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Affidavit d’Armand Apavou : des révélations explosives sur le rachat de l’hôtel Ambre

Armand Apavou dit n'avoir rien à se reprocher dans cette affaire.

Dans un affidavit explosif, Armand Apavou, 85 ans, révèle les dessous du rachat controversé des 70 % d’actions de l’hôtel Ambre par la MIC. Il dénonce une « association de malfaiteurs » et collabore avec l’enquête de la FCC, impliquant d’anciens hauts responsables mauriciens.

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Armand Paquiry Apavou, âgé de 85 ans, représentant le groupe Apavou, a réagi sur l’enquête menée par la Financial Crimes Commission (FCC) sur la vente des 70 % d’actions de l’hôtel Ambre à la Mauritius Investment Corporation (MIC). Cela dans un affidavit de quatorze pages, juré le 16 avril 2025, devant la notaire Me Anne-Cécile Sauret à Paris.

Dans cette affaire, plusieurs personnes ont été arrêtées et inculpées à titre provisoire. Parmi, l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Harvesh Kumar Seegolam.

L’octogénaire est catégorique : « ni moi, ni mon groupe n’avons rien à nous reprocher, de loin ou de près, dans les soupçons qui sont rapportés dans les médias concernant la vente de mes actions dans l’hôtel Ambre à la MIC ». Il est revenu sur les faits depuis 2011 qui l’ont conduit à devoir céder cet actif.

« Je souhaite collaborer pleinement avec cette enquête. Même à mon âge de 85 ans, j’ai toujours le courage et la détermination d’affronter cette « association de malfaiteurs ». Je me réjouis aujourd’hui des actions menées par le gouvernement mauricien pour élucider toutes ces malversations », soutient Armand Apavou, dans son affidavit. 

2011 à 2012

  • 5 juillet 2011, l’État de Maurice, en tant que bailleur, et Armand Apavou & Co Ltd (AACL), une société privée, ont conclu un nouveau contrat de bail de 60 ans expirant le 18 juillet 2068.
  • Armand Apavou a fait construire l’hôtel Ambre sur une partie des terres de l’État à Palmar sur une superficie de 63 313 m².
  • 2011 : L’hôtel Ambre était géré et exploité par SREGH Ltée, une filiale à part entière d’AACL, elle-même détenue à 99,99 % par Apavou Hotels Ltd (AHL) et à 0,01 % par Mohamed Boodhoo.
  • 19 juillet 2011 : Sun Limited conclut une transaction avec Armand Apavou en sa qualité de bénéficiaire effectif d’AACL pour un développement et une expansion de Sun afin d’obtenir le segment d’hôtellerie quatre étoiles. 

Accord de transaction entre Sun, AACL et SREGH

  • Le 8 août 2011, il a été convenu que Sun

(a) Exploite désormais l’hôtel Ambre
(b) Rénove cet hôtel à ses normes et à ses frais
(c) Paie l’ensemble des frais d’exploitation afférents à l’hôtel et aux terrains à l’exclusion des loyers payables au titre du bail principal qui seront payés par AACL 
(d) Effectue diverses avances initiales et paiements de loyer 

L’autorisation du ministère du Logement et des terres

Selon Armand Apavou, le ministère du Logement et des terres a autorisé AACL à sous-louer à Sun les terrains sur lesquels l’hôtel Ambre est exploité. Toutefois, dit-il, AACL sera responsable du paiement du loyer des terres au gouvernement et des modalités du bail. Ainsi, le 1er octobre 2012, Sun a conclu un accord avec AACL. Il a alors été convenu que la durée du bail serait pour une période de cinq ans qui prendrait fin le 30 septembre 2017. Il ajoute que l’accord a également accordé à Sun le droit de prolonger la durée de cinq ans jusqu’au 30 septembre 2022 et, si cette option était exercée, Sun pourrait opter pour une deuxième période de prolongation de dix ans supplémentaires se terminant le 30 septembre 2032. 

