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Affaire Adani Group : Maurice et sa récurrente étiquette de paradis fiscal

L’affaire Adani risque de porter préjudice à notre juridiction.
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L’enquête d’Hindenburg Research sur Adani Group pourrait porter préjudice à la réputation de la juridiction mauricienne. Or, divers opérateurs clament bec et ongles que le cadre de Maurice ne permet pas de mettre en place une société-écran.  

Le fait que Maurice se retrouve mentionné dans des enquêtes de fraude ou à celles liées au blanchiment d'argent n’est pas inédit. Dans le passé déjà, les affaires Platinum card avec Alvaro Sobrino et Isabel Dos Santos ou encore les Pandora Papers avaient défrayé la chronique. À croire que chaque année dispose de son lot de scandales associés au secteur financier mauricien.  L'affaire Adani Group est loin d'être une tempête dans un verre d'eau alors que la juridiction mauricienne est en phase de reconstruction de son image. Celle-ci avait été lourdement secouée par l'inclusion de Maurice sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI), celle de l'Union européenne, ainsi que la liste de « High-risked countries » du Royaume-Uni.

Être mentionné dans ce genre d'affaires porte préjudice à notre juridiction, selon Yotsna Lalji-Venketasawmy, CEO de Konformitas. Elle explique que de gros efforts ont été consentis pour que Maurice soit conforme aux recommandations du GAFI afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En tant que centre financier international, la réputation du pays est ainsi exposée dans l’affaire Adani. 

Roshaan Kulpoo, expert dans l’inclusion financière en Afrique, craint qu’un nouveau scandale financier n’entraîne une nouvelle rétrograde de la notation de Moody’s. « Maurice a la note Baa3. Une nouvelle rétrograde mettrait la juridiction dans une position embarrassante », soutient-il. 

La croissance du nombre de Management Companies (MC) à Maurice suscite également quelques interrogations. Selon lui, avec environ 200 MC à Maurice, les Management Companies de petite envergure se bousculeraient pour les affaires, ce qui pourrait pousser certaines d’entre elles à accepter des clients à haut risque. D’où la nécessité, pour Roshaan Kulpoo, que la Financial Services Commission (FSC) renforce son rôle de chien de garde. 

Pour autant, étant bien réglementé, Maurice ne serait pas un paradis fiscal selon Yotsna Lalji-Venketasawmy. D’ailleurs, une délégation du GAFI est venue au pays en septembre 2021 pour s'assurer de l'implémentation des lois en vigueur par rapport à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. « Nous sommes également suivis par l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) concernant l'efficacité. Maurice dispose d'un cadre qui est largement conforme aux recommandations du GAFI », argumente-t-elle.

Roshaan Kulpoo, expert dans l’inclusion financière en Afrique, Lalji-Venketasawmy,  CEO de Konformitas et Shahannah Abdoolakhan,  CEO d’Abler Consulting.
Roshaan Kulpoo, expert dans l’inclusion financière en Afrique, Lalji-Venketasawmy,  CEO de Konformitas et Shahannah Abdoolakhan,  CEO d’Abler Consulting.

Qu'est-ce qu'une société-écran ?

Techniquement illégale et créée à des fins de blanchiment d'argent, une société-écran est une entreprise qui n'a pas d'activités commerciales réelles.

Sociétés-écrans

Maurice compte-t-il des sociétés-écrans sur son sol justifiant ainsi sa catégorisation de paradis fiscal ? Il faudrait être extrêmement osé et user des méthodes subtiles pour contourner les lois en vigueur au pays selon les opérateurs. L’exercice de « due diligence » est un processus continu. Shahannah Abdoolakhan, CEO d’Abler Consulting, souligne de ce fait qu’il n’y a pas de sociétés-écrans à Maurice, car il faut que les entreprises divulguent les « beneficial owner » des fonds. « Une société qui dirige un fonds doit tout savoir sur le client.. Dans l’éventualité que ce dernier ne révèle pas les informations nécessaires et en cas de suspicion, il y a une procédure à suivre pour rapporter », fait-elle comprendre. Il faudrait aussi connaître l’organigramme de toute société opérant dans le secteur financier. Shahannah Abdoolakhan ajoute que l’audit de conformité ou l’audit financier sont également des contrôles, de même que les tests de transaction. 

Quid de l’exercice de « Know Your Customer » (KYC) pour des conglomérats comme Adani Group ? Selon une source, cet exercice peut être plus compliqué, car il y a plusieurs couches. Là encore, l’aspect de  « beneficial ownership » entre en jeu. La Financial Services Commission a confirmé qu’Adani Group totalise 38 entités et une dizaine de fonds à Maurice mis en place entre 1996 et 2012. Ce qui signifie que ces fonds ont été implantés bien avant le renforcement du cadre réglementaire suivant les exigences du GAFI. Toutefois, notre source précise que, d’après la loi, les clients existants ont l’obligation de se référer au « Customer Due Diligence » (CDD). « Certes, cela peut être compliqué pour certaines structures, mais le CDD s’effectue sur la base de la matérialité et du risque », poursuit notre interlocuteur. 

