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Au Cœur de l’Info - Siddhartha Hawoldar : « Pravind Jugnauth a eu un traitement privilégié »

Les quatre invités dans le studio de Radio Plus.

L’émission Au Cœur de l’Info du lundi 17 février a été consacrée à l’inculpation pour blanchiment d’argent de l’ex-Premier ministre Pravind Jugnauth. Les invités d’Ashna Nuckcheddy-Rabot sont surtout revenus 
sur les circonstances entourant la libération sous caution de l’ancien Premier ministre, survenue tard dans la soirée de dimanche.

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L’arrestation, la détention et la libération sous caution de Pravind Jugnauth ont fait couler beaucoup d’encre durant le week-end du 15 au 16 février. Chacun est venu avec sa version des faits concernant les dénonciations qui ont conduit à son arrestation par la Financial Crimes Commission (FCC), mais surtout sur les conditions de sa libération.

L’ancien magistrat Noren Seeburn a qualifié cette situation de « jamais vu ». « Cette fois-ci, et surtout un dimanche, on a ‘burn the midnight oil’. Je trouve que c’est à la fois une bonne chose, car cela ouvre une porte pour les citoyens. Le magistrat a agi selon la loi et la justice. Mais désormais, les institutions publiques devront prendre en compte les réactions et le sentiment des citoyens. J’espère que la cour ira jusqu’au bout et appliquera la même procédure lorsqu’il y aura un bail court et qu’il n’y aura pas de pens down à 15 heures », a-t-il estimé.

Pour l’avocat Siddhartha Hawoldar, cette situation vient « démontrer qu’il y a deux poids, deux mesures ». « Cela fait 35 ans que je suis au barreau et je ne trouve pas ce déroulement étrange, car je considère qu’il existe justement une justice à deux vitesses. Hier (dimanche), c’était l’exemple flagrant que tout le monde n’est pas égal devant la loi », a-t-il affirmé catégoriquement, estimant que « l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth a eu un traitement privilégié ». Il a également pris en exemple le cas de Navin Ramgoolam, il y a dix ans, où l’affaire avait été accélérée.

Traitement préférentiel

Une situation sans précédent, selon la journaliste et auteure Touria Prayag, qui s’exprime sur une cour de justice ayant siégé à 22 heures un dimanche : « Il est clair qu’il y a eu un traitement préférentiel, et il sera difficile d’enlever cette perception de l’esprit des gens. » Elle s’est également interrogée sur le fait de savoir si tous les citoyens auront désormais accès au même type de traitement.

« En plus de cela, est-ce que les citoyens, eux aussi, n’auront plus à se présenter quotidiennement au poste de police après une libération sous caution ? J’en doute fort », a-t-elle ajouté. Elle évoque ainsi les nombreux aspects humiliants entourant les accusations provisoires, un sujet qu’elle aborde également dans son livre Provisional Charges.

En tant qu’observateur politique, Faizal Jeerooburkhan a affirmé que la présomption d’innocence devrait s’appliquer à tous, ce qui, selon lui, n’est pas le cas actuellement. 

« Pour moi, il y a une justice à plusieurs vitesses. Ceux qui se trouvent tout au bas de l’échelle sociale ont un traitement différent, ceux du milieu bénéficient d’un traitement un peu plus favorable, et ceux qui sont au sommet sont traités comme des demi-dieux », a-t-il estimé, soulignant la nécessité d’une évaluation du système judiciaire.

Confiance dans le judiciaire

Concernant la suite de l’affaire, l’ancien magistrat Noren Seeburn estime que le principal danger à venir pourrait être le parjure. 

« Rien n’est certain quant à l’évolution de cette affaire. Certains parlent déjà de condamnation, mais il faut tempérer l’euphorie. La preuve principale repose sur la parole des témoins, et celle-ci peut changer », a-t-il précisé, appelant ainsi à la vigilance. « On est en train de nous rejouer le même film qu’en 2015, avec un scénario identique, et je crains que le résultat ne soit le même », a-t-il ajouté.

Sur une note plus positive, les invités sur le plateau ont mis l’accent sur l’importance de garder espoir et de faire confiance aux institutions. « Il ne faut pas que les événements récents et ceux des dix dernières années viennent ternir tout le travail accompli depuis des décennies. Nos institutions nous ont bien servis par le passé et continueront de le faire. Notre Constitution fonctionne, et de nombreux mécanismes de ‘check and balances’ sont en place. C’est cette voie qu’il faut suivre », a conclu l’avocat Siddhartha Hawoldar.

Bail Act : « The shortest possible delay » selon la loi

Pour obtenir une libération sous caution, la loi prévoit : « Hearing of bail applications. The Court shall endeavour to hear and determine any application for bail within the shortest delay ». C’est ce que stipule l’article 3 du Bail Act, cité par l’ancien magistrat Noren Seeburn. Ainsi, cette loi garantit que chaque personne puisse être entendue dans les plus brefs délais.

Toutefois, dans la pratique, l’avocat Siddhartha Hawoldar a fait un « reality check », expliquant que cela n’est pas toujours possible face aux magistrats. Pour Touria Prayag, le terme « shortest delay » reste trop vague. Elle a d’ailleurs évoqué le cas de Bruneau Laurette, qui n’a obtenu une libération sous caution qu’après quatre mois.

Un ruling qui tombe à 23h43

Une bail motion ainsi que les débats qui se tiennent le même jour après un ruling ne sont pas des faits courants, même en semaine. Toutefois, pour l’avocat Siddhartha Hawoldar, tout s’est déroulé dans le cadre légal. « Nous avons vu un magistrat très assidu dans son travail. En temps normal, à partir de 15 heures, tout s’arrête. Mais cette fois, un effort considérable a été fait pour que l’affaire soit bouclée le même jour.

Certains diront que cela a été fait pour éviter à Pravind Jugnauth de passer une nuit supplémentaire en détention », a-t-il commenté.

Il a également relevé la rapidité inhabituelle du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), qui prend généralement jusqu’à sept jours pour décider d’un appel. « Hier, cela s’est fait en 45 minutes », a-t-il ajouté.

Rajen Narsinghen : « Les membres de l’exécutif n’ont fait aucune tentative d’intervention »

Intervenant par téléphone, le Junior Minister Rajen Narsinghen a tenu à souligner que l’arrestation de l’ancien Premier ministre n’était en aucun cas une vengeance politique. « Lorsqu’on compare le fonctionnement des institutions aujourd’hui avec celui du passé, on constate une différence. Les membres de l’exécutif n’ont fait aucune tentative d’intervention et ont laissé les institutions faire leur travail. C’est bon signe », a-t-il affirmé.

Il a également rappelé qu’en tant que juriste et spécialiste en droit constitutionnel, il estime qu’il ne devrait pas y avoir de justice à deux vitesses et que le citoyen lambda ne devrait pas attendre plusieurs jours avant d’être entendu. « Tout le monde n’a pas l’attention d’un magistrat jusqu’à 23 heures, alors que tous devraient bénéficier du même traitement, VIP ou pas », a-t-il ajouté.

 

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