Interview

Ashok Subron: «Il y a des similitudes avec ce qui s’est passé en 1983»

Le fondateur de Rezistans Ek Alternativ (REA) brosse un tableau sombre de la situation à Maurice. Il revient sur les crises qui secouent le gouvernement et s’attarde sur le licenciement du syndicaliste Alain édouard.

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La corruption, à ce qu’il paraît, gangrène la classe politique. Pourquoi ? Il existe une relation malsaine entre les businessmen, le pouvoir politique et les associations socioculturelles. Ce sont les trois éléments d’une même matrice. Cette relation malsaine perdure et s’amplifie depuis l’Indépendance, quel que soit le parti au pouvoir. La corruption pourrit la démocratie. C’est un élément qui, ajouté à l’inégalité sociale et au dégoût des mésalliances, a amené cette lame de fond ayant abouti à la victoire de l’Alliance Lepep en 2014. Toutefois, cette alliance n’est qu’un assemblage de diverses formations ayant fait partie des précédents gouvernements. Les pratiques n’ont pas changé. On nettoie à l’extérieur, mais c’est sale à l’intérieur. D’où la nécessité d’une réforme électorale et d’une loi sur le financement politique. Face au pourissement de la société, de la politique et des institutions, la réponse réside dans ces lois.

Les électeurs n’ont-ils pas une part de responsabilité avec leurs demandes, des fois, exagérées ? C’est le système qui est corrompu. Les électeurs fonctionnent en conséquence. Au fil des années, la relation malsaine business-pouvoir-socioculturels a pris de l’ampleur. Mais, en même temps, les formations politiques n’ont plus de projets de société. Elles proposent des changements sociétaux avant les élections et promettent des miracles, avant de tout oublier une fois au pouvoir. C’est pourquoi les électeurs exigent certaines choses pendant la campagne électorale. Je ne dis pas que c’est bien. Demander aux candidats de l’argent, un permis ou un job dans la Fonction publique est un élément corrupteur. Mais pour les électeurs, c’est une aspiration légitime. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas leur part de responsabilité, mais le système est ainsi fait. La politique n’est plus porteuse de valeurs et de projets de transformation.
[blockquote]« On veut pousser les travailleurs du port à choisir la confrontation, mais ce n’est pas ce que nous voulons. »[/blockquote]

Peut-on faire de la politique aujourd’hui si on n’a pas d’argent ? Oui. Resiztans ek Alternativ prouve qu’on peut faire de la politique autrement. C’est le seul mouvement en progrès constant depuis sa naissance.  Le parti a fait 3,5 % aux dernières législatives avant de doubler ce chiffre aux dernières municipales. En toute humilité, nous nous positionnons comme la troisième force politique du pays. Pour nous, être candidat n’est pas un investissement. C’est servir le peuple et transformer la société. Pour les partis traditionnels, les campagnes électorales constituent une sorte d’industrie où on paye des gens. Auparavant, quand on était membre d’un parti, on avait une carte, on cotisait. Tel n’est plus le cas aujourd’hui : la politique a changé de nature. Un ministre qui prend autant de sick leaves, cela vous inspire quoi ? Un ministre a le droit de prendre des sick leaves. Néanmoins, bien que Vishnu Lutchmeenaraidoo soit en congé maladie, il est très actif sur les réseaux sociaux et intervient sur tous les sujets qui le touchent de près. Je crois qu’une fois rétabli, il devra s’expliquer à la population. Rezistans ek Alternativ n’est pas convaincu de ses explications jusqu’ici. Quand un ministre des Finances emprunte de l’argent auprès d’une banque sur laquelle il a une certaine autorité, il y a suffisant d’éléments pour le révoquer. Si j’étais à la place de sir Anerood Jugnauth, il ne serait plus ministre. Il faut retourner le pouvoir au peuple avec des élections partielles. Lutchmeenaraidoo, Fowdar, Dayal, Selvon… Est-ce la crise au gouvernement ? À force de contraction, tout finit par éclater. L’Alliance Lepep a tenté d’incarner certaines aspirations du peuple depuis décembre 2014, mais n’a pu en concrétiser aucune. Nous sommes aujourd’hui témoins de cette contradiction. Si la présente lame de fond s’amplifie, nous assisterons à une implosion du gouvernement. Il y a des similitudes avec ce qui s’est passé en 1983. Malgré les colmatages, il y a eu la cassure du gouvernement. Le gouvernement a enfin pu trouver un candidat pour la vice-présidence. Paramasivum Pillay Vyapoory est-il un bon choix ? Je ne veux pas me prononcer, car je ne connais pas ce monsieur. Je constate toutefois que ce choix a obéi à certains critères communaux. Cette nomination découle d’une logique de balance communale qui, selon moi, fait du tort au pays. Pourquoi dites-vous que c’est une période sombre pour la classe syndicale ? Ce qui arrive dans le port est très grave. C’est une atteinte à la liberté syndicale. La Cargo Handling Corporation (CHC) a décidé de licencier Alain édouard, qui est aussi le président de la Port-Louis Maritime Employees Association (PLMEA), après qu’il ait refusé de céder à des chantages. Il a été injustement licencié. Je demande au Premier ministre de prendre cette affaire au sérieux. Je ne partage pas ses idées, mais je reconnais qu’il est le père fondateur de la CHC. Je suis disposé à rencontrer SAJ à tout moment. Je crois qu’il a été mal renseigné. Je vais lui donner les preuves qu’il y a eu un chantage ignoble. On veut pousser les travailleurs du port à choisir la confrontation, mais ce n’est pas ce que nous voulons. Le plus important, c’est la réintégration d’Alain édouard. Où en êtes-vous avec l’affaire de contestation de l’obligation de décliner son appartenance ethnique pour être candidat ? Nous sommes déçus de constater qu’il n’y a pas eu de progrès depuis le dernier positionnement de l’état. Un comité ministériel se penche sur la question. Mais jusqu’ici, Rezistans ek Alternativ, qui mène ce combat depuis 2005, n’a toujours pas été consulté. Nous considérons que le gouvernement actuel adopte la même attitude que l’ancien. Il veut gagner du temps, alors qu’il y a urgence. Avec tout ce qui se passe sur l’échiquier politique, la réforme électorale doit être une priorité, car des législatives anticipées peuvent survenir n’importe quand. Il ne faut pas oublier que nous avons une obligation envers les Nations unies et que nous devons la respecter.

 

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