Les ‘After college hours extra-curricular Activities’ sont un moyen pour éliminer les leçons particulières. Ces activités ne devraient cependant pas être séparées du cursus académique. Commentaires de Bashir Taleb, président de la Fédération des Managers des collèges privés sur l’une des recommandations phares du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue.
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Pensez-vous que les recommandations du rapport Lam Shang Leen vont résoudre le problème de la drogue à l’école ?
Je dois avant tout préciser que la Fédération des Managers des collèges privés avait déposé devant la Commission. Nous ne pouvons soumettre un jeune qui touche à la drogue au collège — qu’il soit consommateur ou qu’il en propose à ses amis contre de l’argent — au même traitement réservé aux consommateurs de drogue. C’était notre argument principal devant les membres de le commission.
Expliquez-vous…
C'est-à-dire, faire appel à l’unité anti-drogue, la police ou le traduire en justice, etc. C’est un jeune, il faut lui donner les bons traitements, l’éduquer… L’approche doit être différente. C’est la raison pour laquelle nous avons suggéré la création d’une unité spéciale composée de spécialistes vers laquelle nous pouvons nous tourner pour déterminer, avec l’aide de la direction de l’école, quelles actions prendre.
Comment cela se passe-t-il en ce moment ?
Normalement, lorsque nous nous retrouvons avec un étudiant qui a consommé ou qui est en possession de substances illicites, il faut rapporter le cas à la police. Cela devient alors un gros problème pour l’établissement.
Mais la Commission avance qu’aucun cas de drogue à l’école n’a été rapporté jusqu’ici. Comment expliquez-vous cela ?
Rapporter un cas à la police a de nombreuses implications. D’abord, c’est entrer en conflit avec les parents de l’étudiant. Neuf parents sur 10 ne voudront pas croire ni accepter le fait que leur enfant ait pu consommer de la drogue. Ensuite, référer le cas à la police signifie qu’il va falloir entrer dans l’engrenage judiciaire et prendre le risque que l’affaire soit médiatisée. Mais aussi, dans certains cas, le temps que les parents et la police se présentent à l’école, l’étudiant a déjà récupéré toutes ses facultés. Et il va tout nier.
Donc rien n’est fait ?
Parfois, le responsable du collège va suggérer un transfert vers un autre établissement, surtout si l’affaire a été ébruitée dans le collège. Cela évite ainsi à l’étudiant d’être stigmatisé par ses pairs. Mais vous conviendrez que cela ne résout pas le problème. On ne fait que transférer le problème d’un établissement à un autre. D’où l’importance, une fois encore, d’une unité qui ne soit pas ‘heavily policed’ afin de pouvoir se pencher efficacement sur le cas de l’étudiant, avec l’aide des experts, de ses parents et de l’établissement scolaire, sans que l’affaire ne soit étalée sur la place publique.
En tant que pédagogue avec beaucoup d’années d’expérience, pensez-vous qu’en éliminant les leçons particulières et en imposant un ‘After college hours extra-curricular activities’, cela va résoudre le problème ?
Il s’avère que Maurice fait partie de ce petit groupe de pays où un étudiant passe le moins de temps à l’école. J’ai d’ailleurs toujours été en faveur d’une hausse du nombre d’heures passées à l’école. Mais pour faire quoi pendant ces quelques heures additionnelles ? Je ne crois pas que les parents vont y objecter car, actuellement, ils paient pour ces heures additionnelles à travers des leçons particulières. Les ‘After college hours extra-curricular activities’ seront ainsi un moyen idéal pour éliminer les leçons particulières. Mais je ne crois pas que des activités séparées par un autre groupe de personnes vont résoudre le problème.
Que préconisez-vous donc dans ce cas ?
Il faut que cette recommandation soit intégrée dans le système scolaire de sorte que certains enfants puissent pratiquer ces activités, le matin, et pour d’autres, l’après-midi. Il va falloir définir les activités qui aident au développement : le sport, les activités artistiques et la littérature, etc. Quoi qu’il en soit, ces activités ne doivent pas êtres complètement séparées du cursus académique. Il faudra aussi revoir un certain nombre de choses, comme la formation des enseignants, les salaires, les infrastructures, le transport des étudiants, etc. « Extending by itself, in isolation, will be catastrophic. »
Mais est-ce qu’un enfant peut rester entre les quatre murs de l’école pendant 10 heures ?
