Quand elle tombe malade, elle fait la tournée des médecins jusqu’à ce, qu’enfin, le diagnostic du thymome, la forme bénigne du cancer du thymus, est posé. À l’issue de l’épreuve qu’elle a endurée, Sharon Raïna Adeenaden, 36 ans, s’élève contre les préjugés de la société.
Devenue maman pour la troisième fois en 2020, Sharon Raïna Adeenaden est comblée, entre une vie familiale et professionnelle épanouie. Elle gère la quincaillerie familiale, un héritage de son beau-père, et jouit d’une bonne santé.
Cependant, elle remarque progressivement un dérèglement de ses cycles menstruels, qui deviennent soit irréguliers, soit si abondants qu’elle doit utiliser des protections adaptées. Elle entame alors une série de consultations gynécologiques pour élucider la situation.
Placée sous traitement contraceptif, Sharon Raïna Adeenaden commence à prendre du poids. Elle constate également qu’elle ne parvient plus à être aussi active qu’auparavant. Un diagnostic d’adénomyose lui est révélé par l’un de ses gynécologues.
Je ne voulais pas entendre dire que j’avais un cancer. Je voulais tout simplement qu’on l’enlève, tout comme les kystes à l’ovaire»
Avec des menstruations devenues plus fréquentes et abondantes, son bien-être se détériore. « J’avais des nausées, des maux de tête atroces et j’avais du mal à me concentrer », explique-t-elle.
Après consultation avec un autre gynécologue, elle apprend cette fois qu’elle a un kyste à l’ovaire droit. Un autre lui dit qu’il y en a deux, en sus d’un fibrome et que l’utérus est rétroversé. « J’ai été choquée d’apprendre cela après avoir mis au monde trois enfants sans que l’on découvre ce problème de santé », dit-elle.
Après d’autres explications sur sa situation gynécologique, un médecin lui recommande de faire un CT-scan. C’est la consternation. « J’ai appris que j’avais une tumeur du côté des poumons qui, en grossissant, pouvait me couper la respiration », explique Sharon Raïna Adeenaden. Angoissée par cette nouvelle, elle refuse de faire une biopsie. « Je ne voulais pas entendre dire que j’avais un cancer. Je voulais tout simplement qu’on l’enlève, tout comme les kystes à l’ovaire », reconnaît-elle.
Ses médecins lui proposent alors de lui enlever les kystes, et la tumeur qu’elle avait près des poumons. Lorsqu’elle s’enquiert des risques d’une telle intervention, la réponse la refroidit. « Les médecins ont dit qu’il fallait tout remettre entre les mains de Dieu », raconte Sharon Raïna Adeenaden.
Après concertation avec ses proches, elle sollicite le ministère de la Santé pour un soutien financier en vue d’une intervention à l’étranger. Le Board recommande qu’elle soit envoyée en Inde du fait que l’opération ne peut se faire à Maurice.
J’ai appris que j’avais une tumeur du côté des poumons qui, en grossissant, pouvait me couper la respiration»
C’est là qu’elle apprend qu’elle a un thymome. Il s’agit de la forme bénigne du cancer du thymus, qui est très rare. L’intervention chirurgicale, une thymectomie robotique, est effectuée le 9 septembre 2023 en Inde. Mais la méthode a laissé quelques « micro-fluides » qui n’ont pu être enlevés et elle doit suivre, selon le protocole, des sessions de radiothérapie en 4D. Cela se fait à l’Aegle Cancer Hospital, à Rose-Belle.
Cependant, avec toutes les dépenses encourues en Inde pour son opération et autres traitements, elle se trouve à court de financement. Comme elle est atteinte d’une forme rare de cancer, peu nombreux sont ceux qui comprennent sa maladie quand elle tente de faire une collecte. Elle n’a pu récolter que Rs 2 287. Ce qui l’a contrainte à prendre un emprunt auprès d’un proche pour pouvoir poursuivre son traitement.
Avec quelques amis, elle a également pu faire une petite collecte qui lui a rapporté Rs 40 000, ce qui est à peine suffisant pour ses divers traitements, particulièrement la radiothérapie qui n’est pas disponible dans le service public.
Ayant toujours été une femme forte, c’est cette image que Sharon Raïna Adeenaden a choisie de montrer à ses enfants en dépit de toute la tourmente qu’elle endure parfois. « Je ne voulais pas qu’ils soient traumatisés par mon état de santé. » C’est précisément cette attitude, cette image positive qu’elle veut toujours montrer d’elle-même, que les autres n’arrivent pas à comprendre. Certains en sont même venus à dire qu’elle simule la maladie, déplore Sharon Raïna Adeenaden. Elle a aussi noté que pendant sa maladie, certaines personnes lui ont tourné le dos ou ont pris leurs distances. D’autres ont pensé qu’elle était contagieuse. D’où son combat pour dire non à la dégradation de la personnalité des personnes malades ou atteintes d’un cancer.
En raison de sa maladie, Sharon Raïna Adinaden ne peut plus travailler comme avant mais qu’elle doit trouver une activité pour subvenir aux besoins de sa famille. « Même si mon époux travaille, nous avons des dettes à payer. Le travail à la quincaillerie ne rapporte pas autant qu’on peut le penser. » C’est ce qui fait qu’elle frappe à toutes les portes possibles pour la soutenir. Elle bénéficie déjà de l’aide du ministère de l’Intégration sociale qu’elle remercie, mais cela reste insuffisant, fait-elle comprendre.
Cancer pena barrière
À bas les préjugés, les images stéréotypées et les tabous face au cancer et aux maladies en général, plaide Sharon Raïna Adeenaden. Elle est d’avis que nul ne devrait avoir à se cacher quand il est atteint d’une maladie. C’est la raison pour laquelle elle a choisi de briser le silence et de parler ouvertement de sa maladie. Elle souhaite qu’un patient soit considéré comme un être humain avant tout et que ses droits soient respectés. En se faisant, elle ne réclame pas de la pitié mais de l’empathie. Elle s’élève ainsi pour dire non à la dégradation de la personne.
À travers sa campagne, elle souhaite aussi que tous ceux qui doivent faire une consultation médicale n’aient pas peur de poser des questions et d’interroger leur médecin traitant sur les diverses causes de leurs symptômes et les possibilités de traitement.
Sharon Raïna Adeenaden explique que dans son cas, elle a eu droit à diverses interprétations de ses symptômes avant que l’on arrive à mettre le doigt sur les causes réelles de son état de santé. « Les médecins ne devraient pas s’arrêter à quelques questions, un ‘examen’ sommaire et la prescription de quelques médicaments sans une auscultation profonde. Tout le monde a droit à un bon diagnostic », insiste-t-elle.
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