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Violence conjugale : l’attitude rébarbative des policiers à l’égard des femmes battue décriée 

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Le cas de Shrutee Awotar, 22 ans, assassinée à coups de couteau en pleine rue à Curepipe par son concubin, Sanjeev Hurkoo, la semaine d'avant, remet la violence domestique à la une de l’actualité. L’inaction de la police ou encore le manque de considération de certains concernant les cas de violences domestiques sont mis en exergue. Du côté des autorités, on indique qu’il existe des lois ainsi que des structures pour la protection des victimes. Qu’en est-il au juste ?

Shrutee Awotar
Shrutee Awotar assassinée à coups de couteau en pleine rue à Curepipe par son concubin, Sanjeev Hurkoo.


En 2020, 3026 cas de violence conjugale ont été enregistrés contre 2222 cas en 2019. Ce qui représente une hausse conséquente. Face à ce fléau qui gangrène notre société, ceux qui militent contre cette problématique dénonce l’attitude de certains policiers qui n’accordent pas de considération à des cas de violences conjugales ou domestiques. 

Ambal Jeanne, la responsable de SOS Femmes, souligne que la police a un rôle de protéger les personnes en détresse et de donner toute l’assistance nécessaire aux victimes de violences conjugales ou domestiques. « Le rôle d’un officier de police est d’enregistrer la déposition d’une victime de violence domestique. Sauf qu’il y a des officiers qui ne font pas leur travail comme il le faut. Il y a une grosse lacune à ce niveau. Il faut une gender-based training pour que les officiers puissent gérer ces cas », explique Ambal Jeanne. 

Selon elle, au lieu d’aider les victimes, surtout les femmes victimes de violences conjugales, il y a des policiers qui « add insult to injury ». Surtout si une femme a déjà porté plainte contre son époux ou conjoint violent, mais qui a, par la suite, retiré sa plainte. « Lorsque cette femme est une fois de plus victime de violence conjugale, certains policiers ont tendance à banaliser son cas. On doit comprendre qu’il y a plusieurs raisons qui poussent les femmes à retourner avec son bourreau, dont les enfants, ou encore le fait de ne pas savoir où aller entre autres. Il ne faut donc pas juger », rappelle Ambal Jeanne.

Il y a des policiers qui ne veulent pas trop aider les victimes"

Anushka Virahsawmy, Country Director de Gender Links, tire la sonnette d’alarme sur la flambée des cas de violence domestique. Comme Ambal Jeanne, elle avoue qu’il y a des policiers qui ne veulent pas trop aider les victimes de violence conjugale. « Certes, on ne peut pas généraliser, car il y a des policiers qui font un travail formidable et qui nous aident beaucoup. Mais il y a aussi ceux qui ont tendance à normaliser, voire banaliser des cas. Le cas d’une femme battue ne peut être considéré comme quelque chose de normal, de surcroît par des officiers de police », déplore notre interlocutrice.

Attitude

Elle raconte qu’il y a de nombreux cas où les doléances des victimes ne sont pas prises en considération aux postes de police. « Quand des victimes vont seules aux stations de police, on ne leur accorde pas beaucoup d’attention. Par contre, lorsque moi et d’autres officiers de Gender Links accompagnons une victime, l’attitude change », indique Anushka Virahsawmy. 

La Country Director de Gender Links se souvient d’un cas où une victime était harcelée par son agresseur malgré qu’elle fût en possession d’un Protection Order. Elle se désole que tous les policiers ne se sentent pas concernés par ce problème grandissant. « La victime résidait dans le centre de Gender Links. Son agresseur lui envoyait des messages, menaçant de la tuer. On a contacté la police pour plus de protection pour la femme. Leur réponse : « On fait déjà beaucoup », sans que la police prenne en compte les dangers qu’encourait la femme. Jusqu’au jour où l’agresseur a pénétré dans le centre. Là, nous avons appelé la police, mais il s’est sauvé avant l’arrivée de la police. Cependant, on avait les images de CCTV qui prouvaient que l’agresseur de la femme était vraiment venu au centre », relate-t-elle. 


