Ce dernier plaide pour une réforme agricole ambitieuse et une revalorisation de la production locale.
Même constat dans le secteur de la pêche. Avec une vaste zone économique exclusive, Maurice pourrait devenir un leader régional en matière de pêche industrielle. Cependant, là encore, ce potentiel reste inexploité. « On en parle beaucoup, mais on ne fait rien », dit-il.
Freedom of Information Act : un droit attendu
Le Freedom of Information Act est souvent présenté comme une priorité, mais il reste lettre morte. Cette loi permettrait aux citoyens d’accéder à des informations d’intérêt public, renforçant ainsi la transparence et la démocratie. Selon un observateur, cette réforme n’est pas impopulaire, mais mal comprise. « Ils sont nombreux à penser que c’est un privilège pour les journalistes. En réalité, elle profite à tous les citoyens. Cependant, le manque de volonté politique empêche sa mise en œuvre », déplore-t-il.
Dossiers en suspens
« Trop de dossiers restent en suspens parce que les gouvernements manquent de courage ou les abandonnent par crainte de l’impopularité. Il est temps de prendre ces affaires inachevées au sérieux et de les traiter avec détermination », indique Lindsay Rivière.
Au final, selon nos différents intervenants, des réformes nécessaires ne manquent pas : de la sécurité sociale à la fiscalité, en passant par la production locale et la transparence politique. Ces mesures ne sont pas seulement audacieuses, elles sont essentielles pour garantir un avenir durable à Maurice. « Il appartient aux dirigeants actuels de montrer qu’ils ont le courage de relever ces défis, au risque de perdre leur capital politique, mais avec la possibilité de laisser un véritable héritage », concluent-ils.
Ciblage des allocations sociales : une réforme controversée
Le means testing, ou ciblage des aides sociales, est une pratique adoptée dans de nombreux pays pour s’assurer que les prestations bénéficient uniquement à ceux qui en ont vraiment besoin. Selon nos intervenants, à Maurice, cette idée est discutée depuis plus de 20 ans, mais aucune mesure concrète n’a été prise.
Jocelyn Chan Low, historien, explique que le ciblage permettrait d’économiser des fonds publics tout en les redirigeant vers les plus démunis. « Aujourd’hui, les allocations sociales à Maurice sont universelles. Même les plus riches peuvent y accéder, ce qui est inconcevable dans d’autres pays », fait-il ressortir.
Cependant, cette mesure reste impopulaire. Jocelyn Chan Low rappelle une tentative passée de réforme sous le gouvernement MMM-MSM, qui avait coûté cher en termes de capital politique. « Faire payer les riches ou retirer certains avantages est perçue comme une attaque. Pourtant, l’augmentation du nombre de seniors rend ce modèle insoutenable. Passer à 65 ans pour les pensions, comme cela se fait ailleurs, est inévitable », dit-il.
Faizal Jeeroburkhan, de Think Mauritius, ajoute qu’avec un meilleur ciblage, la qualité des services pourrait augmenter. « Cela s’applique aussi à la santé et à l’éducation où la gratuité a contribué à une baisse de qualité », soutient-il.
Réforme fiscale : pour alléger les dépenses de l’État
Le système fiscal mauricien nécessite également une refonte. Faizal Jeeroburkhan propose plusieurs mesures pour augmenter les revenus de l’État et rationaliser ses dépenses. Il explique : « Le seuil de taxation actuel doit être abaissé pour élargir la base des contribuables. Cela permettrait d’apporter plus d’argent dans les caisses publiques ».
Il préconise de réintroduire la taxe municipale et d’instaurer une nouvelle taxe rurale. Il suggère également d’augmenter les taxes sur les produits de luxe, notamment les voitures haut de gamme. Il confie : « Il est absurde que des voitures d’une valeur de Rs 10 à 15 millions circulent librement, alors qu’elles représentent une fuite massive de devises étrangères ». Des initiatives comme le carpooling ou l’utilisation accrue des transports publics par les fonctionnaires sont aussi sur la table. « Singapour impose un minimum de passagers par véhicule aux heures de pointe. Pourquoi pas à Maurice ? Il est temps d’encourager des solutions comme les autoroutes payantes pour réduire le gaspillage », suggère-t-il.
Financement des partis politiques
Le financement des partis politiques est un autre dossier crucial. Faizal Jeeroburkhan estime que la transparence dans ce domaine est essentielle. « Les partis doivent être enregistrés et leurs comptes vérifiés par des audits indépendants. Ils doivent soumettre des rapports financiers réguliers. Cela permettrait de réduire les risques liés à l’argent sale et de contrôler les dépenses électorales », indique-t-il.
Réformes éducatives et administratives à l’abandon
Le système éducatif mauricien a connu des changements cosmétiques, mais des réformes profondes restent nécessaires. Jocelyn Chan Low insiste sur l’importance de restaurer la discipline dans les écoles et de revoir les critères d’admission à l’université. « Les trois credits obligatoires, par exemple, pourraient être une mesure pour élever le niveau d’éducation », estime-t-il. Idem pour la réforme des administrations régionales en attente depuis plus de 15 ans. « Les réformes apportées par le MSM ne sont pas adéquates. Il faut restaurer la démocratie régionale et donner plus de pouvoir aux collectivités locales », souligne Lindsay Rivière.
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