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Arnaud Benedetti - Professeur associé en histoire de la communication, auteur du livre «La fin de la Com» : «La communication : la fabrique du consentement»

Arnaud Benedetti

Comment réagir face aux ‘fake news’, véritable problématique à l’ère de la communication en temps réels? La réponse, selon Arnaud Benedetti, Professeur associé en histoire de la communication à la Sorbonne, est de renforcer l’éducation, afin de « permettre à chacun de devenir un citoyen éclairé ». Arnaud Benedetti était à l’invité de l’Université de Maurice (UoM), le lundi 3 décembre, pour co-animer un débat sur les enjeux de la communication politique.

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Ce débat, modéré par Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer in Media and Communication à l’UoM, se voulait être pertinent, à l’énoncé de son thème et dans un contexte électoral annoncé, mais une bonne partie de l’exercice a été consumée par un exposé historique d’Arnaud Benedetti, sans doute nécessaire à la mise en perspective de la communication politique. Mais, à l’arrivée, ne laissant que peu de temps à la partie questions-réponses. Les deux autres participants, Jean-Claude de l’Estrac et Rabin Bhujun, ont essayé, tant bien que mal, de ‘contextualiser’ la thématique.

Dans une esquisse historique des métiers de la communication, Arnaud Benedetti a fait remonter cette thématique au développement politique, économique et social. Certains pratiquants étaient issus de la sphère politique, de la presse et de l’ingénierie, mais il y avait un quasi-silence sur ces métiers. Leur transformation sera le produit de deux processus : l’apparition de l’économie de marche et l’avènement de la démocratie parlementaire. Mais, fait ressortir Arnaud Benedetti, « le métier de la communication a toujours existé, il remonte à la nuit des temps, comme l’atteste la Guerre des Gaules durant l’invasion romaine. Il est l’expression du pouvoir.» La nouveauté dans ce métier est l’apparition de l’espace publique (Club des Philosophes), où on commence à débattre des grands sujets et l’émergence de la presse comme vecteur de l’opinion publique.

Les codes de la publicité

C’est aux États-Unis qu’on assistera à la professionnalisation du métier et à sa modernisation, notamment sous l’impulsion du journaliste Albert Lasker, le premier à créer les codes de la publicité. 

« Cette transformation apparaît au moment de celle de la production aux États-Unis, avec le fordisme et le taylorisme, créant des besoins nouveaux et nécessitant une approche segmentée du marché », explique Arnaud Benedetti. C’est cette approche qui dopera le marché des cigarettes après le ciblage réussi du marché féminin, présentant la cigarette comme le symbole de la libération de la femme.

Entre les premiers  soubresauts de la propagande – ses agents étaient pour la plupart au service des grands groupes industriels américains-, sa mutation, sa codification et l’apparition des communicants politiques,  hyperspécialisés, et le terme ‘relations publiques’, quels sont les facteurs déterminants qui ont pesé sur la mutation du métier de communicateur politique ? On s’est sans doute, à un moment donné, autorisé à  penser la politique en termes de marketing, mais dira Arnaud Benedetti, « l’homme politique est un homme comme les autres», en ajoutant toutefois que « l’opinion publique (elle), est de nature malléable et qu’on peut formater (...), car elle adhère à un message ». D’ou vient le concept de la fabrique de consentement que les communicants adhèrent.

Vendre un politicien

Plus tard, Rabin Bhujun fera très justement ressortir qu’un communicateur, en dépit de ses compétences, aurait fort à faire pour ‘vendre’ un politicien à l’image déjà ternie. Quant au message politique, JC de l’Estrac s’est servi d’un exemple local, celui de ‘vire mam’ pour démontrer que ces deux mots ont peu joué pour favoriser la victoire de l’Alliance Lepep aux législatives de 2014.

Plus près de nous, un terme et une figure donnent tout de même un peu de relief à la communication politique : le mot ‘spin doctor’ et le nom d’Alistair Campbell, célèbre pour avoir été le directeur de communication de Tony Blair et la refondation du parti Travailliste anglais sous le terme New Labour. À ce concept, tout le monde s’accorde. Aujourd’hui, on fait prévaloir le recours à l’internet « pour être visible et produire un événement par jour ». Deux mots pour symboliser toute la puissance du web : la vitesse et la viralité. Toutefois, met en garde Arnaud Benedetti, il faut se méfier de la sursaturation et, à ce titre, JC de l’Estrac, qui s’y connaît pour avoir été journaliste et homme politique, fait valoir que la population déteste le flot d’images du Premier ministre mauricien, véhiculées quotidiennement par la MBC. Malgré la nuisance du web, par manque de filtrage face aux ‘fake news’, - plus prosaïquement la ‘désinformation’, qui n’est pas nouvelle -   Arnaud Benedetti se félicite du fait que l’espace public est devenu un peu plus libre en gagnant en liberté d’expression.

 

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