Baisse du dollar : quels sont les risques et les opportunités pour Maurice ?

Les hausses tarifaires annoncées par Donald Trump secouent le dollar et exacerbent les incertitudes et tensions commerciales. Des experts financiers à Maurice analysent les conséquences d’une baisse prolongée du dollar sur l’économie locale.

L’annonce de Donald Trump concernant l’application de tarifs douaniers plus élevés sur les importations a secoué les marchés mondiaux. Les investisseurs, anticipant une hausse de l’inflation, ont réagi en retirant une partie de leurs investissements en dollars, entraînant ainsi une baisse de la valeur de la monnaie. Cette politique a également suscité des inquiétudes quant aux relations commerciales internationales, ce qui a ajouté une pression à la baisse sur le dollar.

Beelal Baichoo, expert en compliance, avance que l’évolution du dollar dépendra d’une série de facteurs. « Il est un fait que les investisseurs, les traders et les hommes d’affaires sont réticents aux risques. Ainsi, ils n’aiment pas faire face à un niveau élevé d’incertitude », dit-il. À cet égard, il est probable que le dollar poursuive sa tendance à la baisse pendant un certain temps. 

Par ailleurs, il avance que nous devons également tenir compte de la réaction à moyen et long termes des principales économies mondiales face à cette politique protectionniste. « Tous ces éléments finiront par avoir un impact sur la tendance de la monnaie verte en cours de route. On s’attend à ce que la politique monétaire et de taux d’intérêt des États-Unis soit également modifiée pour faire face à la tendance du dollar », avance l’intervenant.

L’expert-comptable et observateur économique, Tahir Wahab, soutient que l’augmentation des tarifs douaniers peut entraîner une baisse de la valeur du dollar en raison de l’incertitude économique qu’elle génère. Il ajoute également que ces politiques commerciales peuvent nuire à l’économie américaine à court terme.  « Ces guerres commerciales sans précédent peuvent escalader encore plus avec de nouveaux tarifs de 50 % sur les produits chinois, augmentant les droits de douane totaux à 104 %. Cette escalade pourrait accroître l’inflation américaine selon les experts », dit-il. 

Cela dit, les fluctuations des devises restent volatiles et sujettes à de nombreux facteurs externes, et les experts estiment que le dollar pourrait se renforcer à moyen terme. « Si l’économie américaine parvient à surmonter les défis à court terme posés par ces tarifs, et si la Réserve Fédérale adopte des politiques monétaires plus restrictives, cela pourrait renforcer la demande pour le dollar », explique l’intervenant.

De son côté, Hafeez Toofail, expert dans le secteur financier, avance que cette baisse pourrait se poursuivre dans les jours et semaines à venir. Il explique que les marchés réagissent aux incertitudes économiques et aux tensions commerciales mondiales.

« Si ces tarifs sont perçus comme nuisibles à la croissance économique des États-Unis, cela pourrait affaiblir davantage la demande pour le dollar, entraînant une baisse de sa valeur », dit-il. Toutefois, il explique que l’évolution exacte dépendra de l’intensité des réactions commerciales et des politiques économiques mises en place par d’autres pays. 

« Si des pays (comme la Chine), l’Union européenne ou d’autres partenaires commerciaux majeurs répliquent par des mesures similaires ou intensifient leurs propres tarifs, cela pourrait alimenter une guerre commerciale plus large. Une situation qui pourrait affecter non seulement le dollar, mais aussi les autres grandes devises », fait-il ressortir.

Les implications

Baisse des recettes d’exportations

L’impact immédiat d’une baisse du cours du dollar implique à terme une baisse des recettes pour nos secteurs du commerce et de l’exportation, affirment les intervenants. « Toutefois, il faut tenir compte du fait que les États-Unis ne représentent pas un partenaire commercial majeur pour le pays, et que l’effet ne sera donc pas considéré comme significatif », soutient Beelal Baichoo. 

Pour sa part, Tahir Wahab affirme que si la roupie mauricienne se renforce trop rapidement, cela pourrait nuire aux exportations locales. Il précise que les produits locaux deviendraient plus chers pour les marchés étrangers, notamment dans les secteurs clés comme le textile, le sucre et le tourisme.

Hafeez Toofail abonde dans le même sens. « Maurice exporte des singes vers les États-Unis à des fins de recherche biomédicale. Si le dollar baisse, ces exportations coûteront plus cher pour les acheteurs américains, ce qui pourrait entraîner une diminution de la demande. Cela pourrait affecter négativement les revenus des exportateurs mauriciens dans ce secteur, ainsi que dans d’autres », explique-t-il.

Impact sur le secteur Global Business

Outre le secteur des exportations, nous ne devons pas perdre de vue le fait que certains segments importants du secteur des services financiers traitent en dollar dans leurs transactions quotidiennes, le secteur du Global Business. « Il est reconnu que ce secteur a des conséquences directes et indirectes importantes au niveau local sur les opérateurs. Cela peut éventuellement influencer leur politique de rémunération envers leurs employés, ce qui peut à son tour affecter leur pouvoir d’achat », explique Beelal Baichoo.

Face à la volatilité du dollar : quelles stratégies pour Maurice ?

Beelal Baichoo : « Maurice doit recourir de manière intensive à la diplomatie économique à l’échelle internationale. L’affaire Diego a récemment illustré le rôle et l’efficacité des partenaires politiques clés. Une approche similaire pourrait être bénéfique pour faire entendre notre voix auprès des États-Unis, en vue d’obtenir de meilleurs accords en matière de droits de douane et d’accès aux marchés. D’autre part, il est essentiel de travailler à la diversification de nos débouchés à l’exportation, tout en développant de nouveaux produits exportables. »

Tahir Wahab : « Maurice pourrait envisager de diversifier ses relations commerciales afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des marchés les plus exposés aux fluctuations du dollar. En prévision de potentielles perturbations monétaires, le gouvernement devrait renforcer les réserves de change pour mieux protéger l’économie contre une volatilité excessive des taux de change. Ce qui permettrait une gestion plus efficace des fluctuations monétaires à court terme. De plus, la Banque de Maurice doit suivre la situation de près et intervenir sur le marché des devises. Elle doit adopter des ajustements prudents en matière de politiques monétaires, dans le but de préserver la compétitivité de nos exportations. »

Hafeez Toofail : « Pour atténuer les risques liés aux variations du dollar, Maurice devrait élargir sa base d’exportation en renforçant ses échanges avec l’Union européenne, les pays africains et les marchés asiatiques. Cette diversification réduirait notre dépendance au billet vert. D’autre part, la Banque de Maurice pourrait intervenir pour stabiliser la roupie face aux fluctuations du dollar, notamment en ajustant les taux d’intérêt ou en intervenant directement sur le marché des changes, afin de maintenir la stabilité monétaire. »