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Cabinet notarial vs mandat ministériel - Polémique sur Kavy Ramano : entre déontologie et «faute professionnelle»

Le ministre Kavy Ramano est au cœur d’une controverse impliquant son étude notariale.

Dans la polémique entourant le ministre de l’Environnement Kavydass (Kavy) Ramano, des soupçons émergent sur l’utilisation de son étude d’avoué pendant son mandat ministériel. Ce qui suscite des interrogations sur un possible manquement à la déontologie. Interrogé, l’ancien juge Vinod Boolell rappelle qu’un professionnel devenant ministre doit cesser toute activité professionnelle, conformément à la Constitution et aux conventions démocratiques. Parvez Dookhy, avocat et constitutionaliste, parle, lui, de « faute professionnelle, politique et éventuellement pénale ». 

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«N’importe quel professionnel ayant prêté serment et occupant le poste de ministre n’a plus le droit d’exercer sa profession. » C’est ce que tient à faire ressortir l’ancien juge Vinod Boolell en réaction à la polémique entourant le ministre de l’Environnement Kavy Ramano, et son cabinet notarial. 

Ce principe, précise-t-il, est en vertu d’une convention bien établie dans n’importe quel pays démocratique. Il souligne que la Schedule 3 de la Constitution stipule clairement que tout individu ayant prêté serment en tant que ministre doit « impérativement se consacrer à ses nouvelles fonctions ».

Document litigieux 

Vinod Boolell se pose toutefois la question suivante : « Le ministre Kavy Ramano a-t-il exercé sa profession dans ce cas précis ? » Il explique que la presse a rapporté que son étude d’avoués a été utilisée. « Il y a un document portant son nom sur l’entête. Quelqu’un a signé pour lui et le document porte le sceau de son bureau. Je pense que Kavy Ramano aurait dû faire enlever temporairement son nom de la liste des notaires, du moins pendant tout le temps où il assume les fonctions de ministre », estime l’ancien juge. 

Vinod Boolell ajoute que Kavy Ramano aurait dû impérativement placer le sceau de son étude sous scellés afin de prévenir toute mauvaise utilisation de son nom en tant que notaire. « Du coup, tout laisse croire que son bureau a fonctionné en son nom. Tout démontre que quelque chose ne tourne pas rond. A-t-il donné des instructions précises à son personnel pour dire que son étude peut fonctionner en son absence ? Je ne peux pas me prononcer sur le sujet, car je n’ai pas de preuves », souligne-t-il.

Correspondance à la cour

Sollicité pour une réaction sur cette polémique, l’ex-ministre de l’Environnement Étienne Sinatambou s’est abstenu de tout commentaire. « Je préfère ne pas commenter cette affaire, parce que Me Kavy Ramano est non seulement un confrère, mais aussi mon prédécesseur à l’Environnement », s’est-il contenté de répondre. 

Le Dimanche/L’Hebdo s’est tourné vers un notaire ayant une trentaine d’années d’expérience dans le domaine. Il explique qu’en vertu de l’article 2 de la Notaries Act, la Chambre des notaires doit tenir un registre contenant l’identité de ses membres, c’est-à-dire de tous les notaires attitrés du pays. Or, cette liste ne précise nullement s’ils exercent leurs fonctions ou non. 

« La Notaries Act laisse comprendre qu’un notaire assumant un poste de ministre doit envoyer une correspondance à la Cour suprême pour demander que son nom soit temporairement retiré de la liste des notaires. Une fois ses fonctions ministérielles achevées, il pourra envoyer une autre lettre pour demander que son nom soit réinscrit sur la liste », précise cette source.  

Interrogé sur la polémique, l’avocat et constitutionaliste Parvez Dookhy est d’avis qu’il y a « une faute professionnelle, politique et éventuellement pénale » dans cette affaire. Selon lui, le ministre aurait dû fermer son étude et redéployer son personnel, ou alors permettre à un confrère d’assumer la suppléance pendant tout le temps où il remplit ses fonctions de ministre. 

« C’est avant tout une question de déontologie. Kavy Ramano a prêté serment comme ministre de la République en 2019. Si l’affaire est vraie, comment peut-il se permettre de faire une telle chose ? » s’interroge Me Parvez Dookhy. Il souligne que l’engagement pris par un ministre lors de sa prestation de serment exige une séparation claire de ses activités professionnelles pour éviter tout conflit d’intérêts.

Me Parvez Dookhy va plus loin. Pour lui, « ce qui s’est produit démontre que le système et les institutions ne fonctionnent pas ». Il dénonce un manque de rigueur dans l’application des règles de déontologie et un potentiel laxisme institutionnel qui permettrait de telles infractions.

Le cas d’Étienne Sinatambou

Étienne Sinatambou, ancien ministre de l’Environnement et notaire de profession, a fait une déclaration dans l’après-midi du vendredi 14 juin 2024 à Le Dimanche/L’Hebdo. Il a révélé avoir écrit à la Cour suprême, en 2014, après la victoire de L’Alliance Lepep, pour demander que son nom soit temporairement retiré de la liste des notaires en activité à Maurice. Sa demande était motivée par le fait qu’il allait assumer les fonctions de ministre de l’Environnement. Il a précisé avoir demandé à être réinscrit sur la liste des notaires à la fin de son mandat ministériel, vers fin 2019.

Le ministre : «C’est inacceptable» 

Vendredi, sur TOP FM, Kavy Ramano a accordé sa première interview depuis l’éclatement de l’affaire. « Certaines personnes disent que lorsqu’un notaire n’est pas en fonction, son étude doit rester fermée. C’est faux. L’article 11 de la Notaries Act prévoit la continuité de l’étude d’un notaire, ce qui est très important pour la sauvegarde des documents authentiques », a précisé le ministre de l’Environnement. 

Il a ajouté que c’est une situation où il ne s’agit pas d’une « Permanent Vacancy » mais plutôt d’une « Temporary Vacancy » qui dure tout le long du mandat ministériel. Il a ensuite expliqué que « deux notaires ont la responsabilité de son bureau » depuis qu’il a informé la Chambre des notaires de sa prise de fonction en tant que ministre. « L’étude est toujours fonctionnelle, car nous sommes garantis par un principe légal en vertu de l’article 11 de la Notaries Act », a rappelé le ministre. 

Avez-vous pris contact avec l’étude pour réclamer des explications ? « Bien sûr. Je ne peux rester sans rien faire face à cette situation. C’est mon devoir et ma responsabilité, car c’est quelque chose d’inacceptable. Je ne vais pas répondre pour qui que ce soit. Je le répète, nul n’est habilité à signer au nom d’un notaire. Le notaire n’a pas signé le document. Mais comment un individu peut-il signer au nom du notaire, surtout quand ce dernier n’est pas en fonction ? » a souligné le ministre.

Il a également rappelé le communiqué émis mardi dernier, soit il y a un peu plus d’une semaine. Dans ce document, il affirme que personne n’a le droit d’émettre de documents en son nom en tant que notaire. Il s’efforce ainsi de dissiper les doutes et de se distancier de toute implication directe dans cette affaire. 

« Après ma nomination en tant que ministre de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique en novembre 2019, je tiens à souligner que l’Association des Notaires a été dûment informée que, conformément à la loi, je n’exerce plus en tant que notaire à compter de cette date. Par conséquent, à partir de cette date, aucune personne n’est autorisée à émettre de documents en mon nom en tant que notaire. Je vous remercie de votre compréhension », a fait ressortir Kavy Ramano dans ledit communiqué.

 

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