Il est sans équivoque. Atteindre l’immunité collective face à la pandémie de la COVID-19 n’est qu’une illusion. C’est l’avis du Britannique Adam Hamdy, chercheur, écrivain et scénariste qui a consacré des recherches poussées sur le coronavirus et son dernier variant Omicron.
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Vous êtes arrivé il y a quelques jours avec votre famille pour vous installer à Maurice dans un moment où la COVID-19 est très présente. Vous sentez-vous en sécurité ?
Ma famille et moi sommes arrivés à Maurice en octobre. C’est un pays magnifique et nous nous sentons en sécurité par rapport à la situation de la COVID-19. Une fois que l’on a compris le mode de transmission du SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19, il est possible de se protéger de l’infection et votre pays présente de nombreux avantages naturels à cet égard.
Selon les experts, un seul niveau de protection ne suffit pas à se débarrasser partiellement de la COVID-19. L’île Maurice doit-elle adopter un système à plusieurs niveaux de prévention ?
Les pays qui ont mis en œuvre des stratégies à plusieurs niveaux – ventilation, filtration, masques, tests efficaces, dépistage, isolement, soutien et vaccination – s’en sont bien mieux sortis que ceux qui ont tenté des stratégies de détection massive ou de vaccination uniquement. Certains scientifiques et commentateurs, dont moi-même, ont mis en garde contre la situation qui se présente avec Omicron. Les humains ne conservent pas une immunité prolongée contre les coronavirus et, puisque nous n’avons pas éliminé le virus lorsque nous en avions la possibilité, nous devons mettre en œuvre des stratégies à plusieurs niveaux si nous voulons réussir à vivre avec lui à long terme.
Le choix est simple : le vaccin ou l’infection"
Il y a encore des gens qui doutent de l’efficacité des vaccins. Qu’avez-vous à dire concernant ce scepticisme ?
Il suffit de regarder les graphiques au Royaume-Uni, où il y a eu une énorme vague d’infections, mais beaucoup moins de décès et d’hospitalisations par rapport aux vagues précédentes pour voir à quel point les vaccins sont efficaces et sûrs. Avec des niveaux élevés d’infection dans la communauté, les gens sont maintenant confrontés à un choix simple : être infectés ou se faire vacciner.
Le nouveau variant, Omicron, est très préoccupant, car il pourrait changer le cours de toute la pandémie, comme l’a fait Delta. Quelles sont les mesures à prendre dans un premier temps ?
Les pays doivent décider s’ils croient toujours que l’infection naturelle est un avantage net ou si, comme les événements l’ont démontré, l’immunité collective est une illusion lorsqu’il s’agit d’un coronavirus. Si les pays veulent supprimer la transmission, il existe de nombreuses preuves de la manière de le faire sans restrictions et fermetures coûteuses, qui nuisent aux personnes et à leurs moyens de subsistance. Si l’île Maurice ne pouvait prendre qu’une seule mesure, je recommanderais l’introduction immédiate d’un mandat universel pour les masques N95/KN95. L’île dispose d’une excellente ventilation et les masques protégeraient là où la ventilation ne peut faire le travail. Les masques N95 universels n’entravent pas l’activité économique ou le tourisme et constitueraient une mesure durable à long terme.
Vous attendez-vous à ce que l’évolution se poursuive parce qu’Omicron est plus transmissible et qu’il développe une plus grande résistance immunitaire ?
Il s’agit d’un coronavirus du SRAS, il ne sera jamais l’un des gentils coronavirus endémiques qui causent le rhume. Aucune preuve scientifique ne vient étayer l’idée répandue selon laquelle il s’atténuerait ou s’affaiblirait avec le temps. En fait, les études en laboratoire suggèrent le contraire. Lorsque le SRAS a été transmis à des souris, il est devenu plus virulent à chaque cycle d’infection. L’évolution que nous avons observée jusqu’à présent avec le SRAS-CoV-2 confirme la direction prise par ces expériences. C’est ce qui avait été prédit en février 2020. Le SRAS-CoV-2 est au début de son parcours chez l’homme. Nous devons nous attendre à une nouvelle évolution et à un plus grand échappement immunitaire.
L’île Maurice peut-elle prévenir le variant Omicron avant qu’elle ne se propage dans le pays ?
