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Abdel, 5 ans, disparu en Algérie - Son père : «Rendez-moi mon fils» 

Ce jeune père se demande pourquoi les autorités ne réagissent pas pour ramener le petit Abdel.
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Où est le petit Abdel ? C’est la question que se pose Zjamil C. Divorcé, ce père a obtenu la garde de son fils de 5 ans et sa femme un droit d’hébergement. Selon un ordre devant la Cour en accord avec le père, le petit est allé en vacances en Algérie avec sa mère. S’il devait rentrer le 30 décembre, un mois et demi plus tard, il a disparu. La dernière fois que Zjamil lui a parlé au téléphone, c’était le 8 janvier. Il a alerté les autorités locales et internationales. 

« Il ne me reste que des photos, des vidéos, des images que j’ai beaucoup de mal à regarder », avance Zjamil C. Assis sur une chaise, il ne cesse de manipuler son téléphone. Il passe en boucle les vidéos et autres photos de son fiston. Les yeux tristes, il se remémore chaque moment passé avec lui. Une peine que partagent sa sœur et toute sa famille qui veulent, elles aussi, avoir des nouvelles du petit Abdel. 

Le petit Abdel était très attaché avec son père.
Le petit Abdel était très attaché avec son père.

Que s’est-il passé ? Comment se fait-il que Zjamil n’ait plus de nouvelles de son fils et de son ex-épouse ? Pour cela, il faut remonter à quelques années. « J’ai épousé une Algérienne en 2010. Nous nous sommes mariés à Maurice et nous étions d’accord de vivre ici. Abdel est né en 2013. Quelques années plus tard, notre couple a commencé à battre de l’aile. Cela, parce que je ne pouvais pas lui payer des vacances en Algérie plus d’une fois par an comme elle le voulait. En 2016, elle m’avait demandé de lui payer son billet pour des vacances avec ses proches. Elle devait y passer deux mois. Elle est partie seule et y a passé sept mois », raconte le père d’Abdel. 

Je n’oublierai jamais son regard… Ses petits yeux tristes alors qu’elle l’emmenait loin de moi"

Entre-temps, Zjamil entame des procédures de divorce. «Mon ex-épouse est revenue à Maurice en octobre 2016. Elle est allée vivre chez des amis. Nous avions alors convenu d’un divorce à l’amiable pour des raisons pratiques. À un certain moment, elle avait laissé entendre, via son homme de loi, qu’elle acceptait de me donner la garde de l’enfant si je lui accordais un droit d’hébergement. Le jugement entre les mains, j’ai demandé à la Cour une variation, car les lois algériennes sont différentes des nôtres. Nous n’avons, avec l’Algérie, pas d’accord de juridiction pour que ce droit d’hébergement ne soit exercé qu’à Maurice ». 

Bataille légale

S’engage alors une vraie bataille légale. Zjamil fait une requête à la cour, réclamant une injonction afin que son épouse ne puisse pas quitter le territoire mauricien avant qu’ils ne soient fixés sur les modalités de la cour. « Durant tout le temps qu’Abdel a passé avec moi, j’ai respecté toutes les conditions imposées par la cour. Je sais que si mon ex quitte le territoire avec notre enfant, il me sera difficile de le faire revenir. Je me suis donc battu pour que mes objections soient prises en considération. L’injonction a été levée. Elle est rentrée en Algérie, puis en novembre 2018, elle m’a fait savoir qu’elle était à Maurice. J’ai entre-temps multiplié les démarches de peur que, par inadvertance, les officiers de l’Immigration la laissent passer avec mon enfant ». 

C'est un homme abattu qui a reçu Le Défi Plus.
C'est un homme abattu qui a reçu Le Défi Plus.

Ainsi, selon ses dires, le Parquet et le ministère de l’Égalité des genres ont été appelés à donner leur avis sur cette affaire et, le 20 novembre 2018, dans un affidavit, son ex-épouse a juré de respecter toutes les conditions imposées par la cour et de revenir avec l’enfant à Maurice. 

Dans cet affidavit, on peut lire : « Furthermore, I aver should I fail to comply with any order of this Court with respect to the return of my child to Mauritius, I would be amenable to criminal proceedings in Algeria for an offence under article 328 of the Code Pénal and liable to imprisonment upon conviction ». 

Sauf que, selon Zjamil, étant lui un citoyen mauricien, cela ne s’applique pas dans son cas. Il l’avait clairement fait ressortir dans l’affidavit qu’il avait juré de son côté : « I further aver that there is a great and real risk that if ever the Respondent does not wish to return the child back to Mauritius during his stay in Algeria, there will be no remedy and/or avenue to bring the said child back to Mauritius». Selon le père, ses craintes se sont matérialisées.

Aucun au revoir

Le 23 novembre, selon les conditions, il est convenu entre les deux parties que la mère (i) dépose une garantie de Rs 50 000, (ii) qu’elle emmène l’enfant en vacances en Algérie, (iii) qu’elle autorise le père à parler à son fils trois fois par semaine et (iv) qu’elle le ramène à Maurice le 30 décembre. 

« En quittant la cour ce jour-là, je n’ai eu à peine quelques minutes pour préparer quelques affaires pour Abdel avant qu’il ne parte avec sa mère. À 17 heures, je devais le déposer au poste de police pour qu’elle le récupère. Mon fils pleurait et voulait rester avec moi. Je ne savais pas que c’était la dernière fois que je le voyais. Je n’oublierai jamais son regard… Ses petits yeux tristes alors qu’elle l’emmenait loin de moi ». 

