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Allégation de négligence médicale : les quatre obstacles à l’enquête du Medical Council

Medical Council Souvent, le Medical Council trouve difficilement des spécialistes à venir donner leur avis dans des cas de négligence médicale.
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On admet, au Medical Council, qu’il y a des facteurs qui alimentent la perception de cover-up des enquêtes sur des médecins, surtout pour des cas de négligence médicale. En sus, on y dénombre quatre obstacles majeurs aux enquêtes. Au ministère de la Santé, on n’est pas sur la même longueur d’onde.

L’enquête du Medical Council (MC) sur les allégations de négligence médicale est l’étape 4 du processus enclenché par le ministère de la Santé. (Voir plus loin) Elle fait suite aux investigations préliminaires menées par le ministère de la Santé. Au Conseil de l'ordre des médecins, on ne cache pas les difficultés à faire aboutir une enquête approfondie. Lors d’un entretien avec son président, le Dr Kailesh Kumar Singh Jagutpal, il ressort que cet organisme fait face à quatre obstacles majeurs.

1. Engagement à temps partiel.

Il n’y a personne délégué uniquement pour enregistrer les plaintes. Selon le Dr K. Jagutpal, pour les membres du Board, il s’agit d’un engagement à temps partiel. « Personne n’est employé ici à plein temps. On fait le va-et-vient entre le boulot et le MC. Ainsi, tout le monde ne parvient à accorder que très peu de son temps, surtout aux enquêtes. Du coup, les plaintes s’accumulent et le temps passe. Les membres ne reçoivent pas non plus de gros salaires (autour de Rs 1 000 d’après le PRB par session) », fait-il ressortir.

2. Les 'Expert Witnesses' sont rares. 

Dans des cas complexes, il serait parfois difficile d’avoir l’avis d’un expert. « Ce qui fait que, parfois, il faut littéralement les supplier, car si nous n’avons pas cet avis d’expert, l’enquête piétine », dit-il. Le MC, dit-il, peut heureusement compter sur les experts qui sont à la retraite qui viennent lui prêter main-forte. « Sinon, c’est compliqué », précise le président. 

De nombreuses raisons justifieraient cette « pénurie d’experts » :

(i) La population de spécialistes restreinte. 
Prenant le cas des psychiatres, le Dr K. Jagutpal indique qu’ils ne sont pas nombreux et que tout le monde se connaît. « Ce qui fait qu’il est parfois embarrassant pour un spécialiste de déposer contre un de ses confrères qu’il a côtoyés. C’est le cas aussi pour les pédiatres, les anesthésistes, parmi de nombreuses autres spécialisations. ‘It is one family’. Nou tou nou konn nou kamarad », explique-t-il. 
Puis, les médecins sont appelés à se voir souvent lors de réunions ou de conférences. « C’est une situation embarrassante pour eux. Certains voient cela comme un « sale boulot ». C’est ainsi que beaucoup ont tendance à décliner nos invitations. Des fois, ils nous disent qu’ils ne vont pas être au pays ou ils cherchent un moyen pour démontrer qu’il y a conflit d’intérêts. ‘To kone nou travay dan mem klinik. Li impe difisil’ », partage-t-il. Vu qu’il existe aussi une chance qu’ils aillent devant un tribunal, avec la possibilité que l’avocat du médecin incriminé les contre-interroge, ils préfèrent éviter « sa bann lamerdman la ». Et le MC ne peut les obliger de faire partie du panel d’enquête.

(ii) Manque d’expérience. 
Parfois, s’il y a, pour ainsi dire, une cinquantaine de spécialistes, la majorité sont des jeunes spécialistes avec peu d’expérience. « Or, il nous faut ceux qui ont du métier, soit du poste de consultants à monter », précise notre interlocuteur. 

(iii) Non-rémunéré. 
Autre raison qui découragerait les experts à donner leur avis, c’est qu’il s’agit d’un travail bénévole, donc non-rémunéré.

3. Les manquements du système. 

Certaines plaintes seraient liées au système qui prévaut dans l’établissement hospitalier. À titre d’exemple, un patient qui se plaint que son médecin ne soit pas intervenu rapidement. « Lorsqu’on fait notre enquête, on se rend compte que le médecin s’occupait d’un autre patient, dont le cas nécessitait une intervention urgente. On ne peut, dans ce cas-là, blâmer le médecin. On fait alors des recommandations à l’institution pour améliorer le système, sans plus. Il s’agit de cas que nous savons à l’avance, qui ne mettent pas en cause directement le médecin. Cela prend de notre temps, mais il faut quand même aller jusqu’au bout », explique le Dr K. Jagutpal.