2014 à 2015

Le 25 mars 2014, Sun a demandé une réduction de loyer en raison de la conjoncture économique difficile qui prévalait. Armand Apavou soutient que Sun lui a proposé d’acquérir une participation de 30 % dans le capital d’AACL pour un montant de 18 millions d’euros. Ce qui se traduirait par une réduction significative du loyer, allant de 45 % initialement à 25 % à la fin de la deuxième période de location et se présenterait sous la forme de dividendes préférentiels sur la participation de Sun. « À ce moment-là, Sun me fait signer un document, dont j’ai compris l’importance beaucoup plus tard, qui conférait à Sun une part de dividendes bien plus importante que moi malgré le fait que je sois majoritaire. Aujourd’hui, la MIC avec ses 49 % désormais acquis, devrait recevoir un dividende et je demande aux autorités de vérifier le pourcentage de ce dividende », soutient-il dans le document. 

L’affaire EastCoast Hotel Investment Ltd (EHIL) 

  • Le 8 septembre 2015, AHL et Sun ont créé EastCoast Hotel Investment Ltd (EHIL), une société privée constituée à Maurice, détenue à 70 % par AHL et à 30 % par Sun, dans le cadre d’un accord de coentreprise (joint-venture agreement).
  • Autre point soulevé par l’octogénaire : AACL, AHL, SUN et EHIL ont conclu un accord d'achat et de souscription d'actions, aux termes duquel EHIL a acquis auprès d’AHL 709 999 actions, représentant 99,99 % du capital social d’AACL, ainsi que la part restante de 0,01 %, détenue par Mohamad Hassam Boodhoo. Ce dernier a ensuite vendu son action pour un montant de Rs 26 000 000.
  • Le 8 septembre 2015, AACL et SUN ont également signé un avenant au contrat de sous-location et de bail, modifiant les conditions relatives au loyer annuel pour la deuxième période de cinq ans.

2017 à 2018 

  • Armand Apavou révèle, dans l’affidavit, qu’en 2017, AACL était endettée auprès de plusieurs institutions, dont la Mauritius Revenue Authority (MRA) et l’État. Pour honorer ses engagements, AACL s’est alors tournée vers SUN afin d’obtenir une avance sur le loyer à venir.
  • Selon lui, le 13 janvier 2018, SUN a accepté de payer à l’avance le montant du loyer impayé pour la période restante de la deuxième période de location (2018-2022). Ce paiement a été effectué sous réserve qu'une deuxième modification soit apportée au contrat de sous-location et de location. Ainsi, ces sommes ont été utilisées pour régler les arriérés de loyers dus à l'État, notamment au ministère du Logement et des Terres et à la MRA.

2020 à 2021 : pandémie de la COVID-19

  • Armand Apavou souligne les difficultés engendrées par la pandémie de la COVID-19. Il mentionne que le 7 mai 2020, SUN a adressé une demande à AACL pour :

(a) obtenir une prolongation du délai pour exercer la deuxième option de renouvellement, initialement fixée au 30 septembre 2020 ; 
(b) prolonger la période de location du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2022, sans frais supplémentaires, en invoquant la fermeture des frontières pendant la pandémie. Malgré le fait que l’hôtel ait été utilisé comme établissement de quarantaine et que SUN ait bénéficié d’un prêt de Rs 4 milliards de la MIC pour traverser cette période, Armand Apavou juge cette demande comme « contradictoire ».

  • Dans son affidavit, l’octogénaire affirme avoir refusé d’accorder une extension gratuite de deux ans au groupe SUN. Cependant, il précise avoir consenti à une période de trois mois sans frais, en indiquant que la fin du bail est fixée au 31 décembre 2022.
  • Il évoque avoir, le 4 décembre 2020, demandé un loyer total de 50 millions d'euros pour le renouvellement d'un bail de 10 ans, du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2032, comme suit : (i) un acompte de 10 millions d'euros en janvier 2023 pour payer la MRA et la SBM ; et (ii) 40 millions d'euros amortis mensuellement à hauteur de 278 000 euros jusqu'en décembre 2032. Il affirme que cette requête était justifiée et équitable, mais n’a jamais abouti.