Rôle du régulateur

Un observateur, souhaitant garder l’anonymat, voit l'affaire Adani comme un test pour la Financial Services Commission. Selon lui, quatre fonds basés à Maurice, en l’occurrence, Elara India Opportunities Fund, Cresta Fund, Albula Investment Fund et APMS Investment ont attiré l'attention pour avoir placé presque tout leur argent dans des sociétés contrôlées par le milliardaire indien Vinod Adani. Ces fonds, dit-il, investissent dans des entreprises qui ont fini par faire défaut ou ont fait l'objet d'une enquête pour malversation. « Les vieilles méthodes de régulation de la FSC nous ont valu une place sur les listes grises du GAFI et de l'UE. Ces derniers développements ne sont pas bons pour le secteur financier qui pourrait être à nouveau en danger après avoir travaillé si dur pour mettre en place les législations et les mesures nécessaires », argue-t-il. D’ailleurs, Yotsna Lalji-Venketasawmy, CEO de Konformitas, soutient que le risque d’être de nouveau inclus sur la liste grise du GAFI est présent. Les efforts des autorités locales, avance-t-elle, se sont axés sur la conformité technique. « Cependant, cela diffère de l’efficacité dont le niveau est reflété sur le rapport. La prochaine évaluation de l’ESAAMLG déterminera si Maurice s’est amélioré ou pas du point de vue de l’efficacité », déclare-t-elle. 

Mahen Seeruttun, ministre des Services financiers : « J’insiste sur le fait que Maurice ne compte pas de société-écran »

Mahen SeeruttunPlus d’une semaine après l’enquête d’Hindenburg Research sur Adani Group et dans lequel le nom de Maurice a été mentionné, où en est-on du point de vue des autorités ?
Adani Group est un conglomérat qui se trouve dans plusieurs centres financiers à travers le monde. J’insiste sur le fait que Maurice ne compte pas de société-écran (« shell company »). Notre juridiction est conforme aux standards du Groupe d’action financière (GAFI) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est pour cela qu’il y a des inspections et des supervisions. Il y a également un « filing » qui doit être effectué chaque année par les sociétés par rapport à leur activité. Il convient de souligner que d’autres pays ont également été mentionnés dans cette enquête. Pour autant, est-ce que leurs médias y rédigent des articles sur le sujet comme c’est le cas à Maurice ?  

Cette affaire peut-elle avoir des répercussions sur la juridiction alors que le pays vient de sortir des listes préjudiciables ?
Au risque de me répéter, l’Europe aussi bien que les îles des Caraïbes figurent dans les retombées de cette enquête. Pourtant, il n’y a pas d’acharnement de la part de leurs médias locaux. Ce n’est pas uniquement Maurice qui est pointé du doigt. Nous nous sommes mis en conformité avec les standards internationaux. Il faut qu’une société démontre de la substance pour obtenir une licence à Maurice. Le groupe Adani a d’ailleurs publié un communiqué pour répondre aux questions d’Hindenburg Research. Je ne suis pas là pour défendre le groupe Adani. Ce que je peux dire c’est que les allégations contre le pays sont totalement fausses et infondées.    

Maurice est de nouveau pointé du doigt comme étant un paradis fiscal. Que répondez-vous à cela ?
On continue à chaque fois de marteler que Maurice est un paradis fiscal. Les institutions comme l’OCDE ont des critères stricts quant au paradis fiscal et Maurice n’est pas considéré comme tel. Nous avons entrepris beaucoup d’efforts pour que le pays soit blanchi des listes de l’OCDE et du GAFI. 

L’atelier de travail par l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique axé, notamment sur la fiscalité et lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, s’est tenu à Maurice du 26 au 30 janvier. Une centaine de délégués représentant 35 pays étaient présents. Ont-ils évoqué l’affaire d’Adani Group ?  
À aucun moment, les membres n’ont abordé ce sujet. Les personnes qui opèrent dans ce secteur ont le discernement, car ils connaissent le fonctionnement d’un centre financier. 

Vous serez à la tête de la délégation mauricienne pour la mission de promotion en Inde du 6 au 13 février prochain. Prévoyez-vous d’aborder l’affaire d’Adani Group avec les autorités indiennes ?
Cette mission est effectivement une campagne de promotion. Nous présenterons Maurice comme une juridiction qui jouit d’une certaine réputation. Avoir de la substance est un élément important pour les sociétés qui envisagent de s’implanter à Maurice. Nous mettrons cet aspect en avant comme nous l’avons toujours fait.

 

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