Il n’y a aucun moyen d’empêcher l’arrivée d’Omicron et je soupçonne, vu la dispersion observée dans le monde, qu’il est déjà là. Les interventions non pharmaceutiques que j’ai décrites ci-dessus fonctionnent contre tous les variants. Les propriétés biologiques du virus ont changé, mais les propriétés physiques sont restées les mêmes. Les vaccins auront toujours un effet positif, en particulier peu de temps après la vaccination, lorsque les taux d’anticorps sont les plus élevés. Faites le rappel si on vous le propose.
Les masques N95 agissent comme un confinement sans avoir d’impact sur l’économie."
Certains disent qu’un confinement complet est la solution. Êtes-vous d’accord ?
C’est une question à laquelle on ne peut répondre qu’en examinant la capacité des hôpitaux. Si Omicron poursuit la trajectoire qu’elle affiche en Afrique du Sud, un confinement devient indispensable en l’absence d’autres mesures pour éviter que le système de santé ne soit débordé. On m’a demandé de soumettre un rapport au gouvernement britannique en février 2020 sur la pandémie imminente. J’ai suggéré un confinement préventif de quatre semaines afin de laisser le temps de mettre en place un système efficace de test, de traçage et d’isolement. Les confinements sont des mesures d’urgence et ne sont pas viables à long terme en raison de la dévastation économique qu’ils provoquent. Les pays doivent apprendre à vivre avec le virus à long terme. Les scientifiques du monde entier – les professeurs Kimberley Prather, David Fisman, Jose-Luiz Jimenez, Linsey Marr, Trish Greenhalgh – ont essayé d’éduquer et d’informer les gouvernements sur les moyens de réduire la transmission et de retrouver notre monde. Malheureusement, il existe un puissant lobby de désinformation qui tente de convaincre les gens que nous pouvons simplement revenir à 2019 sans aucune mesure de protection.
L’île Maurice est passablement bien vaccinée, mais le concept d’immunité collective est-il toujours valable et applicable ?
Je considère la vaccination comme une protection personnelle contre les conséquences graves de l’infection. Il y a un certain frein à la transmission, mais les vaccins ne supprimeront pas le virus, car ils ne sont pas stérilisants et l’immunité diminue avec le temps. L’immunité collective, telle qu’elle est communément comprise, a peu de chances d’être atteinte si le virus continue d’évoluer à un tel rythme.
Devons-nous fermer les frontières pour empêcher Omicron de se propager ?
Je ne pense pas que la fermeture des frontières soit durable, en particulier pour un pays qui dépend autant du tourisme. Au lieu d’y penser dans l’abstrait, prenons l’exemple d’un touriste infecté. Disons que Maurice impose le port du masque N95 sur tous les vols à destination de l’île. Même si la conformité n’est pas totale, un touriste infecté sur ce vol ne contaminera que les autres passagers qui ne portent pas leur masque correctement. Une fois sur place, les masques N95 portés par les habitants les protégeront de l’infection par tout touriste infecté. Ces masques agissent comme un confinement sans avoir d’impact sur l’économie.
Les chercheurs sont mis à l’épreuve avec les nouveaux variants. Seront-ils capables de trouver de nouveaux vaccins en prévision de nouveaux variants ?
On craint de plus en plus que le virus n’évolue pour incorporer des éléments de protéines humaines dans sa structure. Omicron a incorporé une partie du gène TMEM245 dans sa séquence. Si ce processus se poursuit, il pourrait être plus difficile de développer des vaccins efficaces à l’avenir. Pour l’instant, il semble que les vaccins puissent être mis à jour et les fabricants ont déjà annoncé le développement de versions pour contrer Omicron.
Pouvons-nous nous attendre à des variants encore plus agressifs dans un avenir proche ?
Nous devrions supposer que le virus continuera à évoluer vers l’échappement immunitaire parce qu’il a besoin d’un tel avantage pour à se transmettre. Sa survie dépendra bientôt de sa capacité à infecter des hôtes qui ont déjà été infectés. C’est ce que font les coronavirus endémiques et c’est donc une propriété de la famille. Le SRAS-CoV-2 se transmet pendant une phase pré-symptomatique ou asymptomatique, il n’y a donc aucun avantage évolutif à une maladie plus bénigne.
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