4. Manque de documents. 

« Il arrive qu’une affaire soit presque bouclée (tous les informations et témoignages ayant été recueillis), mais qu’il nous manque certains documents (résultats d’analyse, formulaires d’usage remplis par le personnel, etc). Nous faisons alors une requête auprès du ministère de la Santé. Parfois, cela peut prendre plus d’un mois avant que le document recherché ne nous soit envoyé», déclare Dr K. Jagutpal.

Service public : Entre 3 à 4 cas par mois

Le ministère reçoit entre trois à quatre cas de négligence médicale chaque mois. Pour le Dr Ramen, la majorité de ces plaintes ne seraient pas fondées. D’ailleurs, précise-t-il, environ 85 % des plaintes reçues seraient dûs à un manque de communication. «Néanmoins, nous faisons l’enquête de manière totalement transparente, une nécessité si nous voulons améliorer le service. Au cas contraire, les cas de négligence médicale seraient légion », dit-il.  Au cours de ces cinq dernières années, le ministère a référé 252 cas au Medical Council. Parmi, 124 cas ont été classés sans suite. À mars 2018, 60 cas faisaient toujours l’objet d’une enquête au niveau du Medical Council. Quatre cas ont été référés au Medical Disciplinary Tribunal. Trois ont été référés à la police. Dans deux cas, les médecins concernés ont été sommés de se conformer au Code of Practice. Enfin, dans 15 cas, des avertissements ont été servis (warning, severe warning, cautioned et strongly caution).


La gestion des plaintes en 10 étapes

Dr Ramen
Le Dr Ramen,  Director of Health Service.

Une plainte faite contre un médecin exerçant dans le public pour négligence médicale passe par plusieurs étapes. La plainte peut être faite au niveau de l’hôpital ou au niveau du ministère de la Santé. Dans les deux cas, c’est à l’hôpital où la faute alléguée a été commise que démarrera l’enquête. Explications…

Étape 1 
Une enquête préliminaire est initiée au niveau de l’hôpital, présidée par le Regional Health Director (RHD). Le plaignant sera appelé pour donner sa version des faits.

Étape 2 
Après enquête, si la faute n’est pas prouvée, l’affaire est classée sans suite et le plaignant en est informé. Si la faute est prouvée et qu’elle est mineure, l’affaire est résolue au niveau de l’hôpital. Si elle est considérable, le cas est référé au ministère, accompagné d’un rapport.

Étape 3 
Au ministère, un comité est mis sur pied, si nécessaire, constitué de spécialistes et de médecins issus d’autres hôpitaux « afin qu’il y ait plus de transparence et d’indépendance », souligne le Director of Health Service, le Dr Ramen.

Étape 4 
Si la faute n’est pas prouvée, l’affaire est classée sans suite et le plaignant en est informé. Si la faute est prouvée, le ministère peut choisir de sanctionner le médecin incriminé sous le règlement 42 des PSC Regulations (voir plus loin). Le ministère peut aussi choisir de référer le cas au Medical Council, sous la ‘Delegation of powers’ pour une enquête plus poussée, suivie de recommandations sous le règlement 46 des PSC Regulations (voir plus loin).

Étape 5 
Au Medical Council, un sous-comité est constitué avec au minimum trois membres du conseil d’administration du Medical Council. Le médecin est sommé de fournir ses explications, en écrit, dans un délai ne dépassant pas 14 jours. Le plaignant et le médecin sont ensuite auditionnés. « Le tout est enregistré (ndlr : audio) », précise le Dr K. Jagutpal. L’avis d’un ‘expert witness’ est aussi sollicité.

Étape 6 
L’enquête complétée, le sous-comité fait part de ses conclusions et des recommandations y relatives au Board du Medical Council. 

Étape 7 
Le Board peut alors choisir de suivre les recommandations du sous-comité : (a) que l’affaire soit classée sans suite, (b) que le cas soit référé au ministère pour demander des actions disciplinaires contre le médecin incriminé ou (c) que le cas soit référé au Medical Disciplinary Tribunal, si le Board considère qu’il faut une enquête plus poussée. « Quoi qu’il en soit, il reviendra aux 22 membres du Board de décider. Et lorsque les membres sont divisés sur la question, nous passons au vote et la majorité l’emporte », souligne le président du Medical Council. 

Étape 8 
Au niveau du Medical Disciplinary Tribunal (MDT), lequel est constitué d’un juge et de deux assesseurs qui sont deux médecins, le médecin incriminé, le président du sous-comité, le Registrar du Medical Council et le plaignant peuvent tous être auditionnés. À ce stade, le médecin incriminé peut retenir les services d’un avocat pour se défendre et contre-interroger les autres protagonistes. 

Étape 9
Le tribunal peut choisir de classer l’affaire sans suite 

Étape 10 
Au cas contraire, le Tribunal communique son jugement et les sanctions préconisées au Medical Council qui, à son tour, les communique au ministère de la Santé et à la Public Service Commission pour la mise en application des sanctions. 