Ambal Jeanne.
Ambal Jeanne.

Retourner vivre sous le même toit que son agresseur

Ambal Jeanne affirme avoir énuméré les risques qu’encourent les victimes qui prennent la décision de retourner vivre sous le même toit que leur agresseur. « On leur explique que leur agresseur peut être furax parce que les victimes ont frappé à porte de la police et de la justice. On leur demande si c’est prudent pour elles de partir au risque que leur conjoint ne soit encore plus violent », affirme cette dernière. 

Pour remédier à ce problème, elle préconise un changement de mentalité à travers l’éducation. « Il est impératif de changer ce ‘in balance of power’. C’est cela la complexité de la violence. Les victimes pensent pouvoir changer la donne quand elles donnent une chance à leur partenaire. Elles ne sont pas conscientes des menaces qui les guettent dans certains cas », estime Ambal Jeanne. 

Anushka Virahsawmy estime qu’on ne peut banaliser le fait qu’une victime décide de retourner avec son partenaire. « Chaque personne a sa façon de faire. Des fois, elle ne connaît même pas ses droits. La femme pense des fois qu’elle est obligée de rester avec son conjoint.

Chaque personne vit la violence différemment, il n’y a pas de ‘one size fits all’. C’est pourquoi nul n’a le droit de questionner le choix de la personne de retourner avec son bourreau », pense la Country Director de Gender Links.

Solutions 

La responsable de SOS Femmes souligne que la violence domestique est un cercle vicieux. Elle préconise une approche holistique. « La femme qui est victime de violence est doublement victime. C’est injuste qu’elle ait à quitter la maison. C’est l’agresseur qui aurait dû s’en aller. Il faut mettre des supports pour qu’une victime puisse se reconstruire, avoir une priorité pour les logements sociaux et d’autres supports pour s’en sortir », préconise Ambal Jeanne.

 

Anushka Virahsawmy.
Anushka Virahsawmy.

Selon leurs proches : « L’inaction policière a conduit Annick et Shabneez à la morgue » 

Shabneez Mohamud et Annick LaFleur sont deux cas qui illustrent bien la passivité, l’inaction et le manque de sérieux et de professionnalisme de la police dans des cas d’urgence. Dans ces deux cas, c’est clair que la police n’a pas agi à temps pour sauver la vie de ces deux femmes.

Plusieurs autres femmes victimes de violence conjugale, qui sont heureusement encore en vie, témoignent de leur calvaire.

Aux premières heures du vendredi 1er janvier 2021, en pleine fête du réveillon du Nouvel An, Annick Lafleur, 40 ans, est tuée par son ex-compagnon, Louis Michael Carpen, 35 ans, dans un atelier de métallurgie, à Petite-Rivière. Arrêté après le drame, le concubin est passé aux aveux à la police, précisant qu’il a suivi la femme et qu’il l’a tuée par jalousie. 

Annick Lafleur a été une femme battue, disent ses proches. À maintes reprises, elle a fait appel à la police pour assistance face à un homme qui minait sa vie. Une semaine avant sa mort, soit le 25 décembre 2020, alors qu’elle se trouvait chez elle à Terrasson, Pointe-aux-Sables, elle a dû appeler en urgence sa fille Naomie pour venir à son secours, car elle était agressée par son ex-compagnon.

En y arrivant, Naomie dit avoir vu sa mère dans un état pitoyable. Elle recevait des insultes en présence de la police de La Tour Koenig qui était déjà sur place. De plus, elle portait des ecchymoses. Face à cette violence, Annick a décidé, en présence de sa fille et des policiers passifs, de fuir le toit conjugal qui était devenu pour elle un enfer. Aujourd’hui, Naomie reproche à ces policiers de n’avoir pris aucune action contre l’agresseur. Elle raconte : « Mo mama ti avans so linz et ti montre la polis tou sa mark bate lors so lekor la. Lapolis pann mem aret Michael ».