Le 30 décembre, Zjamil se rend à l’aéroport, mais son fils n’y est pas. « J’avais réclamé plusieurs documents à travers la cour, comme une copie du nouveau passeport qu’elle a obtenu pour lui, mais en vain. Lorsque j’ai appelé mon ex, elle m’a dit que l’enfant pleurait avant de prendre l’avion. Le 8 janvier, alors que je parlais à mon fils, la mère a raccroché le téléphone. Depuis, tous mes appels, mes messages et e-mails restent sans réponse », déplore le père.

« Rendez-moi mon fils » 

« J’ai écris aux autorités locales et internationales. Je veux récupérer mon fils. Est-ce que nous vivons dans un État de droit ? Je ne comprends pas comment mon ex-femme a eu plus de droits que moi dans mon propre pays ? Et comment se fait-il que les autorités croisent les bras et ne se mettent pas à rechercher mon fils qui est un citoyen mauricien ? En sus, obtenir un visa pour l’Algérie est un véritable parcours du combattant. On m’a enlevé mon fils, rendez-le moi », poursuit le jeune homme.
Selon la législation algérienne, toute décision de justice étrangère  ne peut y être exécutée.

Le contenu de l'affidavit est clair : la mère doit retourner Abdel  à Maurice après son voyage en Algérie.
Le contenu de l'affidavit est clair : la mère doit retourner Abdel à Maurice après son voyage en Algérie.

Le père réclame l’intervention du Bureau du Premier ministre 

Dans une lettre adressée au Premier ministre, Zjamil C. demande aux autorités d’intervenir auprès de l’Algérie afin qu’il puisse récupérer son enfant. «Pour l’heure, je suis déçu. On m’a adressé un courriel de quatre lignes. On me demande de m’adresser au ministère des Affaires étrangères et à celui de l’Égalité des genres. Or,  j’attends toujours des réponses de ces ministères. Je me demande pourquoi les officiers du ministère de l’Égalité des genres n’ont pas attiré l’attention de la Cour sur les risques de laisser mon enfant partir en Algérie», explique Zjamil. 

L’Algérie signataire de la Convention internationale des droits de l’Enfant 

Signataire de cette convention depuis le 13 avril 1993, les autorités algériennes ont le devoir de respecter les droits de l’enfant. C’est pour cette raison que le père a écrit aux Nations Unies afin de réclamer de l’aide pour que son fils lui soit rendu. « J’espère que ma voix sera entendue. Je ne veux pas que mon fils pense que je l’ai abandonné. Il attend de me revoir. Il devait reprendre l’école le 10 janvier. Je ne peux même plus lui parler au téléphone. Je n’ai absolument aucune nouvelle. Je ne sais pas s’il est toujours en Algérie. » Contacté, le ministère de l’Égalité des genres n’a pas répondu à notre appel.


Le code algérien de la famille

Source : Internet

Inspiré de la charia (loi islamique), le code de la famille algérien a été adopté en 1984. Il prévoyait le droit pour l’homme de contracter un mariage avec plus d’une épouse dans la limite de la charia (soit quatre femmes) ; un rôle central au « tuteur matrimonial » de la future épouse pour valider le mariage; l’obligation pour la femme « d’obéir à son mari » et des dispositions très défavorables à la femme en matière de divorce.

Pour travailler ou voyager, la femme devait solliciter l’autorisation de son père, de son mari ou de son oncle. Ce texte contredisait la charte nationale de 1976 et la Constitution de 1989 affirmant toutes les deux l’égalité entre tous les citoyens.

Le code a été révisé en 2005, dans le sens d’une prise de distance avec l’interprétation la plus rigoriste de la loi islamique. Ainsi, la priorité de la garde des enfants a été accordée à la mère divorcée – alors qu’auparavant elle relevait automatiquement du père – et ce dernier est dans l’obligation d’assurer un logement à ses enfants mineurs.

Si la femme se remarie, elle perd cependant ce droit de garde. Par ailleurs, la polygamie a été maintenue, tout en étant soumise à l’assentiment de la première femme.

Dans un jugement, la cour rappelle que le père savait qu'il y avait des risques que l'enfant ne retourne pas au pays et reste avec sa mère en Algérie.
Dans un jugement, la cour rappelle que le père savait qu'il y avait des risques que l'enfant ne retourne pas au pays et reste avec sa mère en Algérie.

Darmen Appadoo, de SOS Papas : « C’est un kidnapping déguisé » 

Il ne mâche pas ses mots. Darmen Appadoo, président de SOS Papas, est d’avis que les droits de Zjamil en tant que père ont été bafoués ainsi que ceux de son fils : « Un citoyen mauricien est retenu contre son gré dans un autre pays et les autorités mauriciennes ne bougent pas ? C’est inacceptable. Nous allons attirer l’attention des instances internationales. C’est un crime à chaque fois qu’un parent est privé de son enfant. Malheureusement, dans la plupart des cas, ce sont les pères qui en souffrent le plus. Il faut agir vite. C’est un kidnapping déguisé. Il semble que tout a bien été calculé. Que se passera-t-il si la mère quitte l’Algérie ? » se demande-t-il. 

 

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