2022 à 2023 : la cession de 70 % du capital social d'Ambre Hotel 

  • Le 5 mai 2022, EastCoast Hotel Investment Ltd (Eastcoast) a été incorporée à Maurice, avec Armand Apavou & Co Ltd détenant 70 % des actions émises, et François Eynaud représentant SUN, détenteur des 30 % restants. Eastcoast a ensuite confié un mandat de vente à Premium Investments (Mauritius) Co Ltd, une société de droit français dont l’administrateur est Adriano Barnes, en vue de la vente de 100 % du capital social de l'hôtel Ambre pour un prix demandé de 110 millions de dollars.
  • « En juin 2020, j’avais déjà reçu une lettre d’intérêt d’un groupe étranger qui était intéressé à reprendre les 100 % de l’hôtel Ambre pour 100 millions d’euros », explique l’octogénaire 
  • Il soutient avoir « sollicité plusieurs agents professionnels pour rechercher des acquéreurs potentiels pour la vente de 70 % du capital social de l'hôtel Ambre. Dès 2018, j’avais mandaté le cabinet Prime Pillar pour établir un rapport d’évaluation de l’hôtel Ambre. Celui-ci avait conclu à une valeur de Rs 2,5 milliards pour 70 % des parts. Après six ans, je me pose la question : à Maurice, est-ce que l'immobilier, surtout pour un hôtel pieds dans l’eau, a diminué au point qu’on vienne dire que ces actions valent en 2024 moins qu’en 2018 ? De toute façon, j’avais exigé un prix auprès de la MIC », déclare-t-il dans l’affidavit.
  • L’octogénaire souligne avoir délégué l'un de ses employés, Mahen Rajkoomar, pour entreprendre les démarches relatives à une demande de prêt auprès de la MIC, à la suite de la pandémie de COVID-19. Il indique ainsi avoir confié à Verde Frontier Solutions Ltd, représentée par Dirish K. Noonaram, la mission de traiter avec la MIC en vue de finaliser la demande de prêt. Cette société avait également la responsabilité de vendre l’hôtel Ambre, l’hôtel Bougainville et l’hôtel Les Cocotiers à tout investisseur potentiel à l’international. 

Recours judiciaires 

  • Le 7 décembre 2022, le groupe Sun a fait une demande d’injonction devant la Cour suprême pour empêcher Armand Apavou & Co Ltd de résilier le sous-bail et le contrat de location le 31 décembre 2022. Armand Apavou affirme qu’il a, entretemps en décembre 2022, eu une rencontre avec François Eynaud et Tommy Wong, CEO et CFO de Sun Resorts respectivement, à l’hôtel Labourdonnais. La discussion portait sur la MIC pour le rachat des 70%. « À ma grande surprise, cela a conforté le groupe Sun qui s’est alors dit prêt à ne pas aller de l’avant avec l’injonction déposée en Cour. Mais, cela n’a pas été fait », relate-t-il. 
  • Il évoque que le 28 février 2023, à la demande de Sun, un arbitre a été nommé pour trancher sur le différend entre les parties, conformément à la clause 21.1 du contrat de sous-location et de bail et (ii) a annulé l'ordonnance provisoire. Cependant, le processus d’arbitrage n’a jamais débuté. Il dit avoir appris auprès des entrepreneurs et banquiers que l’hôtel Ambre allait être mis en liquidation. 
  • « Je savais que ces menaces étaient fondées, ayant vécu la même chose lorsqu’on m’a « volé » mes hôtels La Plantation et Indian Resort en 2014 », mentionne-t-il dans son affidavit. 
  • Il évoque par ailleurs « qu’au même moment, le groupe Sun Resorts exerce un certain nombre de pressions sur nous sous prétexte que nous ne respections pas son droit de première option d’acquisition de nos actions et on me fait savoir qu’il ne paiera pas plus de 45 millions d’euros pour les 70%. À cette époque, j'avais des offres potentielles par l’intermédiaire d’autres contacts autour de 60 millions d’euros pour mes 70% et des visites allaient être programmées. 