Non-assistance à personne en danger

Idem du côté de Morcellement Roy, Bel-Air-Rivière-Sèche. Le 10 septembre 2019, Shabneez Mohamud, 35 ans, mère de deux enfants, âgés de 10 et 14 ans, a été tuée par son époux Nasureedhin, 38 ans, à la suite d’une énième dispute conjugale. Ses deux enfants ont alerté la police pour empêcher que leur père ne tue leur mère.  Malgré cette situation d’urgence, la police n’est pas venue tout de suite sur le lieu. Comme raison, elle avance qu’il n’y a pas de véhicule disponible pour faire le déplacement. 

Au fait, l’appel de détresse a été lancé vers 8 h 30 par les enfants de la victime qui se sont rendus à pied au poste de police de la localité, mais ce n’est qu'à 10 h 00, soit plus d’une heure après, que des policiers se sont rendus au domicile de la victime. Cependant, ils y sont arrivés trop tard. Ils ont découvert le corps sans vie de Shabneez. Ce que la victime et ses enfants craignaient est finalement arrivé. Leur père a frappé et étranglé à mort leur mère. Pourtant, cette dernière avait supplié à ses enfants de courir à la police pour chercher de l’aide. 

Pour atteindre le poste de police de Bel-Air-Rivière-Sèche, les deux enfants racontent qu’ils ont dû surmonter des difficultés. Ils précisent comment les policiers – un Sub Inspector, un sergent et trois constables – n’ont pas agi avec promptitude à leur appel de détresse. Quelques jours après le récit des enfants dans la presse, ces cinq policiers ont été transférés, car les autorités ont considéré qu’ils ont agi avec négligence.


Témoignages

Lovena, 27 ans : « Je suis terrorisée par mon ex-époux et méprisée par la police »

Lovena, une jeune femme de 27 ans, domiciliée à Roches-Brunes, a décidé de fuir le toit conjugal avec ses deux enfants depuis deux semaines. Elle explique que depuis une dizaine d'années elle vit en concubinage avec un certain Frederick, 29 ans. En 2014, le couple a décidé de se marier civilement. De cette union sont nés deux enfants, 8 et 2 ans.

Victime de violence conjugale à maintes reprises, Lovena rappelle que sa vie conjugale a été loin d’être heureuse. Elle se souvient qu’en 2012, elle a eu à dénoncer son mari à la police pour violence domestique. Ce dernier a été arrêté et par la suite il a dû payer une amende. Le couple battait de l’aile, jusqu’en octobre 2020 quand Lovena a été agressée pour une énième fois. À partir de là, elle a décidé de rompre avec son époux. « Frederick est retourné vivre chez ses parents et moi je suis restée dans la maison avec mes deux enfants », dit-elle.  

Une séparation qui ne change rien dans la vie de Lovena et ses enfants. Car, tous les jours son mari continue à venir chez elle sous prétexte de venir voir ses enfants. Et quand la jeune femme lui refuse l’accès à la maison, l’homme l’agresse et utilise un langage abusif à son égard. « Moi et mes enfants avons peur de lui et préférons le laisser entrer dans la maison pour éviter qu’il ne m'agresse. D’ailleurs, la police ne va rien faire. J’ai déposé une plainte le 13 décembre 2020 pour violence domestique contre lui. La police ne l’a jamais arrêté. Il continue à faire le va-et-vient chez moi chaque jour. Kan mo dir lapolis Camp-Levieux ki li wanted ek li kot mwa, zot mem pa vini », souligne Lovena.

