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L’euro grimpe, le dollar faiblit : une première moitié d’année agitée sur le marché des changes mauricien

Cette dynamique monétaire a des répercussions notables sur l’économie mauricienne.

De janvier à juillet 2025, la roupie mauricienne a affiché une double tendance : une dépréciation progressive face à l’euro, couplée à un recul face au dollar américain. Cette dynamique monétaire, alimentée par des facteurs globaux et locaux, a des répercussions notables sur l’économie mauricienne. 

Durant les six premiers mois de 2025, la roupie mauricienne a connu une nette dépréciation face aux deux principales devises internationales. Le taux de change de l’euro est passé de Rs 50,03 le 3 janvier à Rs 53,68 le 3 juillet, enregistrant une hausse de plus de 7 %. Le dollar américain, quant à lui, est passé de Rs 45,61 à Rs 48,83, soit une dépréciation de 7 % également. Cependant, une inflexion s’est produite récemment : en juin 2025, le dollar s’est replié de 1,5 %, tandis que l’euro a progressé de 1,8 % face à la roupie. Un contraste que souligne l’analyste financier Imrith Ramtohul.  « Le billet vert a perdu 4,2 % au cours du premier semestre, tandis que la monnaie européenne a enregistré une hausse de 7,6 % par rapport à la roupie. »

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Incertitudes américaines

Selon Imrith Ramtohul, l’affaiblissement du dollar s’explique d’abord par un ralentissement de la croissance américaine. « L’OCDE a dernièrement revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis, de 2,2 % à 1,6 % pour 2025 », explique-t-il. Ce recul, poursuit-il, s’ajoute à une crise de confiance liée à la politique intérieure américaine. « La dette publique et les risques inflationnistes qu’elle génère réduisent l’attractivité du dollar », ajoute-t-il. Le risque d’un nouvel assouplissement monétaire de la Réserve fédérale est également dans le viseur des marchés. « La perspective de nouvelles baisses de taux d’intérêt diminue l’attrait du dollar sur les marchés internationaux », dit-il. C’est un avis que partage l’économiste Ibrahim Malleck. « Les doutes liés aux positions de Donald Trump concernant la Réserve fédérale et ses annonces ayant trait à de nouvelles barrières douanières brouillent la visibilité », dit-il.  De son côté, Beelal Baichoo, expert-comptable et consultant en conformité, pointe du doigt l’imprévisibilité de la politique américaine.  « Le grand patron de la Maison Blanche est aussi rigide qu’imprévisible. Les volte-face sur les droits de douane à l’échelle mondiale ont eu des conséquences sur la devise verte », note-t-il.

L’euro : une valeur refuge

À l’inverse, l’euro tire son épingle du jeu. Imrith Ramtohul évoque un rééquilibrage des portefeuilles d’investissement internationaux en faveur de la zone euro. « L’euro est perçu comme une devise refuge alternative ». Un facteur de taille contribue à cette dynamique : le plan d’investissement allemand de 500 milliards d’euros dans les infrastructures vertes et numériques. « Couplé à une émission massive de dettes ‘bunds’, ce plan a rassuré les marchés sur les perspectives de croissance de la zone euro », affirme-t-il.  « L’euro a maintenu une tendance à la hausse constante. Les tensions géopolitiques et la prudence des investisseurs jouent aussi en sa faveur », dit Beelal Baichoo. Il évoque une intervention rare du régulateur mauricien dans la gestion des taux de change. « Nous avons observé une action du régulateur, en particulier sur la paire dollar/euro. C’est une intervention assez inédite à Maurice. »

De son côté, Ibrahim Malleck avance que l’euro a connu une montée importante. Il souligne que cette dynamique résulte moins de facteurs économiques tangibles que de mouvements de perception. « Il y a une grosse partie de la volatilité qui n’a rien à faire avec les fondamentaux économiques », explique-t-il. Il évoque un glissement du dollar vers l’euro, perçu désormais comme une monnaie refuge. « Les investisseurs délaissent un peu le dollar au profit de l’euro, ce qui augmente sa valeur. Mais les marchés sont tellement volatils que personne ne peut prédire ce qui va se passer », dit-il.

Avenir

Quelles perspectives pour la deuxième moitié de 2025 ? Imrith Ramtohul anticipe une poursuite de la tendance haussière de l’euro face au dollar. Il se réfère aux prévisions de grandes banques internationales, comme Morgan Stanley ou JPMorgan, qui annoncent un dollar en repli prolongé. Beelal Baichoo reste, lui, plus mesuré.  « Il est très improbable que le dollar connaisse une hausse constante et durable. L’euro, lui, pourrait ralentir sa progression à très court terme, mais reste orienté à la hausse », dit-il . Il souligne aussi le rôle crucial que jouera la Banque de Maurice, notamment à travers sa politique monétaire. Pour sa part, Ibrahim Malleck avance que Maurice essaie tant bien que mal de stabiliser la roupie, surtout vis-à-vis du dollar, notre principale devise d’importation. Mais la faiblesse des exportations et une pénurie persistante de devises étrangères compliquent la donne. « Il y a toujours un manque de dollars sur le marché. Les injections de la Banque centrale semblent insuffisantes », déplore-t-il. Ce dernier insiste sur l’ampleur des vents contraires. « Il y a plusieurs headwinds qui pèsent contre nous au niveau du marché des échanges. »  Pour lui, entre pressions externes et déséquilibres internes, la stabilité de la roupie reste une préoccupation majeure.

Impact sur l’économie mauricienne 

Les effets de ces fluctuations sur l’économie mauricienne, selon nos interlocuteurs, sont complexes. La baisse du dollar est plutôt favorable aux consommateurs et aux importateurs. « Elle allège la facture des importations, principalement réglées en dollars, ce qui est bénéfique pour le pouvoir d’achat », indique Imrith Ramtohul. Mais certains secteurs en pâtissent, dont les exportateurs ou les entreprises de services globaux rémunérées en dollars. « Ils verront leur rentabilité réduite avec un dollar plus faible. »

La hausse de l’euro, en revanche, profite au secteur du tourisme. « L’Europe est notre principal marché. Un euro fort stimule les arrivées et augmente les dépenses des visiteurs », souligne-t-il. Pour les exportateurs vers l’Europe, c’est aussi une bonne nouvelle. « Nos produits deviennent plus compétitifs », ajoute-t-il. Mais pour les importateurs européens, le coût des marchandises augmente. « Nos importateurs européens devront faire face à des hausses de prix, rendant leurs produits moins attractifs sur le marché local », évoque Beelal Baichoo.

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