C’est la raison pour laquelle il faut revoir, entre autres, les infrastructures. Il faudra venir avec le concept de cantine, par exemple, où des repas chauds seront servis, notamment au déjeuner. Li pa kapav manz roti gramatin, midi ek tanto. Peut être que dans la conjoncture, où le nombre d’étudiants par établissement diminue, le gouvernement peut saisir cette opportunité pour repenser les infrastructures des écoles.
Avez-vous en tête une mesure phare que le rapport a omis de mentionner ?
Il y a toujours des trafiquants de drogue qui rôdent autour des établissements scolaires. Le danger, c’est que les étudiants doivent, pour ainsi dire, passer par une haie d’honneur de trafiquants en arrivant ou en quittant l’école. Cet aspect, je trouve, n’a pas été soulevé. La solution, c’est une présence policière avertie aux abords de ces collèges. En même temps, cela servira de moyen de dissuasion pour les étudiants qui apportent de la drogue au collège.
Vous êtes membre de l’association des recteurs des collèges privés. Quelle est la situation dans ces collèges ?
La situation est la même dans tous les collèges : il y a une prévalence de drogue. Certainement, elle n’est pas toujours visible à l’œil nu. Cela demande parfois des investigations mais tous les établissements se montrent vigilants. « They are on the lookout ». Et lorsqu’un cas est rapporté, des actions sont prises, dont le renvoi, voire l’expulsion. Mais cela reste une mesure que je considère temporaire et ‘unfinished’. Ce n’est pas cela qui va résoudre le problème de la drogue. Et je n’hésiterai pas à dire que la drogue circule dans toutes les écoles.
Est-ce pire que dans les collèges d’état ?
Ce serait peut être méchant de ma part de dire qu’il y a un plus grand contrôle sur le comportement et les mouvements des élèves dans les collèges privés, contrairement aux collèges d’État. Le recteur d’un collège privé a davantage de contrôle sur son personnel, qu’il soit enseignant ou non enseignant. Ces derniers se montrent plus flexibles que leurs collègues du public dans l’exécution de leur travail et font montre de plus d’engagement. Ils ont aussi un sens d’appartenance à l’établissement.
Le rapport trouve que certains enseignants n’assument pas leur rôle non seulement d’éducateur mais aussi d’enseignant. C’est la raison pour laquelle ils ne parviennent pas à s’imposer auprès de certains élèves. Cherche-t-on des boucs émissaires ?
L’enseignement est une profession qui est très exigeante. Vous êtes enseignant dans la classe, dans l’enceinte de l’école, en dehors de l’école, dans la société et pour le restant de votre vie. L’enseignant incarne ainsi un ‘role model’. Malheureusement, tous les enseignants ne le voient pas ainsi : « Once a teacher, always a teacher, everywhere and all the time ». C’est une culture qui s’effrite et qu’il faut inculquer à nouveau. Peut être à travers le Teachers’ Council.
Faute d’enseignants qui ne joueraient pas leur rôle, les caméras CCTV dans les collèges à risque seraient-elles une alternative envisageable ?
Les caméras sont utiles lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité des étudiants et du personnel. Il faut toutefois arriver à faire la part des choses entre assurer la surveillance de tout le monde et accorder une certaine liberté nécessaire. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une école, un lieu d’enseignement. Les étudiants doivent pouvoir apprendre tout en étant responsables, et non sous la pression que ces caméras pourraient exercer sur eux. Il ne faut pas arriver à une surveillance à outrance qui ne sera d’ailleurs d’aucune utilité. Si l’étudiant ne se sent pas libre à l’école, il ira se défouler ailleurs, comme aux arrêts d’autobus par exemple.
Comment jugez-vous l’efficacité des campagnes de sensibilisation sur le thème de la drogue auprès des étudiants ?
Il s’agit essentiellement de campagnes d’informations qui ont une certaine efficacité. Mais est-ce que les campagnes à elles seules changent les comportements ? C’est « questionnable ». Et encore plus lorsqu’il y a une foule d’étudiants qui font semblant d’écouter. Les campagnes sont un aspect de la stratégie. Il ne faut surtout pas que les responsables des écoles aient la bonne conscience avec l’organisation de 2 ou 3 campagnes dans une année. Des activités qui suivent les campagnes (extra-scolaires, sociales, etc) seraient plus efficaces.
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