Vers 23 h 00 dans la nuit du lundi 25 janvier 2021, alors qu’elle était chez elle, raconte Lovena, son époux s’est présenté devant chez elle et a voulu avoir accès dans la maison. Mais lorsque Lovena lui a refusé, il a brisé la vitre de la porte de la maison pour y entrer. Une fois à l'intérieur, il a à nouveau agressé Lovena. « Li rod mem gagn relasion avek mwa, mo dir li si to fer sa san mo konsantma mo pou met enn kas viol lor li. Lerla li promet mwa ki li pou defigir mwa ek li pou touy mwa, li dir pa pou gagn mo lekor. La police est au courant  de toutes ses dires », précise Lovena qui rappelle qu’elle avait consigné une déposition le 26 janvier, au poste de police de Camp- Levieux. 

Prise de peur, la jeune femme a décidé de fuir et d’abandonner sa maison, laissant ses deux enfants avec sa mère. Elle ne se déplace qu’avec une copie d’une ‘Protecion Order’ qu’elle a en sa possession depuis le 11 janvier 2021, cela pour une période d’un an. 

Arrêté pour Breach of Protection Order le 27 janvier 2021, son époux a été remis en liberté le mardi 2 février 2021. « Li pe kontign vinn rod mwa dan lakaz-la ek li vinn get bann zanfan. Li rantre, li manze, li bwar ek li ale tanto. Li pe dir li pou reisi met lamin lor mwa. Parfoi, mo perdi lespwar ki lapolis pou ed mwa. Se zis kan pou gagn mo lekor ki zot va pran aksion », pleure Lovena.

Le calvaire d’une veuve et de ses cinq enfants

C’est un calvaire indescriptible que Mungralie, veuve de 42 ans et mère de cinq enfants, subit depuis des mois. Cette habitante de la rue Paul Tourreau à Sainte-Croix et ses enfants vivent dans une constante angoisse et peur. Le nouveau chef de famille que Mungralie a trouvé après la mort de son mari est malheureusement un récidiviste notoire qui sème la terreur chez elle.  

C’est en 2014 que Mungralie a perdu son époux. Elle était alors mère de quatre filles. Après quatre ans, elle décide de refaire sa vie avec un jeune homme de 31 ans, habitant Plaine-Verte, avec qui elle se met en concubinage. De cette union est né un enfant âgé d'un an. Mungralie raconte que les coups deviennent encore plus violents lorsqu’elle n’est pas en mesure de donner de l’argent à son concubin qui lui réclame pour acheter ses doses de drogue. Il n’accepte pas d’essuyer des refus. 

De plus, le concubin n’hésite pas à faire main basse sur l’argent de Mungralie. « Mo travay dan enn servis katerinn ek tou kas ki mo gagne li pran, par Rs 5 000 ek mem Rs10 000. Li ouver mo portfey li pran, kan koze li bate, mo finn separe avek li depi 2 zan, li kontinie vini ek rod kas ek mem kokin portab mo zanfan ek pou mwa », raconte Mungralie, toute désolée.

La quadragénaire dit avoir porté plainte contre son concubin au poste de police d’Abercrombie plusieurs fois pour vol et même pour violence domestique. Après les plaintes, il est arrêté et relâché par la suite.  La victime dit avoir porté plainte pour agression et vol contre lui depuis le 24 janvier 2021, « mais jusqu’à ce jour il n’est pas encore arrêté. Il continue toujours à venir nous intimider ». « Bann servis lapolis deza bien konn li, li al bwar metadonn sak zour. Pourtan lapolis dir ki zot pa pe trouv li. Ek li pe kontign rod mwa et mo bann zanfan pou tir vanzans », déplore Mungralie.

 


La chef inspectrice Sylvia Rajiah : « Il y a des policiers qui ne considèrent pas ces cas comme une priorité »

La chef inspectrice Sylvia Rajiah, une des responsables de la Police Family Protection Unit (PFPU), concède qu’il y a des policiers qui ne considèrent pas les cas de violence domestique comme une priorité. 