Le règlement 42 des PSC Regulations préconise les sanctions suivantes, parmi d’autres :

  • L’arrêt d’augmentation (increment) pour une période ne dépassant pas un an.
  • Le report d’augmentation pour une période ne dépassant pas un an.
  • Une suspension d'un à quatre jours, sans paiement. 
  • Un avertissement.
  • Une réprimande.
  • Une sévère réprimande.

Le règlement 46 des PSC Regulations préconise les sanctions suivantes, parmi d’autres : 

  • Un renvoi
  • Retraite forcée
  • Rétrogradation ou réduction de son ancienneté
  • L’arrêt d’une augmentation (increment)
  • Le report d’une augmentation
  • Une suspension d’un à quatre jours, sans paiement. 
  • Une réprimande.
  • Une sévère réprimande
  • Le cas peut être référé à la police

Perception de cover-up

Le Dr Jagutpal confirme la perception qu’il y a dans le public que les médecins ont tendance à couvrir leurs pairs lorsqu’il y a des allégations de négligence médicale. « La manière la plus simple de le faire, c’est de refuser de déposer. Si un expert accepte de le faire et qu’il a des affinités avec le médecin incriminé, ou pas, il peut alors essayer de minimiser la gravité de la faute commise. La ankor, nou enn ti popilasyon. Nou tou fami, nou tou konn nou kamarad. Ainsi, nous n’avons d’autre choix que de considérer l’avis de l’expert », concède-t-il. 

Le président du Medical Council souligne, toutefois, que lorsque le cas est référé au tribunal, il y a plus d’indépendance. « Le tribunal interrogera le médecin incriminé, tout en s’appuyant sur l’avis d’un ou de plusieurs experts et sur les rapports soumis par le Medical Council. Ek enn ziz nou kone kouma li fer so lanket. Bien difisil pou sakouy li, sirtou kan sa ariv sa nivo la », dit-il. Sans compter que le plaignant peut contester le rapport du Medical Council. Le plaignant peut alors intenter une action au civil, contre la décision du Medical Council. 

«Mismatch»

L’un des facteurs qui accentuent cette perception, à en croire le Dr Jagutpal, c’est le ‘mismatch’ entre le service offert et l’attente du public. « Le public doit connaître le fonctionnement du système en place. À titre d’exemple, un patient, placé sur une liste d’attente pour une chirurgie, conteste le temps d’attente. Mais il faut prendre en compte que le service est gratuit et aussi connaître le système en place», soutient-il. Le public ne saurait pas non plus différencier entre une urgence et une semi-urgence, par exemple. Le Dr K. Jagutpal concède néanmoins qu’il y a encore beaucoup d’améliorations à apporter au niveau des services hospitaliers. «  Cela dépend, d’une part, du budget et, d’autre part, des compétences disponibles. Mais il faut aussi que la population fasse preuve de compréhension. Nous avons parfois un public trop exigeant», dit-il.

Contestation

À en croire le Dr Jagutpal, les décisions du Medical Council qui sont contestées en Cour sont relativement rares. Cependant, lorsque contestations il y a, ce sont les médecins trouvés coupables de fautes et sanctionnés qui contestent le plus souvent les décisions du Medical Council. « Les patients ou les proches des patients qui se sont sentis lésés sont peu nombreux à contester les décisions du Council, contrairement aux médecins sanctionnés. Sur 10 médecins, trois vont contester une sanction », estime-t-il. 


Négligence Médicale - Dr Ramen : «Hors de question de protéger un médecin»

Il en donne la garantie. Les enquêtes se font en totale transparence. C’est ce qu’a déclaré au Défi Plus le Dr S. Ramen, Director of Health Services au ministère de la Santé. Pour le Director of Health Services, il est faux de dire que les médecins se couvrent entre eux lorsque l’un des leurs fait l’objet d’une enquête pour négligence médicale. Selon lui, il faut faire la différence entre la perception et la réalité. « Lorsqu’une enquête est initiée au niveau de l’hôpital, le Regional Health Director, qui préside l’enquête, cherche avant tout à améliorer son service. Ce n’est pas parce que c’est un médecin qui est incriminé que nous allons chercher à le protéger », fait-il ressortir.

Médecin du privé

Lorsqu’une plainte est faite contre un médecin qui exerce dans le privé, le cas est référé directement au Medical Council. « Les procédures sont les mêmes pour les enquêtes. Et pour les sanctions, c’est le Council lui-même qui les applique. C’est le cas aussi pour un spécialiste qui travaille pour le compte du gouvernement mais qui offre aussi ses services dans le privé et qui a commis la faute lors de sa prestation dans le privé », précise le Dr K. Jagutpal. 

 

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