2024 

Armand Apavou déclare qu’en janvier 2024, il reçoit de la part de Verde, au nom de la MIC, une offre ferme de 48 millions d'euros pour l’achat de 70% du capital social de I'hôtel Ambre. « À aucun moment un montant de 2,1 milliards de roupies ne m’a été communiqué ni même proposé. J’étais extrêmement réticent mais étant donné la crainte qu’on allait tout me « voler » une fois de plus, j’étais enclin à fléchir », dit-il dans le document. Il cite la documentation de transaction en date du 15 mai 2024 qui a été signée, par laquelle Eastcoast a vendu 1 596 actions entièrement libérées d'une valeur nominale de 30 075 EUR I’action, représentant une participation de 70 % dans le capital social émis de la société à l’entreprise acheteuse pour et en contrepartie de la somme de 48 millions d'euros. 

Le transfert, allègue-t-il, a été effectué pour la somme de Rs 2 380 800 003 sur le compte du notaire de la MIC. Il ajoute qu’ « aujourd’hui, je ne comprends pas pour quelle raison les comptes d’Apavou Hotels Ltd ont été gelés. (…..) J’insiste sur le fait que mes 70% d’actions dans l’hôtel Ambre valaient plus que les 48 millions d’euros vendus à la MIC. D’ailleurs en 2014, j’ai vendu 30 % de l’hôtel au groupe Sun Resorts pour 18 millions d’euros, et dans les termes du contrat, Sun devait entretenir l’hôtel et faire les rénovations nécessaires. (….)Tout cela ajouté aux pressions exercées et à la crainte de voir mon groupe être liquidé, j’ai dû me courber pour sauver le reste de mes actifs à Maurice et accepter de vendre à 48 millions d’euros, sinon j’allais finir comme Dawood Rawat.» 

Menaces de saisie de l’hôtel Ambre 

Armand Apavou évoque qu’en dépit des menaces de saisie de l’hôtel, la société Verde a continué ses démarches pour l’aider à lever des fonds, « d’autant plus que pendant plusieurs mois nous n’avions plus de nouvelles de la MIC ». Vers la fin de l'année 2022, ni la demande de prêt auprès de la MIC, ni la vente de 70 % du capital social de I'hôtel Ambre, n'ont abouti.

Rencontre avec Jitendra Bissessur, ex Chief Executive Officer de la MIC 

Armand Apavou allègue que Jitendra Bissessur lui a fait comprendre que la MIC ne pouvait accéder à cet emprunt pour payer les dettes de l’État. « Lors de cette conversation, le CEO de la MIC nous fait part de la possibilité du rachat de nos actions par la MIC. Je leur informe donc que d’après notre estimation actuelle, 80 M d’euros pour la totalité de I’hôtel, nous sommes vendeurs des 70% à un montant de 56 M d’euros.

Après quelques discussions, Jitendra Bissessur nous fait une offre à 52 M d’euros. Sur le principe, j’accepte cette offre et nous repartons donc de la MIC avec un accord verbal de rachat à 52 M d’euros. Nous avions quand même été surpris de cette offre, car à notre connaissance la MIC n’avait pas vocation à acquérir des biens immobiliers. Mais on nous explique que désormais la MIC va fonctionner comme une foncière immobilière et acquérir des biens à Maurice. »

Rencontre avec l’ex ministre des Finances, Renganaden Padayachy 

L’octogénaire dévoile, dans son affidavit, avoir rencontré I’ex ministre des Finances en deux ou trois occasions et lui avoir présenté ses projets de développement futurs, incluant le sujet de la vente des actions de l’hôtel Ambre. « Renganaden Padayachy m’a fait comprendre que la MIC pouvait considérer cette offre (….) Maintenant, je comprends tout le scénario de cette machination pour que j’accepte de vendre à la MIC et que Sun devienne propriétaire majoritaire avec 51% par la suite », allègue-t-il. 

 

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