Elle souligne de plus qu’un officier n’a pas le droit de ne pas enregistrer la plainte d’une victime de violence perpétrée par son partenaire. « Il faut reconnaître que dans les postes de police, on a majoritairement des hommes. Peut-être qu’ils ne trouvent pas ces cas importants. Qui sont principalement les auteurs de violence ? Ce sont des hommes. Je pense que c’est quelque chose de psychologique. Toutefois, il ne faut pas mettre tous les officiers dans le même panier », rassure notre interlocutrice. 
De plus, elle tient à préciser que des formations sont offertes aux officiers de police à ce sujet. « Les policiers sont formés pour offrir le service requis au public. Je peux souligner que les forces de l’ordre mettent les bouchées doubles pour conscientiser et former le maximum de policiers afin qu’ils puissent mieux encadrer ces personnes en difficulté à toute heure », lance Sylvia Rajiah.

 La PFPU fait beaucoup de médiations"

Par ailleurs, la chef inspectrice ajoute que si une victime n’a pas eu de satisfaction lorsqu’elle s’est rendue dans un poste de police pour porter plainte pour violence domestique, elle peut solliciter l’aide du Station Manager ou encore le Surintendant de police. Elle souligne qu’il y a également d’autres avenues. « Les victimes peuvent venir dans les bureaux de la Police Family Protection Unit, dans les Family Support Bureau du ministère de l’Égalité du Genre ou encore aller dans les bureaux CAB si elles ne sont pas satisfaites du service dans les postes de police. On les encourage à dénoncer. D’ailleurs, tous les cas enregistrés dans les postes de police sont référés à notre unité », dit Sylvia Rajiah. 

Procédures

La chef inspectrice Sylvia Rajiah précise que la PFPU travaille en étroite collaboration avec tous les postes de police. « La PFPU ne fonctionne pas seule. Elle travaille en partenariat avec tous les postes de police pour fournir un service complet. Quel que soit l’endroit où la plainte a été consignée, elle sera automatiquement référée à la FPU, mais l’enquête sera effectuée au niveau du poste », indique notre interlocutrice.

Elle poursuit qu’il y a deux aspects à considérer : premièrement les violences mineures, notamment celles qui viennent de commencer dans la famille, on peut alors opter pour une médiation, par exemple, un counseling ou un avertissement. Si cette approche n’a pas fonctionné la première fois, la FPU pourra opter pour un ordre de protection à travers la cour. Parallèlement, le conjoint ou la conjointe sera informé (e) et c’est la cour qui prononcera le jugement par rapport à l’ordre de protection.

La chef inspectrice souligne que la violence est un phénomène qui détruit la famille. « À la PFPU, nous faisons beaucoup de médiations pour sensibiliser les couples aux problèmes de violence et à ses répercussions sur tous les membres de la famille. Bien sûr, lorsqu’une femme ou un homme est victime de coups, il nous faut réagir promptement pour leur venir en aide. »

Séparation 

La responsable de la PFPU Unit met l’accent sur le fait que dans une grande majorité de cas, soit 50 % des victimes qui ont un ‘protection order’ optent pour la séparation ou le divorce. 

Appli mobile 

La chef inspectrice Sylvia Rajiah précise qu’il y a une application mobile disponible et que les victimes de violence peuvent télécharger et s’enregistrer. « En cas de détresse ou de danger, elles peuvent appuyer sur le bouton. Un SOS est envoyé au centre de commande de police. Si la victime est enregistrée, la police aura toutes ses données et une intervention policière a lieu le plus rapidement possible », explique-t-elle.


Qu’est-ce qu’un Protection Order ?

Une ordonnance de protection ou Protection Order est une solution immédiate au problème de violence domestique. C’est un ordre, généralement temporaire, de la cour interdisant à l’agresseur de harceler physiquement, moralement et émotionnellement la victime, même s’ils cohabitent. C’est au fait pour contraindre l’agresseur de se tenir à distance de la victime. C’est ce que nous explique Jayseeree Bhunjun, Head Family Welfare and Protection Unit de ministère de l’Egalité du Genre.

Elle précise que des officiers de la PFPU ou encore des officiers du ministère accompagnent les victimes dans leurs démarches. « Dès qu’une victime rapporte un cas dans un de nos bureaux, nous analysons le cas et cernons la gravité du cas. Nous informons la victime de ses droits et nous l’accompagnons dans l’ébauche de son affidavit en sus de l’accompagner à la cour pour sa demande de Protection Order », explique Jayseeree Bhunjhun. 

La Head Family Welfare and Protection Unit ajoute que le magistrat écoute le cas et donne un interim Protection Order valable pendant 14 jours. Durant ce laps de temps, l’agresseur est appelé à donner sa version. Lors du 14e jour, l’accusé et la victime sont appelés à s’expliquer. « La victime a un représentant légal du ministère sans aucun frais à payer », met-elle l’accent.

Elle ajoute que « si l’accusé accepte les charges portées contre lui, le magistrat donne un Protection Order pour une période ne dépassant pas deux ans à la victime. Si l’agresseur dit qu’il ne va plus recommencer et qu’il va bien se comporter, le cas peut être ‘set aside’. Et si l’agresseur rejette les accusations portées contre lui, il doit trouver un avocat pour se défendre ». 

Les causes : 

  • Relation inégale entre l’homme et la femme dans une société patriarcale 
  • Pouvoir et contrôle 
  • Alcool 
  • Drogue
  • Adultère 
  • Refus d’avoir des relations avec son/sa partenaire
  • Les beaux-parents 
  • Caractère 
  • Manque d’empathie 
  • Désobéissance
  • Argent

sensibilisation 

Tout comme la PFPU, la Family Welfare and Protection Unit offre un service de counselling et fait un suivi pour voir si la situation se décante ou dégénère, tout en expliquant les Safety Plan aux victimes. Une formation est octroyée aux victimes afin de les autonomiser économiquement afin qu’elles sortent de ce cercle vicieux. 

Abri temporaire aux victimes 

Le ministère ne dispose d’aucun centre. Toutefois, il travaille avec cinq shelters qui sont opérés par des ONG afin d’offrir un abri temporaire aux victimes et à leurs enfants.

 


Violence contre les femmes : l’efficacité des garde-fous remise en question 

Le sempiternel débat sur l’efficacité des mécanismes de protection des femmes battues. Où réside le problème ? Nos lois comportent-elles des lacunes ? Quelles solutions ? Deux légistes, Mes Neelam Ramsaran-Jogeea et Poonum Sookun-Teeluckdharry, font le point.

N’y a-t-il pas de mécanismes de protection permettant d’éviter des tragédies au sein du couple ? Il y a bien les Protection Orders, dont l’efficacité voire la raison d’être a souvent été remise en question. 

« Il y a eu plusieurs cas graves voire mortels où les Protection Orders n’ont été d’aucune utilité. Bien que la loi prévoie des peines d’emprisonnement, les agresseurs s’en sortent souvent avec une amende quand ils enfreignent cet ordre », déplore Me Neelam Ramsaran-Jogeea. 
L’avocate va plus loin dans son analyse. Pour elle, le problème ce n’est pas vraiment des lacunes dans nos lois. « On peut avoir beaucoup de lois, mais si elles ne sont pas appliquées correctement, elles ne servent à rien », explique-t-elle. 

Elle prend l’exemple du Protection Order. « Il ne fonctionne pas comme il devrait. Si la police, la Family Protection Unit et la Child Development Unit collaboraient et accordaient davantage d’attention à chaque cas, il y aurait moins de victimes », estime Me Neelam Ramsaran-Jogeea. 

Mais il n’y a pas que cela, selon elle. L’avocate regrette le fait que certaines victimes de la violence conjugale fassent preuve de naïveté. Elle explique qu’elles croient, malgré les violences à répétition, que leurs conjoints changeront. « Du coup, elles finissent par leur pardonner. Elles ne rapportent pas le cas. Cela a des répercussions puisque l’agresseur croit qu’il a le contrôle et qu’il peut récidiver », souligne Me Neelam Ramsaran-Jogeea. 

L’avocate donne un exemple d’une cliente qui avait obtenu un Protection Order. Un matin, poursuit-elle, son mari, qui était toxicomane, a été violent avec elle. « Elle a appelé la police. Mais lorsque les agents se sont rendus chez elle, elle leur a dit que tout était sous contrôle et qu’elle ne souhaitait pas porter plainte contre son mari. Les policiers sont repartis et peu de temps après, son mari l’a poignardée devant ses enfants en bas âge. » 

Me Poonum Sookun-Teeluckdharry estime qu’il faut tout d’abord situer l’acte d’agression. Elle explique que l’homme utilise cet acte quand il se sent menacé ou quand il sent qu’il perd son pouvoir de contrôle sur l’autre. « L’acte d’agression a toujours existé au sein de la famille. L’agression verbale est un autre type d’agression qui est très fréquent », souligne l’avocate. 

Elle constate tristement qu’il est souvent trop tard quand la loi est appliquée. « La loi est là pour sanctionner. Il faut l’appliquer rigoureusement et sans trop tarder. Souvent, justice est rendue après que beaucoup de temps se soit écoulé entre l’acte d’agression et le moment de prise de sanction. » 

Me Poonum Sookun-Teeluckdharry déplore le fait que l’acte d’agression soit banalisé et qu’il soit souvent perçu comme ne méritant « d’aller devant une cour de justice ». Au contraire, martèle-t-elle, « la police aurait dû être plus vigilante, au lieu de laisser la situation dégénérer. Les violences entre conjoints sont mal gérées par certains policiers et la Family Protection Unit, qui réagissent très tardivement », constate l’avocate. 

Solutions 

Pour elle, la solution est de s’attaquer à la source du problème. « C’est toute une éducation à refaire, car l’enfant qui grandit dans un milieu où l’agression semble être un acte normal finit hélas par croire que c’est le seul moyen de s’exprimer quand on n’est pas d’accord. »  

En sus de l’éducation qui est un élément primordial, Me Poonum Sookun-Teeluckdharry plaide pour un changement immédiat dans le mode d’opération de toutes nos institutions, notamment nos cours de justice, la Police Complaints Commission, la Family Protection Unit et l’Ombudsperson, entre autres. Elle estime que peu importe le type d’agression, qu’elle soit simple ou grave, l’enquête et la justice doivent entrer en jeu au plus vite afin d’éviter que cela ne dégénère. 

L’avocate est d’avis qu’il faudrait mettre davantage de « hotline » à la disposition du public pour que ceux qui se trouvent dans des relations compliquées puissent trouver une solution à leur problème. Autre point qu’elle met en avant : si quelqu’un présente une tendance à commettre des actes d’agression ou a souvent des accès de colère, le cas doit être rapporté à la police. « Il faut qu’à la fois l’agresseur et la victime soient suivis par un psychologue », estime Me Poonum Sookun-Teeluckdharry. 

Avis partagé par Me Neelam Ramsaran-Jogeea. Elle ajoute d’emblée que ce sont des moyens efficaces pour protéger tant l’agresseur que la victime. Me Neelam Ramsaran-Jogeea propose également que les employés des institutions – telles que nos cours de justice, la Police Complaints Commission, la Family Protection Unit, l’Ombudsperson, etc. – reçoivent davantage de formation afin qu’ils soient en mesure de reconnaître les dangers potentiels et mieux protéger les victimes.

Mais l’avocate trouve tout aussi important que la Family Protection Unit ne referme pas le dossier quand le cas est déjà passé devant une cour de justice. « Il faut que la Family Protection Unit fasse un suivi du cas pendant un certain temps et qu’elle apporte son soutien à la victime et même à l’agresseur. Le but étant de situer le problème et de le résoudre avant tout dérapage », explique-t-elle. 

Les lois existantes 

Selon Me Neelam Ramsaran-Jogeea, la Protection from Domestic Violence Act vise à protéger les personnes de toute forme de violence domestique qu’elle définit comme suit : tout acte de violence physique, mentale ou sexuelle, toute tentative de violence contre des personnes qui ont ou ont eu des liens familiaux ou qui habitent sous le même toit. À travers cette loi, une victime peut déposer une demande auprès des autorités pour que des mesures d’urgence soient appliquées. En cas de blessures et de coups, la police délivre un formulaire 58 qui est rempli par le médecin établissant par écrit les blessures ou les traces de violence constatées. Le tribunal peut, par la suite, émettre un Protection Order, un Occupation Order et un Tenancy Order, entre autres. 

  • PROTECTION ORDER. C’est un ordre de protection qui peut être intérimaire ou permanente et qui est obtenu par un des conjoints pour faire cesser tout type de violence domestique à l’encontre de l’autre personne habitant sous le même toit. Cet ordre peut s’étendre sur une période maximale de 24 mois. À titre d’exemple, il peut interdire à l’agresseur de ne pas se trouver dans les mêmes locaux où réside ou travaille la victime. Il peut aussi interdire à l’agresseur de s’approcher de la victime à une distance spécifique. 
     
  • OCCUPATION ORDER. Il s’agit d’un droit d’habitation exclusif obtenu à travers la cour par un des conjoints, étant propriétaire, qui est victime de violence domestique. 
     
  • TENANCY ORDER. C’est un droit d’habitation exclusif obtenu à travers la cour par un des conjoints, étant locataire, qui est victime de violence domestique.

En chiffres

  • 1997 demandes de Protection Order ont été logées devant les cours de district en 2019. 
  • 1791 Protection Orders provisoires ont été émis en 2019. 
  • 1007 Protection Orders ont été émis en 2019. 
  • 515 femmes, âgées de 30 à 39 ans, ont fait des demandes de Protection Order en 2019.

Qui contacter ?

119 : Family Counseling Services* 
139 : Domestic Violence* 
* Il s’agit des Hotlines du ministère de l’Égalité des genres et de la Protection de la famille. 


Une professionnelle : « On m’a accueillie comme une moins que rien »

La violence verbale est tout aussi traumatisante. Elle a le même impact que la violence physique. Après 28 années de mariage, une professionnelle d’une cinquantaine d’années a décidé d’aller de l’avant. Car elle dit qu’elle ne peut plus supporter le comportement et l’attitude de son mari. À deux reprises, elle s’est rendue au poste de police de sa localité.

Sur les lieux, elle dit « avoir été accueillie comme une moins que rien ». Accompagnée de ses deux enfants pour la première fois, elle relate que le ton du policier l’a mise dans un état où elle avait encore plus peur qu’avant. Et de citer les paroles du policier : « madam met ou mask, donn ou kart idantite, al explike ki ariv ou… » Le ton en disait long alors que le policier ne portait pas de masque lui-même. 

La femme explique alors son calvaire et le comportement de son mari qui a changé au fil des années. Pour sa part, le policier écrit, pose les mêmes questions dans tous les sens. Ne voulant pas omettre certains détails, la femme demande à voix haute l’assistance de ses enfants. « Madam mo pe koz ar ou la… », fustige le policier.

N’en pouvant plus de cet accueil, la femme retire alors sa carte professionnelle et comme par magie, le ton du policier devient mielleux. Plus de questions pertinentes. En deux temps et trois mouvements, la Precautionary Measure est rédigée. Le policier s’assure même de montrer à la femme venue chercher de l’aide que tout est bien écrit en tournant l’écran de son ordinateur vers la victime.

La deuxième fois qu’elle s’est rendue au poste de police, le policier de service avait pris soin de lui demander sa fonction. Cette fois-ci, dès le début tout était expliqué dans les moindres détails et dans un français impeccable. Cette fois-ci, les enfants ont pu l’accompagner jusqu’au bout de la déposition. Toutefois, la femme fut priée de rentrer chez elle et d’appeler la hot line en cas de violence. Mais celle-ci a préféré aller dormir ailleurs et a ainsi demandé au policier d’inscrire ce détail dans son dossier.
 

 

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